CHAPITRE 3 (2 sur 2)

3.2.3. Le secrétariat, théâtre de vifs conflits de pouvoir.

Une lourdeur administrative liée à la taille croissante du secrétariat.

Plusieurs anciens fonctionnaires reconnaissent la complexité et la rigidité de l’organigramme des secteurs et des divisions[1]. Plusieurs facteurs peuvent être identifiés : la grande taille du secrétariat, la rigidité et la précarité du système des postes, une organisation du travail en partie défectueuse, et un système coûteux.

Un secrétariat à la taille croissante et aux mécanismes lourds.
Le secrétariat s’est révélé très bureaucratique malgré les efforts des fondateurs de l’Unesco pour éviter ce défaut. Ainsi, Evans évoque : « lorsque nous avons écrit la constitution de l’Unesco, nous cherchions toutes les techniques auxquelles nous pouvions penser pour préserver l’Unesco du risque de devenir trop bureaucratique » ; « nous avions vraiment en tête le concept de pluralisme démocratique, d’initiative privée et de liberté de l’esprit créateur »[2]. Dans les premières années, les réflexions abondent au sein de l’Unesco pour essayer d’améliorer la structure du secrétariat. Ainsi, en 1947, Huxley prône la mise en place d’un groupe de personnes « multifonctions » pour assurer la coordination entre les différentes unités et disciplines[3]. Alors qu’en 1946, au moment où l’Unesco commence à fonctionner, le secrétariat ne compte qu’une vingtaine de personnes, à la fin de l’année 1947, il en compte 557 ; en 1950 il en compte 810[4]. Cette augmentation exponentielle en un temps minime entraîne d’importants problèmes d’organisation. Evans souligne qu’elle n’était pas prévue initialement. En particulier, Alfred Zimmern, qui était pressenti pour être le premier directeur général, voulait maintenir le secrétariat dans des dimensions très modestes ; les États-Unis au contraire prônaient un secrétariat plus large ; ainsi Evans expose ce désaccord à Zimmern lors d’un repas : « Sir Alfred, pour exprimer notre position de manière concrète, il me semble que vous parlez d’un Secrétariat de 20 personnes et que nous [les Américains] parlons d’un Secrétariat de 200 personnes ». Mais chacun reste sur ses positions. Puis Zimmern est remplacé par Huxley qui est acquis à l’idée d’un secrétariat numériquement important, et le problème se règle donc de lui-même. Cependant, les Américains eux-mêmes n’imaginaient pas du tout un secrétariat aussi immense qu’il est devenu par la suite[5].
Plusieurs postes ont été créés plus pour des raisons politiques que pour de véritables besoins administratifs. Ainsi, les fonctions d’« assistant directeur général pour les affaires culturelles », et d’« assistant directeur général pour les affaires administratives », créées en 1946, correspondent davantage à une motivation politique (pour donner un poste important à un Français et à un Américain, à côté du directeur général britannique) qu’administrative[6]. Ces deux postes apparaissent en effet redondants dans l’organigramme de l’organisation. De même, en 1965, la création des postes de sous-directeur général entraîne un alourdissement de l’organigramme ; plusieurs États, comme la France, s’opposent d’ailleurs, en vain, à cette création[7]. Le rapport de la table-ronde de 1970 critique le fait que de nombreux postes à responsabilités créés au fil des années n’ont pas de véritable raison d’être, mais répondent à une volonté politique[8].
Dès les premières années, les représentants des États membres, le directeur général, et les membres du secrétariat eux-mêmes prennent conscience du risque d’alourdissement du secrétariat. Ainsi, à la conférence générale de 1947, le délégué de la Pologne déplore que l’Unesco « consacre une très grande partie de son budget à l’entretien de sa machine administrative »[9] ; le délégué d’Haïti qualifie l’Unesco d’« édifice administratif » et regrette que « la bureaucratie administrative » ait « absorbé […] des efforts qu’on aurait pu faire dans un sens plus pratique »[10] ; Jacques Maritain, chef de la délégation française, déplore que « jusqu’à présent, dans le budget de l’Unesco, […] la part des dépenses administratives dépasse dans des proportions considérables celle des dépenses créatives »[11] ; Carneiro, délégué du Brésil, met en garde contre le risque que l’Unesco ne devienne « une nouvelle bureaucratie internationale hypertrophiée »[12]. Les membres de la commission nationale française expriment leur « déception » de voir l’Unesco « s’enliser dans la paperasserie, dans la bureaucratie », et formulent « de vives critiques » à l’égard des « questionnaires sans fin, enquêtes inutiles, études incessantes des diverses parties d’un programme sans cesse proposé et bien peu réalisé »[13].
En 1948, le comité d’experts réuni par l’Unesco pour examiner les problèmes du secrétariat y observe la « dispersion d’efforts » et le fait que l’information y circule mal, ce qui nuit beaucoup à son fonctionnement ; il insiste sur l’importance de mettre les documents et correspondances à portée des fonctionnaires, et de faire que l’Unesco ne soit pas « une lâche confédération de programmes et de disciplines », mais un ensemble bien coordonné, intégré, où les efforts des équipes se combinent et se démultiplient ; il signale la difficulté de combiner tous ces domaines différents, et l’importance d’« encourager l’esprit d’équipe et de renforcer l’esprit d’unité à l’Unesco » ; il préconise un redécoupage de l’organigramme administratif selon des sections plus larges[14].
En 1950, un diplomate britannique insiste sur les innombrables « difficultés administratives », dues à « l’extrême complexité du système administratif », observant qu’à chaque fois que l’Unesco veut envoyer une lettre circulaire à ses 50 États membres, il faut faire 600 copies de cette lettre[15]. La même année, un diplomate italien critique « le secrétariat mastodonte » et « l’avalanche de documents »[16]. À la conférence générale de 1952, Howland Sargeant observe que les problèmes liés à la lourdeur de l’administration ne se sont pas résolus mais au contraire aggravés[17]. Torres Bodet exprime dans son discours de démission en 1952 qu’il lui est « apparu très vite que l’Unesco s’orientait vers une organisation bureaucratique »[18] ; dans ses Mémoires, il évoque longuement ce caractère[19]. Il fait un rapprochement avec Kafka à propos de l’hôtel Majestic et de son fonctionnement compliqué, de « ses corridors sombres, ses grandes salles, ses passages étroits, ses conciliabules multilingues et ses miméographes incessants »[20]. Il exprime le malaise qu’il a alors ressenti devant la lenteur et la lourdeur de cette machine bureaucratique :
« Je me sentais seul, seul et angoissé, au centre de cette fabrique d’espérances, souvent frustrées, et de textes préparatoires, corrigés par d’autres textes préparatoires destinés à des réunions dans lesquelles on recommençait à discuter avec prolixité s’il convenait ou non de réaliser ce que nous avions projeté pendant des mois. »[21]
Tout au long de son mandat, il s’efforce de lutter contre cette lourdeur croissante. En 1948, il déclare : « nous ne désirons pas […] grever les peuples pauvres d’un appareil bureaucratique injustifiable »[22]. L’année suivante, il reconnaît que l’Unesco « n’est encore, sous bien des aspects, qu’une administration » et rappelle « la menace qui de tous temps a pesé sur les administrations : elles risquent de dégénérer en mécanismes inhumains où la vie est étouffée, où le mot dévore le sens, où la lettre tue l’esprit ». Il exhorte à la « vigilance » pour lutter contre cette tendance[23]. « L’Unesco est en pleine croissance : il ne faut pas qu’elle s’ankylose », proclame-t-il, soulignant que l’Unesco ne doit pas se réduire à être « une entité administratrice qui se développe suivant les lois de quelque inacceptable autarcie intellectuelle »[24]. En 1952, dernière année de son mandat, il se fait plus grave et évoque le danger que l’Unesco ne tombe dans la sclérose et dans une « rigidité cadavérique »[25]. Dans ses Mémoires, il exprime le regret de n’avoir pas réussi à « humaniser, simplifier » l’appareil bureaucratique de l’Unesco[26]. Le personnel du secrétariat est lui-même conscient de ce problème. En 1948, le Britannique W.E. Williams, chef du « Bureau des Idées », juge le mécanisme administratif du secrétariat excessivement lourd[27].
Dès les premières années, la lourdeur de l’administration de l’Unesco est sévèrement critiquée par la presse. La presse française critique âprement la mécanique bureaucratique de l’organisation[28]. En 1949, un article paru dans L’âge Nouveau déplore que la bureaucratie de l’Unesco « forme un engrenage qui réduit en pulpe initiatives, idées, émotions, et les fait ressortir en serpentins kilométriques de papier »[29]. En 1952, Le Monde estime que les institutions internationales « apparaissent de plus en plus comme des machines bureaucratiques vidées de tout sens et de toute efficacité »[30]. En 1953, dans La Revue de Paris, Paul-Louis Bret critique le nombre excessif de réunions, « activités verbales » sans résultat, « prétextes à discours et à voyages », les dépenses exagérées, les procédures compliquées, les « paperasseries »[31]. En décembre 1948, l’Evening Standard critique les coûts importants de l’Unesco, consacrés en grande partie à l’administration[32]. En 1950, le Manchester Guardian qualifie l’organisation de « mammouth », « submergé sous une montagne de papiers »[33], et insiste sur le caractère « inhumain » de la conférence générale, de « ces séances interminables durant lesquelles ces 800 personnes étaient assises avec leurs écouteurs quadrilingues, tous silencieux et sans sourire : un monument effrayant du progrès de la TSF de notre époque »[34].
L’alourdissement du secrétariat se poursuit néanmoins durant les années suivantes[35]. En 1953, Mgr. Tardini, observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco, souligne dans une conversation privée le « danger » que l’Unesco ne devienne une « nouvelle bureaucratie internationale »[36]. En 1954, au conseil exécutif, le représentant des États-Unis, John A. Perkins, critique le fonctionnement des organes de l’Unesco, et brandit la menace de retrait des États-Unis si l’Unesco n’apporte pas des améliorations à ce fonctionnement[37]. Le gouvernement britannique soutient ces critiques. En 1955, dans un document interne, il déplore un sureffectif dans certains départements, qui accentue la rigidité du système hiérarchique[38]. À la 37e session du conseil exécutif, la France porte « des attaques assez vives » contre le secrétariat, « accusé d’inertie et de bureaucratisme », et contre le projet de programme, qualifié de « routinier »[39]. Dans la seconde moitié des années 1950, seul T.C. Young, « magicien du budget », maîtrise avec dextérité les mécanismes du bureau du budget, dont il est directeur[40], et qu’il s’efforce de réorganiser et de rationaliser[41].
En 1959, George N. Shuster, membre américain du conseil exécutif, affirme dans une correspondance confidentielle que le secrétariat a fait récemment d’importants progrès dans son organisation administrative : il souligne avec satisfaction « le développement de la confiance et du sens de la direction au sein du secrétariat » et l’existence d’un effort authentique et fructueux afin de concentrer le programme. Il fait l’éloge de la qualité des fonctionnaires de l’Unesco : les meilleurs d’entre eux forment selon lui un petit noyau qui confère au programme « dynamisme » et « efficacité », et qui dirige ce programme vers des buts « valables »[42].
Dans les années 1960, le secrétariat compte plus de 1500 personnes au siège, et constitue donc une impressionnante machine, comme l’observe Benton en 1964[43]. Ce gigantisme de l’appareil administratif entraîne une accumulation de rapports et de mémorandums[44]. Le directeur général Maheu se plaint des « volumineux dossiers comprenant les multiples brouillons et notes internes »[45] qui lui sont envoyés. Delavenay, directeur des publications, évoque les « montagnes de papier » qui sont imprimées[46]. En 1962, les diplomates américains déplorent que le secrétariat se transforme en une « puissante et formidable bureaucratie »[47]. En 1965, de nombreux États membres insistent sur la nécessité urgente d’améliorer et de rationaliser sa structure administrative[48]. En 1968, Vakhrouchev, secrétaire exécutif de la commission nationale soviétique, déplore « l’excessive complexité » du secrétariat et réclame une « simplification de la structure de l’appareil de l’Unesco et une réduction du coût de son entretien »[49]. Esther Dartigue rapporte que, dans les années 1960, « l’administration de l’Unesco agissait avec lenteur, et qu’il s’ensuivait des délais incompatibles avec l’urgence des tâches à mener », elle évoque les « retards gênants », malgré les efforts de plusieurs fonctionnaires zélés comme son mari Maurice Dartigue[50]. En 1971, aux cérémonies du 25e anniversaire de l’Unesco, John White, étudiant à Cambridge de vingt-cinq ans, invité comme représentant de la jeunesse, accuse le secrétariat de l’Unesco d’être trop bureaucratique[51].
En septembre 1972, à une réunion des États du groupe de Genève, la délégation française présente une étude sur la pyramide des grades au sein des quatre principales agences spécialisées des Nations Unies : l’Unesco, l’OIT, la FAO et l’OMS. Cette étude tire des conclusions alarmantes sur l’organisation administrative de l’Unesco, observant qu’elle présente une structure des catégories hiérachiques sensiblement différente de celle des trois autres agences, caractérisée par une pléthore des postes à responsabilité. Cet accroissement est dû en partie à l’apparition d’une importante masse additionnelle de fonctionnaires rémunérés sur crédits extrabudgétaires, qui modifie la pyramide des grades. L’étude conclut que la situation administrative de l’Unesco est « incontestablement malsaine »[52].
Cet alourdissement croissant de l’organigramme administratif entraîne des difficultés et des immobilismes qui sont constatés par les fonctionnaires et les collaborateurs, tel Jacques Tocatlian qui évoque le « cauchemar administratif » de l’Unesco[53], Sandy Koffler[54], Jean Larnaud[55], Claude Lévi-Strauss[56], ou Yves Bonnefoy. Ce dernier évoque « la lourdeur de l’engrenage administratif de l’Unesco », qu’il a approché en 1970 ; pour lui, « les fonctionnaires internationaux ont pour unique tâche de perdurer dans leur propre existence »[57]. En 1971, malgré les efforts du directeur général pour limiter l’inflation du personnel[58], le secrétariat continue à s’accroître : il compte désormais 2029 fonctionnaires au siège, auxquels s’ajoutent près de 1500 fonctionnaires hors-siège[59]. À la fin de la période, Huxley déplore le personnel « trop nombreux et trop disparate »[60], Maheu reconnaît que l’Unesco est devenue « un appareil politico-bureaucratique tentaculaire »[61]. De nombreux observateurs extérieurs, comme Jean-Pierre Lycops, dénoncent le « modèle rigide de direction bureaucratique et hiérarchique » de l’Unesco, qui entraîne une bureaucratie « aussi lourde et coûteuse qu’inutile »[62].
Le secrétariat se caractérise donc par une expansion numérique et une complexité administrative croissantes, qui entraînent un alourdissement de son fonctionnement. Il convient d’examiner à présent les problèmes d’organisation du travail en son sein.

La rigidité et la précarité du système des postes.
Les postes à l’Unesco correspondent à plusieurs statuts : fonctionnaire, consultant, expert. Un consultant est quelqu’un d’extérieur au personnel de l’Unesco, embauché par l’Unesco en général pour six mois pour faire du conseil pour elle. Un expert travaille à l’exécution sur le terrain d’un programme de l’Unesco avec le pays concerné.
Les critères pour le recrutement du personnel sont doubles : d’une part le mérite, d’autre part, une équitable répartition géographique[63]. Or, ces deux critères entrent souvent en contradiction. Les considérations géographiques empêchent souvent la nomination de candidats de valeur. Ainsi, en 1964, au sein du secteur des sciences, cela pose problème à la sucession de Victor Kovda par l’Américain Albert Baez[64].
A l’Unesco comme dans tout le système des Nations Unies, les employés sont nommés à un poste déterminé, correspondant à un salaire déterminé. Tout changement de poste, toute mutation, sont considérés comme un nouveau recrutement. Ce système, très rigide, a été selon Prévost « la source d’un malaise latent, ponctué de poussées de fièvre, tout au long de l’histoire du secrétariat », et a notamment été dans les années 1960 vivement contesté par l’association du personnel, dont il était le président. Selon lui, « le bureau du personnel commençait alors à être saisi par l’ankylose qui l’a à peu près complètement paralysé depuis »[65].
D’autre part, le personnel, même à un haut niveau, est, au début de la période, recruté sur la base de contrats de très courte durée, renouvelables. Ce système confère au personnel un statut précaire et vulnérable, dont témoignent de nombreux fonctionnaires[66]. Ainsi, René Maheu est engagé en juillet 1946 pour un contrat d’un mois, renouvelable : « cette situation précaire a duré un an et demi. J’étais un peu comme un domestique qu’on pouvait renvoyer au bout de quinze jours »[67]. De même, Jean d’Ormesson est embauché initialement pour une période de trois mois, en 1950[68]. Jacques Havet lui aussi, à la fin des années 1940, enchaîne les contrats de très courte durée à l’Unesco[69].
Dès 1948, le comité d’experts réuni pour réfléchir aux problèmes de fonctionnement de l’Unesco observe que la précarité et la courte durée des postes ont une influence délétère sur le moral du personnel, causant sentiment d’« incertitude et d’instabilité », et constituent « une grave dissuasion » pour ceux qui seraient disposés à faire carrière à l’Unesco. Le comité prône la mise en place de contrats à plus long terme[70].
Au fil des années, l’écart se creuse entre le personnel bénéficiant de contrats de longue durée et le personnel sous contrat de courte durée. Sous l’impulsion des directeurs généraux Evans[71] et Maheu[72], les contrats de courte durée deviennent la norme. Ce système présente pour le directeur général l’avantage de rendre le personnel plus docile à ses ordres. Selon Michel Prévost, ancien chef de l’association du personnel, ce double statut du personnel, avec deux modes de recrutement et de rémunération différents, « a réduit à néant toute tentative d’établissement d’un système de carrière cohérent », et a entraîné le « mécontentement du petit personnel ». Il observe que cette « fracture » entre deux catégories de personnel « a largement contribué à éroder l’esprit d’équipe qui prévalait aux débuts de l’Unesco »[73].
Le malaise est accru par la généralisation d’un système qui devait théoriquement rester exceptionnel : le recrutement de nombreux consultants, pour des contrats de courte durée, souvent renouvelés plusieurs fois de suite[74]. Ces consultants contribuent à effectuer le travail normalement attribué aux fonctionnaires.
Evans souligne les pressions des membres du conseil exécutif pour la nomination du personnel, pressions dirigées par des questions d’intérêts nationaux, politiques[75]. Ces pressions, qui aboutissent, nuisent à la qualité du personnel recruté.
Au début des années 1960, les revendications persévérantes de l’association du personnel aboutissent à donner plus de sécurité et de stabilité au statut du personnel, et à revaloriser les salaires[76]. Pourtant, la situation des contractuels demeure précaire. Ainsi, E.R. évoque les « cinq ans insoutenables » passés à l’Unesco de 1962 à 1966, « en raison du suspense, de l’angoisse provoqués par l’incertitude et la brièveté des contrats ‘temporaires’»[77].
Au début des années 1970, le système du recrutement et de la carrière à l’Unesco est largement remis en cause par le personnel. Le rapport de la table ronde du personnel de 1970 critique l’injustice et la précarité de ce système, et la « rigidité » de celui des grades[78].
Cependant il faut mentionner un élément de souplesse dans le recrutement : le personnel de l’ONU ainsi que des différentes agences spécialisées a la possibilité de passer d’une agence à l’autre grâce à la formule souple du transfert[79]. Plusieurs membres du personnel de l’Unesco ont ainsi travaillé d’abord, ou ensuite, dans d’autres agences[80]. Ainsi Delavenay témoigne qu’en 1949 c’est suite à une simple lettre de Torres Bodet qu’il est passé de l’ONU à l’Unesco[81]. Alfred Métraux[82] et Henry Cassirer[83] sont aussi passés de l’ONU à l’Unesco.
Par ailleurs, des rivalités et intérêts nationaux opposent les États pour les nominations de hauts fonctionnaires du secrétariat[84] ; cela prime souvent sur la compétence dans le recrutement.
L’Unesco a souvent du mal à recruter des fonctionnaires qualifiés. Ainsi par exemple, en 1950, après le décès d’Arturo Ramos, directeur du département des sciences sociales, Torres Bodet décide, à cause de « la rareté des bons candidats » pour succéder à Ramos, de reporter la désignation d’un successeur[85]. Plusieurs collaborateurs de l’Histoire de l’humanité sont nommés plus pour raisons politiques ou par des réseaux de connaissance que pour leurs compétences intellectuelles[86].

Une organisation du travail en partie défectueuse.
Les problèmes d’organisation du travail au sein du secrétariat sont dûs tout d’abord à l’improvisation qui caractérise les débuts de l’Unesco, au manque de personnel compétent et à l’absence de ligne de conduite claire.
Dès 1946, le risque de compartimentage des activités de l’Unesco est perçu. Afin d’éviter ce danger, la délégation américaine suggère, à la conférence générale de 1946, que « l’Unesco soit organisée autour de son grand objectif central unificateur plutôt que sur les nombreuses fondations des diverses disciplines et domaines en lesquels ses ressources intellectuelles se divisent »[87].
Dans les toutes premières années, période de désorganisation au sortir de la guerre, il est difficile à l’Unesco de recruter du personnel possédant les compétences techniques appropriées[88]. De plus, les priorités d’action et les méthodes de travail ne sont pas déterminées clairement. En 1948, Alfred Métraux évoque avec découragement le « chaos désorganisé » qui règne au sein du secrétariat[89]. En 1949, Torres Bodet reconnaît la défectuosité des méthodes de travail du secrétariat, due à la quantité et à la longueur excessives des documents envoyés et aux délais de réponse trop courts[90]. À la conférence générale de 1951, il convient que jusqu’à présent l’action de l’Unesco a été entravée par des problèmes d’organisation et de méthodes de travail[91]. Les directeurs des départements font la même constatation, comme Robert Angell, directeur du département des sciences sociales[92], et Emile Delavenay, qui évoque le « chaos » qui règne dans l’organisation du travail à l’intérieur des départements vers 1950[93]. En 1950, le département de l’éducation, dépourvu de chef, est complètement désorganisé, incapable de coordonner les activités éducatives[94]. En effet, après le départ de Clarence Beeby, qui selon Torres Bodet « avait dirigé de façon excellente le département de l’éducation », et qui était rappelé par son gouvernement, il est difficile de lui trouver un successeur[95].
Ces défauts dans les méthodes de travail sont, dès les premières années, critiqués sévèrement aux États-Unis et au Royaume-Uni[96], alors que la France se montre beaucoup plus indulgente, le ministère français des affaires étrangères exprimant dans une note interne une « nette approbation de l’ensemble du travail » accompli par le secrétariat en 1950, estimant qu’« il n’y a pas de doute que l’Unesco se corrige progressivement de ses défauts, se perfectionne »[97].
Ces problèmes viennent en partie de l’existence de deux conceptions divergentes de l’administration : la conception française, fondée sur le principe de répartition des responsabilités, et la conception américaine, fondée sur celui d’une extrême centralisation[98].
Au fil des années, les défauts dans les méthodes de travail persistent et deviennent même plus graves, étant donné l’accroissement du personnel et de la charge de travail. La compétence du personnel est mise en cause, principalement par les Anglo-Saxons. En 1955, dans un document interne, le gouvernement britannique estime qu’une grande partie du personnel du secrétariat n’est pas efficace selon les critères du British Civil Service[99]. En 1961, l’Américain George N. Shuster exprime au secrétaire d’état américain Dean Rusk ses sérieux doutes sur les compétences et la capacité de décision du personnel du secrétariat, observe la grande inégalité de compétences entre les chefs de départements et souligne la difficulté de l’Unesco à recruter un personnel de valeur[100]. En effet, des contraintes administratives, géographiques et politiques entrent en jeu dans le recrutement du personnel, et d’autre part les personnes très compétentes sont souvent réticentes à entrer à l’Unesco[101]. En 1962, le directeur général Maheu lui-même reconnaît la nécessité d’améliorer le niveau de qualification du personnel du secrétariat[102].
Les fonctionnaires sont conscients du déséquilibre dans la charge de travail entre eux. Alors que certains sont en permanence accablés de travail, comme la petite équipe de la rédaction du Courrier de l’Unesco[103], d’autres n’ont quasiment rien à faire, comme l’observe E.R., évoquant « le personnel parfois pléthorique et parfois insuffisant »[104]. Ce déséquilibre est relevé par la table ronde du personnel de 1970 : « il s’est créé à l’Unesco deux sortes de fonctionnaires : il y a ceux dont la charge de travail est excessive (par exemple, « ceux qui savent écrire ») et, par voie de conséquence, il y a ceux qui n’ont pas assez à faire »[105].
Dans les années 1960, des réflexions sur la lourdeur des mécanismes de coordination du travail au secrétariat se développent, principalement au sein des commissions nationales et des gouvernements des États membres. Ainsi, en 1965, la commission nationale britannique énumère et analyse les dysfonctionnements de ces mécanismes : manque de concertation et de coordination, insuffisance du travail préparatoire, absence de claire délimitation des responsabilités[106]. La même année, la commission nationale soviétique se livre à un examen similaire, et conclut à la nécessité impérative pour le secrétariat d’« améliorer ses méthodes de travail »[107]. En 1965, le gouvernement français déplore que la procédure d’élaboration du programme et du budget biennal soit « extrêmement lourde » et « peu satisfaisante », et que cette lourdeur « fa[sse] perdre à l’organisation les avantages que devrait lui procurer le caractère biennal de son budget ».
« L’obligation pour le Secrétariat de préparer dès le premier semestre [d’un exercice biennal] un avant-projet de programme et de budget [pour l’exercice biennal suivant] lui apporte un surcroît de travail au moment où tous ses efforts, semble-t-il, devraient être concentrés sur la mise en œuvre du programme approuvé par la conférence générale ». En outre, « l’avant-projet, de par sa date d’élaboration, présente une double tare. Il fait état d’évaluations budgétaires sujettes par la suite à diverses révisions […] et d’autre part, les indications relatives aux différents projets du programme sont souvent trop schématiques, ou trop vagues, pour que les gouvernements puissent se prononcer sur la valeur des projets, ou juger du bien fondé de telle proposition d’augmentation de crédit. »[108]
Le gouvernement français déplore que dans la présentation du projet de programme et de budget, « trop souvent la formulation très générale ne permet[te] pas d’apprécier l’efficacité de l’action proposée ni même sa nature exacte », et il préconise donc qu’un seul projet de programme et budget soit préparé, et que la commission du programme fournisse aux États membres plus d’indications sur le programme futur et sur les objectifs à atteindre[109].
Les dysfonctionnements ne proviennent pas seulement de la complexité de l’organigramme et de la lourdeur des mécanismes, mais aussi de l’attitude « bureaucratique » du personnel[110]. Comme l’analyse Prévost, cette attitude consiste à « diluer la responsabilité d’une prise de décision à tel point qu’on ne sait plus à qui l’attribuer ; à retenir l’information le plus longtemps possible ; et à refuser d’exercer son jugement sur des éléments tels que le degré d’importance ou de priorité des dossiers »[111]. Jacques L. Boisson, ancien fonctionnaire, évoque les pesanteurs bureaucratiques qui entravent l’efficacité du travail à la fin des années 1960 et au début des années 1970 : « Mes projets revenaient souvent de la direction avec des instructions anonymes, impératives, de réduction, de raccourcissement des textes. Je trouvais ces directives injustes »[112]. Le rapport de la table ronde de 1970 se livre à une analyse précise de ce comportement bureaucratique, facteur de « dysfonctions et anomalies dans l’exécution du programme » :
« Les conditions de travail des fonctionnaires du programme sont dictées en fonction d’un travail purement administratif ; elles ne conviennent absolument pas au travail intellectuel requis pour les activités du programme ». « Ce qui compte avant tout à l’Unesco, c’est le fait de fournir des travaux administratifs de toutes sortes à ses supérieurs hiérarchiques dans les délais impartis. Et comme les instructions cheminent toujours avec lenteur du haut en bas de l’échelle, il reste souvent, à celui qui fait le travail, beaucoup moins de temps qu’à ceux qui le visent et le transmettent. Par conséquent, les fonctionnaires du Programme sont perpétuellement inondés d’urgences administratives. […] L’habitude s’est donc enracinée au Secrétariat de travailler en « urgence » seulement pour les niveaux hiérarchiques supérieurs et les « services » administratifs de la Maison. […] C’est ainsi que l’exécution du programme passe au second plan, se fait après 18 h et pendant les week-ends, ou se déverse simplement sur un inférieur sous le déguisement flatteur de « délégation d’autorité ». »[113]
Certains fonctionnaires, et même certains directeurs de division, sont incompétents. Ainsi selon les États-Unis, Anatoli Glinkin, directeur de la division du développement international des sciences sociales en 1970, « n’est pas formé pour accomplir cette tâche, et semble ne pas s’y intéresser »[114].
Ainsi, la faible compétence d’une partie du personnel, le manque de concertation et de coordination, l’absence de claire délimitation des responsabilités, contribuent au caractère défectueux de l’organisation du travail.

Un système extrêmement coûteux.
Les dysfonctionnements du secrétariat se traduisent aussi par des gaspillages importants et croissants. Au cours de l’année 1946, la commission préparatoire, qui possède un budget propre mais pas de système rigoureux d’administration de ses finances, est victime par négligence d’une importante escroquerie : plus d’un million de francs sont dérobés. Un rapport d’enquête réalisé par des auditeurs met à jour cette escroquerie, mais les États-Unis et le Royaume-Uni se mettent d’accord pour ne pas rendre public ce rapport et pour dissimuler l’affaire, afin de ne pas nuire au prestige de la nouvelle organisation[115].
Malgré les mises en garde précoces, dès 1947, du conseil exécutif[116] et de la conférence générale contre les risques de dispersion du budget et de gaspillage[117], ceux-ci se multiplient. La disproportion entre les dépenses de fonctionnement (et notammnent l’importance des salaires), et le budget octroyé aux activités concrètes est particulièrement frappante ; elle est observée avec ironie par la presse internationale (voir en annexe 43 la caricature du quotidien mexicain El Tiempo)[118], et dénoncée par les représentants des États les plus pauvres, comme l’Inde[119].
La logique bureaucratique du secrétariat, qui entraîne une inflation de rapports et de réunions, conduit à des gaspillages aberrants. Ainsi, en 1955, Alfred Métraux observe à propos d’une conférence d’experts sur la compréhension internationale : « ce groupe a été réuni à raison de 5000 dollars pour qu’il dise à l’Unesco comment en employer 2000 »[120]. Les gaspillages concernent non seulement les innombrables réunions et rapports, mais aussi les activités opérationnelles sur le terrain, dont il est difficile au siège de contrôler comment les crédits octroyés ont été utilisés[121].
Enfin, l’inflation continue des salaires fait que le secrétariat grève de plus en plus le budget de l’Unesco[122]. Cette inflation des salaires est très critiquée par les États membres, dès les premières années. Ainsi, dès la conférence générale de 1947, le délégué polonais, M. Birecki, critique le fait que l’Unesco « consacre une très grande partie de son budget à l’entretien de sa machine administrative »[123]. En 1955, MM. Pink et Kirkpatrick, membres du gouvernement britannique, déplorent le niveau selon eux excessif des salaires[124].
Ainsi, la croissance numérique continue du secrétariat est allée de pair avec l’alourdissement de son fonctionnement administratif. À cela s’ajoute une centralisation croissante du pouvoir.

Une centralisation croissante du pouvoir.

Une concentration du pouvoir au sommet de la hiérarchie administrative.
Si le programme de l’Unesco est fixé théoriquement par la conférence générale et par le conseil exécutif, en réalité le caractère vague de la formulation du programme dans le document C/5 (« encourager », « promouvoir », « favoriser »…)[125] et la marge de manœuvre très large que s’octroie le secrétariat dans son interprétation et sa mise en œuvre font du secrétariat le véritable décideur du programme, ses membres en sont bien conscients[126].
Ce pouvoir important du secrétariat, loin d’être réparti de manière équilibrée entre ses membres, est en fait concentré au sommet de la hiérarchie. En effet, le secrétariat est organisé de manière très hiérarchique, selon le modèle pyramidal classique[127]. Il est constitué de secteurs, eux-mêmes subdivisés en départements, eux-mêmes subdivisés en divisions, elles-mêmes subdivisés en services. Le secrétariat est dirigé par le directeur général, assisté d’un cabinet et de son chef de cabinet, ainsi que de deux assistants directeurs généraux. Le secrétariat se caractérise donc par une structure hyper-hiérarchisée, d’un « aspect quasi-militaire »[128].
En 1948, le comité d’experts réuni par l’Unesco pour réfléchir aux problèmes de fonctionnement de l’organisation observe le problème que les responsabilités respectives du Secrétariat et du conseil exécutif ne sont pas clairement départagées, d’où des chevauchements et doubles emplois, le conseil exécutif tendant à se charger de questions aministratives qui sont normalement du ressort du secrétariat ; le comité constate aussi que les procédures administratives ne sont pas respectées, ce qui entraîne d’importants dysfonctionnements[129]. En outre, l’Américain Robert S. Smith, auteur en 1949 d’une étude sur le fonctionnement de l’Unesco, observe le rôle excessivement prédominant des chefs de département et de section dans la mise au point du programme[130].
Dès les premières années, le secrétariat tend à assumer des responsabilités nettement plus vastes que celles qui sont censées être les siennes théoriquement. Ainsi, en 1951, Maheu dénonce le fait que le rapport sur les langues vernaculaires se présente comme exprimant les vues officielles de l’Unesco, alors que ni le directeur général, ni la conférence générale, ni le conseil exécutif n’ont eu connaissance de ce rapport[131]. En 1961, le gouvernement américain déplore, au sujet de la 8e session du comité international consultatif sur la recherche en sciences naturelles, « une grande quantité de paroles, dont la plupart sans pertinence, et n’ayant pour résultat pratiquement aucun changement dans le programme lui-même » ; il observe que les réflexions des experts de ce comité ne parviennent pas à infléchir le programme de l’Unesco, qui est en réalité entièrement décidé par les hauts fonctionnaires, ceux-ci dominant beaucoup mieux que les experts les questions du programme ; ainsi, ces comités ne constitueraient qu’un leurre, qu’une façade faisant croire à une large discussion et concertation autour du programme, et masquant l’extrême concentration du pouvoir de décision aux mains des plus hauts fonctionnaires[132].
Tout au long de la période, la tendance à la centralisation augmente de manière régulière[133]. On observe en effet un décalage croissant entre l’organigramme officiel et la manière dont les pouvoirs sont en réalité répartis. Les distinctions hiérarchiques officielles ne correspondent pas réellement à une hiérarchie dans les pouvoirs. En réalité, aux différents postes de direction ne correspond pas un pouvoir fixe : ce pouvoir est variable, selon la personnalité et l’esprit de chacun[134]. Le rapport de la table ronde de 1970 dresse le constat de ce phénomène :
« Le système hiérarchisé classique qui est théoriquement en place ne fonctionne pas en réalité […] : il a été de plus en plus tourné et faussé par des pratiques parfois occultes et par des structures parallèles aboutissant à la confusion des rôles et des responsabilités. »[135]
Ainsi, sous le mandat de Huxley, l’assistant directeur général pour l’administration, Laves, se taille un pouvoir très vaste ; en revanche, sous Torres Bodet, il ne parvient pas à maintenir ce pouvoir et voit son influence remplacée par celle du chef de cabinet, Maheu, ce qui l’amène à démissionner en juillet 1950[136]. Cette variation dans l’influence de l’assistant directeur général s’explique par le fait que les attributions de ce poste sont mal définies. On ne sait pas si ce poste consiste à être un proche conseiller du directeur général ou à être le sommet d’une pyramide hiérarchique[137]. Pendant le mandat d’Evans, ce poste est d’ailleurs temporairement aboli[138]. Le rapport de la table ronde de 1970 souligne l’ambiguïté et le vague de cette fonction[139].
La fonction de directeur de département souffre elle aussi d’un manque de précision dans l’attribution des compétences. C’est ce qu’analyse le rapport de la table ronde de 1970, observant que ces directeurs, étant souvent des individus « parachutés » de l’extérieur sans compétences suffisantes, deviennent de simples « écrans » entre les directeurs de division et les assistants directeurs généraux et ne réussissent pas à jouer de rôle significatif. « Ils n’ont pas l’expérience nécessaire pour s’imposer. Rebutés par la paperasserie dont on leur laisse la charge, ils passent souvent dans l’organisation comme des météores sans y laisser la moindre trace »[140]. Ce jugement est confirmé par le témoignage de Harold Foecke, qui reconnaît avec franchise avoir, à son poste de directeur de département, joué un simple rôle d’exécution des ordres de son supérieur et n’avoir eu le temps de se pencher de manière approfondie sur aucun programme[141]. En revanche, le rapport de la table ronde de 1970 observe que le rôle des directeurs de division est bien défini, et que la division constitue « la cellule de base la plus importante de l’Organisation »[142]. Henry Cassirer observe que la réunion de comités d’experts constitue « une pratique courante » des dirigeants de l’Unesco, qui a pour but de « justifier leur ligne de conduite », et non pas vraiment de recueillir des avis ; il observe qu’il en va de même dans la plupart des grandes administrations. « Alors que le but déclaré est la recherche de conseils extérieurs, leur principale utilité est en fait la légitimation des politiques suivies par ces administrations. Que les rênes de l’action soient en général entre les mains du Secrétariat et non dans celles de conseillers extérieurs, est une vérité à garder en tête »[143].
Ainsi, les attributions aux différentes places de la hiérarchie ne sont pas très bien définies, certains chefs se taillent un pouvoir très important, d’autres restent confinés dans des tâches de transmission et d’exécution. Par exemple, à la rédaction du Courrier de l’Unesco, Sandy Koffler, rédacteur en chef de 1947 à 1983, concentre tous les pouvoirs, prenant toutes les décisions lui-même ; cette situation de pouvoir personnel s’explique par la personnalité charismatique de Koffler et par ses bonnes relations avec Maheu[144].
En novembre 1970, le gouvernement britannique observe : « il y a un noyau dur de membres du personnel de longue date qui travaillent étroitement avec le directeur général (nous les appelons « la Mafia ») et qui ont des pouvoir disproportionnés à leurs grades ». Il observe cependant qu’il en va de même dans certaines autres agences comme l’OMM[145].
Non seulement, au siège, le pouvoir est concentré au sommet de la hiérarchie administrative, mais il y a aussi un fort déséquilibre entre siège et terrain, caractérisé par une rétention du pouvoir de décision au siège au détriment du terrain.

Un monopole du pouvoir de décision au siège par rapport au terrain.
La centralisation extrême de l’Unesco entraîne des décalages souvent importants entre les objectifs théoriques formulés au siège et la situation réelle sur le terrain, que les fonctionnaires de Paris ne connaissent pas et ne peuvent donc pas prendre en compte[146]. Dès les premières années, certains prônent une rotation périodique du personnel entre siège et terrain[147]. Cela ne s’est jamais vraiment fait, se heurtant à l’hostilité du personnel du siège, peu désireux d’aller sur le terrain. Il y a donc toujours eu un clivage entre personnel du siège et personnel sur le terrain.
Dès les premières années, les agents de l’Unesco envoyés sur le terrain pour des missions ponctuelles ou à long terme sont frappés par ce décalage, et par le constat que les objectifs énoncés sont en fait irréalisables. Ainsi, Michel Batisse, au début de sa carrière, au début des années 1950, est envoyé au Caire, où l’Unesco a installé un Bureau de coopération scientifique. Il y est chargé de promouvoir l’étude de la physique des solides. Mais il se rend compte très vite que cela n’est pas faisable, parce que la physique des solides n’est alors pas du tout développée en Egypte, et qu’il n’a pas le pouvoir à lui seul de développer cette discipline. Les quelques années qu’il passe au Caire ont ainsi été de son propre jugement « inutiles » sur ce plan[148]. De même, Claude Lévi-Strauss, envoyé en mission au Pakistan pendant trois mois en 1950, estime que la mission dont l’avait chargé l’Unesco, à savoir rédiger un rapport sur l’enseignement des sciences sociales dans ce pays, était « absurde » car les sciences sociales n’y étaient alors pas du tout développées. Le rapport qu’il rédige, sur la base de conversations avec quelques professeurs et dignitaires religieux pakistanais, n’a donc à ses propres yeux « aucune utilité »[149]. Les enquêtes commandées par le département d’état américain aux différentes ambassades américaines sur le déroulement des programmes de l’Unesco vont dans le même sens, observant par exemple qu’au Pérou les techniciens envoyés par l’Unesco pour accomplir une mission doivent souvent attendre des mois avant de savoir où s’établir, avec qui entrer en relation, et de pouvoir commencer leur travail[150]. La presse des États membres également révèle le mauvais fonctionnement des actions et structures développées par l’Unesco sur le terrain. Ainsi, en février 1955, divers journaux turcs critiquent la gestion et l’action du bureau de l’Unesco à Istanbul, bureau que l’Unesco décide d’ailleurs alors de fermer[151]. Par ailleurs, l’insuffisante décentralisation des actions de l’Unesco donne lieu à des plaintes de la part de plusieurs États membres extra-occidentaux. Ainsi, à la conférence des commissions nationales asiatiques de Tokyo en 1956, une résolution est adoptée, exigeant « une décentralisation plus poussée de l’Unesco » [152].
Durant les années 1960, les fonctionnaires du secrétariat sont conscients du divorce croissant entre le siège et le terrain. Pour de nombreux experts envoyés sur le terrain, c’est un choc et une véritable désillusion de se retrouver confrontés à une situation à laquelle ils n’étaient pas du tout préparés, et d’observer le peu de compréhension du siège à l’égard des problèmes du terrain[153]. Les fonctionnaires du siège quant à eux reconnaissent, à l’instar de Harold Foecke, leur statut de « bureaucrates enfermés dans leurs bureaux et coupés du terrain »[154]. Lorsque Maheu arrive au pouvoir en 1962, il se hâte de démanteler la structure administrative mise en place par Adiseshiah, qui consistait en une séparation entre le personnel s’occupant du programme régulier et celui s’occupant des activités opérationnelles ; selon un fonctionnaire resté anonyme interviewé par Philip Jones, ce changement opéré par Maheu aurait été plutôt néfaste que bénéfique, conduisant à une concentration extrême[155].
Dès les premières années, les États membres arabes, asiatiques et latino-américains, ainsi que des personnes extérieures, préconisent une décentralisation d’une partie du secrétariat dans des bureaux hors-siège[156]. Sous leur pression, bien que les États occidentaux soient peu favorables à cette tendance, sont créés les « postes (plus tard bureaux) de liaison scientifique » .
Par ailleurs, en 1948 est décidée la création d’un « Bureau régional de l’Unesco pour l’hémisphère occidental », à La Havane (Cuba) ; il est inauguré en 1950[157]. Le gouvernement cubain est mécontent du fait que le poste de directeur de ce centre, devant la rivalité des différents candidats cubains, ait été confié par le directeur général à un « étranger », M. Mendez Pereira (Panaméen). Celui-ci, parachuté, se voit aussi imposer de Paris le choix de ses collaborateurs. Il se sent « découragé » par l’hostilité que les Cubains lui manifestent[158]. En janvier 1965, le chef de la division de l’Amérique latine et des Caraïbes (au sein du département de l’éducation) fait une inspection du bureau de la Havane. Il constate « un certain sentiment d’isolement de la part du personnel du Bureau régional. Cette sorte de sentiment, dans sa forme atténuée, est courante dans les postes de terrain ; dans ce cas précis, elle est acentuée par l’environnement ». S’il estime que les relations du chef de ce centre avec les experts de l’Unesco sur le terain sont « excellentes », en revanche il observe qu’il faut améliorer l’information du Bureau sur les activités menées dans la région et sa liaison avec le siège[159].
De nombreux centres hors siège créés par l’Unesco ont été des échecs. C’est le cas notamment du centre créé à Calcutta en 1956 ; des problèmes d’organisation administrative, de choix du personnel, de rivalités entre nationalités, de dépendance excessive par rapport au siège, entraînent son échec ; ce centre disparaît en 1967, étant absorbé par l’institut de la croissance économique de l’université de New Delhi[160].
A la conférence générale de 1951, la question de la décentralisation de l’Unesco donne lieu à « des débats fort longs et confus », comme l’observe le gouvernement français dans une note confidentielle. Les délégations s’accordent toutefois sur l’idée que la décentralisation ne doit pas porter sur le pouvoir législatif (c’est-à-dire l’élaboration du programme et du budget) mais sur l’exécution des activités. Ainsi, le terme de « déconcentration » tend à se substituer à celui de « décentralisation ». Des oppositions s’expriment au sujet des modalités de cette déconcentration. La conférence générale voit alors l’opposition de deux « lobbies » : celui du département des sciences exactes, qui défend le système des postes de coopération scientifique, et celui du bureau des relations extérieures, qui défend le système des bureaux régionaux. À l’issue des débats, c’est le système des postes de coopération scientifique qui l’emporte[161]. Dans les années suivantes, les efforts de décentralisation des États non occidentaux se poursuivent, notamment par l’intermédiaire de leurs commissions nationales[162] ; les États occidentaux quant à eux résistent à cette tendance ; ainsi en 1954, ils refusent de reconnaître la notion de « région »[163]. Les États-Unis cependant sont favorables à la décentralisation, observant que la situation actuelle entraîne un manque de préparation et d’adaptation des compétences de la part des agents de l’Unesco envoyés sur le terrain[164].
Dans les années 1960, l’opposition à la décentralisation se renforce avec Maheu, qui réplique invariablement, aux conseils de décentralisation que lui donne Leo Fernig : « Je ne connais que le mot ‘déconcentration’ »[165]. Maheu tient à préciser en 1966 que les bureaux, ou centres régionaux ou institutions créés par l’Unesco dans les pays en voie de développement sont partie intégrante du secrétariat, et n’en sont pas une décentralisation[166]. Maheu, tout en étant conscient de l’importance numérique croissante des agents sur le terrain[167], effectue des retours en arrière par rapport à l’évolution décidée dans les années précédentes. Ainsi, le bureau régional de l’Unesco pour l’hémisphère occidental à la Havane ne donnant pas selon lui de résultats satisfaisants[168], il décide en 1962 d’en supprimer le poste de directeur, décidant que ce bureau sera entièrement dirigé depuis le siège[169].
Alors que Maheu, en 1956, avait estimé que le projet majeur d’Amérique latine devait être dirigé par un directeur de projet latino-américain, sur place, et non pas de Paris[170], en revanche en 1960, l’organisation administrative de ce projet majeur est modifiée : la haute autorité appartient désormais au directeur du département de l’éducation, au Siège, assisté d’un Comité représentant les autres départements et services intéressés. Deux fonctionnaires du département de l’éducation s’occupent à Paris des questions techniques et administratives concernant ce projet[171].
Maheu engage l’Unesco dans « une politique de déconcentration » afin d’« éviter une congestion au siège »[172]. Cette politique se traduit par une centralisation croissante des fonctions de direction au siège, alors que les activités hors siège emploient plus de 2000 membres du personnel[173]. En 1962, Maheu décide de créer quatre divisions géographiques dans le département de l’éducation : Afrique, États arabes, Asie et Amérique latine, pour assurer la direction des activités sur le terrain[174]. Malcom Adiseshiah, directeur général adjoint, est chargé par Maheu d’organiser et de diriger un système d’inspection des activités hors siège ; il se rend ainsi lui-même dans les différents États membres pour y inspecter les opérations hors-siège et y négocier avec les gouvernements respectifs le programme à exécuter dans le pays[175]. Ainsi, c’est à un fonctionnaire du siège, et non pas aux différents chefs de mission sur le terrain, qu’est attribuée cette importante tâche de décision. En 1964, José Blat Gimeno déplore « l’absence ou l’insuffisance de supervision des activités des experts », dans le programme opérationnel de l’Unesco en Amérique latine et dans les Caraïbes ; « la supervision technique est pratiquement inexistante, les contacts avec l’expert sont pratiquement réduits au rapport semestriel et à la correspondance générale ». Blat Gimeno suggère donc un renforcement de l’équipe du bureau de Santiago[176]. Il observe que « les fonctions de chefs de mission ont été définies d’une manière beaucoup trop générale et vague, et parmi les fonctions administratives qu’on leur a assignées, beaucoup devraient normalement être à la charge du résident-représentant ». Blat Gimeno déplore que souvent « le chef de mission a une forte tendance à jouer le diplomate, consacrant ainsi une large partie de son temps à la vie sociale au détriment de ses tâches spécifiques d’expert. […] il serait nécessaire de réviser et définir très clairement le statut des chefs de mission et des experts chefs »[177].
Dans les années 1960, le choix des activités opérationnelles sur le terrain se fait non pas en fonction des besoins, mal connus du siège, mais des crédits que l’Unesco obtient du Fonds spécial[178]. Il y a donc un net décalage entre le personnel du terrain, qui connaît les problèmes et les besoins, mais n’a aucun pouvoir de décision, et le siège, où sont prises les décisions sans connaissance réelle de la situation. E.R., ancien fonctionnaire ayant longtemps travaillé sur le terrain, déplore « la rupture entre les décisions bureaucratiques prises au Siège et la réalité du terrain »[179]. Celle-ci est accentuée au fil des années 1960 par la suppression par Maheu de nombreux postes de chefs de mission et d’experts en chef dans plusieurs États membres, comme la Syrie et le Liban[180]. En 1970, étant selon Prévost « agac[é] de ne pas tenir directement sous sa botte de hauts fonctionnaires sur le terrain », Maheu prend la décision de supprimer tous les postes de chef de mission sur le terrain, pour tous les États membres ; c’est désormais au siège qu’est élaborée toute la planification du programme par pays. Selon Prévost, cette décision a été « catastrophique », car elle a encore accru le fossé entre le siège et le terrain. Prévost, qui a été chef de mission en Malaisie dans les années 1960, estime en effet que les chefs de mission étaient très utiles : « nous étions […] un point d’accueil pour les collègues, ou les experts envoyés en mission par le siège, une référence pour les milieux gouvernementaux qui désiraient obtenir de vive voix des éclaircissements sur les programmes de l’Unesco, et les diverses formes d’aide qu’ils pouvaient en attendre ; une source d’incitation à faire appel à l’aide de l’Unesco pour résoudre certains problèmes […]. Nous étions des centres d’information, des centres d’échanges, capables ainsi d’encourager la participation des gouvernements à l’entreprise commune »[181].
Mary Smieton, représentante du Royaume-Uni au conseil exécutif, visitant des pays d’Afrique en 1965, estime que dans les pays où l’activité de l’Unesco est importante et où il y a beaucoup d’experts de l’Unesco, il est nécessaire qu’il y ait un chef de mission, pour soutenir et conseiller les experts, et pour aider les gouvernements à formuler leurs demandes d’aide à l’Unesco, à l’ONU et au Fonds spécial[182].
En 1967, Maheu charge une commission de procéder à l’évaluation des bureaux, centres et instituts régionaux de l’Unesco en Afrique ; cette commission recommande la création d’un organisme destiné à coordonner l’ensemble des activités de l’Unesco en Afrique. D’où la création du Bureau régional d’éducation en Afrique (BREDA) à Dakar en 1970, qui s’inscrit dans la « politique générale de décentralisation des activités de l’Organisation » que veut mener Maheu, dans un « souci d’efficacité pratique »[183]. De même, en juillet 1972, conformément à cette politique de décentralisation, un conseiller régional pour la culture est nommé en Asie, à Djakarta, et un Bureau régional pour la culture en Amérique latine et dans la région des Caraïbes est créé à la Havane.
Dans une émission de radio sur l’Unesco en 1971 sur la BBC, le présentateur évoque en termes clairs et honnêtes les problèmes administratifs internes de l’Unesco, qu’il désigne comme « une machine massive, bureaucratique ». Il observe qu’au siège, « une bonne proportion du personnel est constituée de gens de passage », et que selon certains « l’endroit est dirigé par les secrétaires », puisque ce sont elles qui sont les plus proches des dossiers. Il souligne « l’accusation de bois mort qui pèse sur la machine ». Il insiste sur le problème du recrutement sur une base géographique, observant la difficulté de trouver des gens qualifiés dans les pays du Tiers Monde. Il observe que « déjà à l’intérieur de l’Unesco elle-même il y a eu des critiques, une remise en question au sujet de son approche jugée trop centralisée, une critique selon laquelle les administrateurs à Paris seraient déconnectés des réalités du terrain » ; il évoque le fait que le directeur général adjoint, Fobes, aurait affirmé que l’Unesco est « trop glaciale dans son approche » et qu’elle tire trop lentement les leçons de son action[184].
Ainsi, durant toute la période, la communication et la compréhension entre le personnel du siège et celui du terrain ont été difficiles, et marquées par une tendance croissante à la centralisation du pouvoir au siège.

Des rivalités persistantes entre les différents services.

C’est également dans les relations entre les différents organes du secrétariat, et dans le fonctionnement de ces organes eux-mêmes, que l’on observe des problèmes administratifs.

Des rivalités entre les départements du programme et les départements administratifs.
Une hostilité réciproque oppose d’un côté les départements du programme et de l’autre les départements administratifs. Pour E.R, les rivalités à ce niveau s’expliqueraient par la « rupture […] entre les gérants administratifs et les hommes du programme aux compétences souvent opposées »[185]. Elles s’expliqueraient aussi par l’opposition entre l’« esprit français », prédominant dans les départements du programme, et l’« esprit anglo-saxon », prédominant dans les départements administratifs, opposition concrétisée dans les premières années par le fait que la direction de ceux-ci ait été confiée à l’Américain Walter Laves, et la direction de ceux-là au Français Jean Thomas. Delavenay témoigne qu’il se crée dès cette époque dans les départements du programme « une psychose qui voit en tout ce qui est administratif l’ennemi de l’imagination et de la liberté créatrice » ; « anti-américanisme et hostilité foncière des universitaires et des artistes à ‘l’administration’ se renforcent mutuellement ». Delavenay, directeur du service des publications (qui est un service administratif) souligne « l’opposition permanente entre bureaux administratifs et départements du programme ». Ainsi, il témoigne qu’au début des années 1950 les différents départements du programme « voient d’un mauvais œil la création d’un service des publications, qu’ils soupçonnent de visées impérialistes sur leurs frontières ondoyantes ». Réciproquement, les services administratifs nourrissent de la rancœur contre les départements du programme, estimant que le secrétariat a plus tendance à « rogner » sur les dépenses des services administratifs que sur celles des départements du programme ; il y a donc des « luttes budgétaires acharnées » entre les deux structures[186]. Cette hostilité perdure durant toute la période. Un conflit net oppose les départements du programme et le service des publications. Delavenay évoque les « hésitations », les « fantaisies », « l’inexpérience arrogante » de nombreux fonctionnaires des départements du programme, avec qui il était en conflit. Ce conflit nuit à l’efficacité du service des publications. Selon lui en effet, ce service, « en butte à des exigences contradictoires de tous les départements, et privé des moyens d’y faire face », est « chaotique ». Il raconte avoir été chargé en 1950 de « mettre de l’ordre dans le chaotique service des documents et publications de l’Unesco, en butte à des exigences contradictoires de tous les départements, et privé des moyens d’y faire face », et évoque les conflits qui l’ont opposé aux « spécialistes du programme »[187]. Il souligne les forts conflits entre départements du programme et départements techniques : il exprime sa rancœur contre « les outrecuidants imbus de leur importance, qui veulent régenter les services techniques » ; contre le « mépris », la « condescendance » des « intellectuels et des artistes des départements du programme » ; il souligne « les difficultés causées par les particularismes départementaux »[188].
Ainsi, une vive rivalité règne durant toute la période entre départements administratifs et départements du programme. A cela s’ajoutent des rivalités internes aux départements du programme.

Des rivalités entre les départements du programme.
Les départements du programme eux-mêmes sont en rivalité les uns avec les autres. Malgré sa volonté « d’éviter les inconvénients d’un cloisonnement trop étanche entre les différentes sections », et de mettre en place « un système suffisamment souple pour pouvoir s’adapter à une activité très diverse et qui doit se modifier sans cesse »[189], la commission préparatoire, en concevant l’organigramme des départements du programme, ordonnés par thèmes (éducation, sciences exactes et naturelles, culture, …), confère aux activités de l’Unesco un caractère cloisonné, et en même temps est incapable d’éviter qu’un flou règne sur les compétences respectives de chaque section, ce qui a pour conséquence, dès le début, des chevauchements et des doubles emplois. Ainsi, Huxley évoque, dans ses Mémoires, « les jalousies entre les différentes divisions » du Secrétariat, apparues dès l’époque de son mandat, qui entravent l’efficacité du travail[190]. Malgré les efforts de son successeur Torres Bodet, qui, dès 1949, met en garde le secrétariat contre la tendance à la mise en place de « cloisons étanches » entre les différents départements du programme[191], rapidement chacun de ces départements prend le caractère d’un « royaume » indépendant, aux compétences farouchement défendues par son directeur[192]. Entre ces départements, dont les compétences se recoupent inévitablement, règne la méfiance, chacun soupçonnant l’autre de vouloir marcher sur ses plate-bandes.
Dans les premières années, des « frictions » se produisent dans les relations administratives entre le service de la reconstruction et les autres départements. L’Unesco travaille avec le Temporary International Council for Educational Reconstruction (TICER), qui lui est rattaché, et qui regroupe diverses organisations internationales intéressées à la reconstruction éducative. Mais l’hétérogénéité de ces organisations provoque des « déséquilibres » et des « difficultés d’exécution »[193].
Dans les années 1950-60, la rivalité se focalise entre les sections qui s’occupent du programme normal et celles qui s’occupent de l’assistance technique, chacune étant soucieuse d’obtenir les programmes les plus intéressants et de se décharger des moins intéressants sur les autres. En 1956, lors d’une séance privée du conseil exécutif, Martinez Cobo déplore l’existence d’« une espèce de jeu de tennis » : « lorsqu’il s’agissait, par exemple, d’octroyer une bourse ou une aide quelconque, on répondait au pays intéressé que cette question était du domaine de l’assistance technique, et si l’on s’adressait à l’assistance technique, cette dernière répondait que la question était de la compétence d’un autre département »[194].
Le projet Unisist, qui a été rattaché au secteur des sciences, a donné lieu à beaucoup de problèmes, de conflits, de concurrence, avec le secteur des communications, qui voulait développer un programme similaire, mais dans un esprit différent. Une véritable « bataille » entre les deux départements se déroule, selon Jacques Tocatlian. Le programme Unisist entre en conflit avec le département des archives, des bibliothèques et de la documentation, au sein du secteur des communications. Cette confusion, ces conflits, se transmettent au niveau des États membres : ainsi, au niveau national, les bibliothécaires sont en conflit avec les documentalistes. La création du Programme géologique international (PGI) en 1976 permet de fusionner ces deux sortes d’activités (programme d’information scientifique et technique, et aspects liés aux archives, aux bibliothèques), d’unifier le personnel, et par là d’atténuer les conflits[195].

Des départements plus ou moins efficaces et stables.
Les départements qui connaissent le plus de difficultés sont celui de l’éducation, celui de l’information, celui des sciences sociales. Pour celui des sciences sociales, les trois premières années ont été « instables » ; plusieurs directeurs se succèdent à sa tête : l’Egyptien Mohammad Awad, le Brésilien Arvid Broderson, le Brésilien Arthur Ramos, l’Américain Robert Angell, et en 1950 la Suédoise Alva Myrdal[196]. En 1958, le département d’état observe que le rôle du département des sciences sociales est moins clairement défini que celui des autres[197]. Quant à celui des communications de masse, son organisation donne lieu à d’importantes dissensions et à des controverses internes dans les années 1950[198]. Le secteur de l’information a des compétences doubles, ce qui lui confère une ambiguïté et rend sa tâche difficile. Il a en effet à la fois pour mission de s’occuper d’une part de promouvoir la liberté de circulation de l’information, d’encourager les échanges, le développement des moyens d’information, et d’autre part de promouvoir l’image de l’Unesco dans le grand public ; deux tâches qui n’ont rien à voir[199]. En octobre 1963, en séance privée du conseil exécutif, le représentant de la France, Julien Cain, affirme, transmettant le jugement de la commission nationale française, que le fonctionnement du département de l’information n’est pas satisfaisant, tout en reconnaissant la « bonne volonté » de son chef Tor Gjesdal. De même, le représentant de la Belgique observe que « le Conseil se trouve devant une question extrêmement embarrassante puisque, tout en reconnaisant les qualités de M. Gjesdal, il doit admettre que le fonctionnement du département n’est pas entièrement satisfaisant ». Cain souligne l’importance des « difficultés auxquelles on se heurte dans le domaine de l’information » et estime que dans ce domaine « le Secrétariat a besoin de directives plus précises », qu’ « il faut examiner le problème d’un point de vue général ». Il estime que ces problèmes viennent du fait que « ni le conseil exécutif, ni la conférence générale n’ont jamais encore défini sérieusement les tâches du département de l’information, car le chapitre qui lui est consacré est toujours examiné trop hâtivement, alors que la lassitude commence à se faire sentir, du fait même de sa place à la fin du document concernant le programme et le budget ». Cain estime que le département de l’information devrait avoir deux tâches principales : « d’une part, le directeur du département de l’information doit être, pour ainsi dire, le « haut-parleur » de l’Organisation ; d’autre part, le département doit effectuer une étude approfondie de tous les moyens d’information afin de pouvoir fournir aux pays qui font leur apprentissage dans ce domaine des directives et des méthodes »[200].
Le département de l’éducation a connu lui aussi beaucoup de difficultés. En 1950, K. Holland, dans un télégramme confidentiel, critique « le manque de direction dans le département de l’éducation », et évoque « l’incapacité » de Bowers « à organiser des projets d’éducation de base pour l’Unesco »[201]. Cela est lié à l’instabilité à la tête de ce département[202]. Esther Dartigue observe qu’en 1961 « un nouveau directeur de l’éducation avait été nommé et [que] cette personne ne comprenait pas grand-chose ni à la situation antérieure, ni à celle présente, ni à la hiérarchie »[203]. En 1962-63, le département de l’éducation est réorganisé, avec la création de divisions opérationnelles et fonctionnelles ; mais M. Woller observe en 1963 que le résultat n’est pas du tout satisfaisant, cela a eu « pour résultat pratique que deux groupes font le travail qui était jusque là fait par un seul », et « la distinction entre ce qui est la partie opérationnelle et ce qui serait appelé la partie recherche et analyse et documentation, bien que claire en théorie, ne fonctionne pas en pratique - en grande partie à cause du manque de personnel ». Ainsi, la division de l’éducation n’est pas capable de traiter les rapports d’experts qu’elle reçoit, car elle manque de personnel[204]. En février 1963, les chefs de division Afrique, Amérique latine, Asie, États arabes, du département de l’éducation, se plaignent auprès de Jean Guiton (directeur du département) qu’une évaluation continue ait été faite du rendement du système de ces divisions, « à [leur] insu » et qu’ils n’ont « jamais été admis à exposer [leur] point de vue » ; cette évaluation a conclu que l’organisation du département en divisions établies sur des bases régionales est un système trop coûteux. Ces chefs de division sont mécontents car ils constatent « une certaine tendance dans le département à tenir les chefs des divisions opérationnelles à l’écart de certaines délibérations sur des questions qui intéressent directement leurs services ou les programmes dont ils ont la responsabilité, et à les considérer comme de simples exécutants. » Ils se plaignent que leur point de vue ne soit pas pris en compte, qu’on ne les représente pas aux réunions, qu’on ne leur envoie pas les rapports pour les tenir informés, qu’on ne les consulte pas[205].
En 1973, Jacques Havet modèle le nouveau département des sciences sociales et humaines qu’il vient de créer. « Il y souda une équipe qu'il stimula et obtint, après d’âpres discussions sur l'avenir des sciences sociales dans l’organisation, la création d'un secteur dont il dessina la structure et les principales orientations »[206].
Le département des sciences semble avoir été plutôt efficace, et cela dès le début. Ainsi, en 1946, Albert Noyes, conseiller de la délégation américaine, estime que Joseph Needham, « malgré ses airs de professeur dans la lune », a « bien gardé les pieds sur terre » et, « malgré l’extrême pénurie de personnel technique dans le monde, peut être beaucoup complimenté pour avoir réuni un personnel très compétent dans une période de temps limitée ». Selon lui, la division des sciences naturelles est l’une des mieux organisées du secrétariat[207].
Au problème de l’efficacité souvent insuffisante du fonctionnement des départements et secteurs s’ajoute celui de la coopération difficile entre eux.

Une coopération intersectorielle difficile.
Durant toute la période, la coopération entre les départements est rare et, lorsqu’elle existe, elle fonctionne généralement mal et entraîne des conflits, des doubles emplois, des dispersions d’efforts, des pertes de temps[208]. La question des langues indigènes concerne à la fois le département de l’éducation et celui des activités culturelles, mais Bowers constate et déplore un grand « manque de liaison entre les deux départements à ce sujet » ; les membres de l’un des départements ne sont pas invités aux réunions sur la question organisées par ceux de l’autre, et vice-versa. Ainsi, le département de l’éducation ne participe pas au « colloque sur l’étude des habitudes mentales de certains peuples à travers leur langage », organisé en juin 1951 par le département des activités culturelles[209]. Bowers s’efforce de combler le fossé qui sépare les deux départements. Maheu se réjouit de « l’esprit de coopération » de Bowers, et insiste sur la nécessité d’ « effectuer une meilleure intégration des efforts des départements de l’éducation d’une part et des activités culturelles d’autre part »[210]. Dans le même esprit, en 1957, l’Unesco s’efforce de développer une coopération inter-sectorielle sur la question de l’énergie atomique, alors qu’au départ cette question était traitée uniquement par le département des sciences sociales[211].
Il règne une situation de concurrence entre le département des sciences sociales et le département de l’éducation pour les publications sur les races[212]. La réalisation du projet majeur Orient-Occident donne lieu à la coopération de plusieurs départements : ceux des sciences sociales, département de l’éducation, de l’information, et le service des échanges de personnes. En juin 1961, la commission nationale française estime que le projet majeur d’Amérique latine devra, à partir de 1962, « entraîner une coordination des activités du département de l’éducation et du département de l’information dans le domaine de la mise en application des méthodes et des techniques audio-visuelles »[213]. Henry Cassirer affirme que dans les années 1960 il y avait une nette coupure entre le secteur de la communication et celui de l’éducation, même si leurs objectifs et leurs terrains d’action étaient souvent les mêmes. Chacun des secteurs travaillait dans son coin, il y avait des divergences de conception. Ainsi, le Français Henri Dieuzeide a développé comme Cassirer des programmes de télévision éducative, mais ses programmes se sont faits sous l’égide du département de l’éducation, et ceux de Cassirer sous celle du département de la communication. Et d’ailleurs, leurs programmes respectifs étaient d’esprit différent : ceux de Dieuzeide dans l’esprit de l’éducation formelle, scolaire, ceux de Cassirer dans l’esprit de l’éducation non formelle, populaire[214]. En 1966, le département de l’information change de nom et s’intitule désormais : « département de l’information et de la communication ». En 1967, l’Unesco scinde ce département en deux départements distincts : information, et communication. Dans les années qui suivent, l’action d’information et de communication de l’Unesco est rendue difficile par l’absence de relations entre le secteur information et le secteur communication[215]. En 1967, information et communication sont séparées dans l’organigramme du secrétariat[216]. La décision, à la suite du rapport Jackson de 1969, de remplacer l’approche par projets par une approche par pays, a pour but notamment de remédier à la mauvaise coordination et à la rivalité entre départements[217]. Dans les années 1960 il y a rivalité et ambiguïté, hésitation, entre le département des sciences et celui de l’éducation pour la prise en charge de l’enseignement scientifique et technique[218]. Dans ces années, le fait que le secteur des sciences reçoive beaucoup plus de ressources extra-budgétaires que celui de l’éducation suscite des jalousies dans le secteur de l’éducation[219]. En 1972, le conseil exécutif reconnaît que les divers secteurs du secrétariat mènent des activités distinctes et isolées les unes des autres, en raison d’« une structure verticale relativement rigide qui permet le passage des idées, des décisions et des actions du haut vers le bas et vice-versa, mais rarement leur circulation horizontale »[220]. Charles Ascher observe que l’action de radio et télévision éducative a été réalisée en partie par le département de l’éducation scolaire, en partie par celui de l’éducation non formelle, en partie par celui des communications ; mais il estime que cette tripartition sur trois départements n’a pas nui à sa réalisation, mais au contraire a permis une pluralité des approches, enrichissante, même s’il reconnaît qu’il y a eu de temps en temps des problèmes de répartition des tâches[221]. En 1972, Maheu décide de changer de place, dans l’organigramme, la division de l’enseignement des sciences, qui était rattachée au secteur des sciences. et de l’inclure dans le secteur de l’éducation[222].
Ainsi, la coopération entre les départements et secteurs est souvent déficiente et malaisée. En outre, des rivalités et des tensions se développent et perdurent au sein des départements.

Des rivalités et des tensions au sein des départements.
Des rivalités apparaissent même à l’intérieur des départements, opposant les divisions et les services entre eux.
Le secteur de l’information comprend trois services qui sont en rivalité entre eux : le service de l’usage des moyens d’information ; celui de l’amélioration des moyens et techniques d’information ; celui de la réduction des obstacles à la circulation internationale de l’information[223].
D’importants conflits éclosent au sein du département de l’éducation. En 1956, M. van Diffelen observe que « le fait qu’un travail largement semblable a été entrepris par deux divisions séparées de l’agence (éducation et bien-être social) a tendu à empirer les choses et a perpétuer des rivalités entre les travailleurs sur le terrain, bien que les chefs de ces deux divisions, M. Bialuski et moi-même, ayons fait honnêtement de notre mieux pour réaliser la pleine harmonie et la coopération ». Il observe que la situation est devenue de plus en plus confuse après le départ de Bialuski en août 1956. Van Diffelen approuve la décision du directeur général de déplacer la partie de la division du bien-être social qui s’occupe d’éducation des adultes et d’éducation de base dans sa propre division, qui sera alors appelée division de l’éducation des adultes et du bien-être social. Selon lui, cette mesure « mettra un terme une fois pour toutes à toutes les batailles doctrinaires et luttes de pouvoir entre deux « empires » rivaux[224], à « un bon nombre de doubles emplois et à des rivalités et chamailleries sans fin sur le terrain »[225]. Pourtant, dans les années 1960, comme l’observe Esther Dartigue, au sein du département de l’éducation, « de petits malentendus surgirent à plusieurs reprises entre Coombs et Dartigue car leurs responsabilités, qui n’étaient pas les mêmes en théorie, se recoupaient en pratique » ; Maheu a arbitré et a pris le parti de Dartigue contre Coombs[226].
La table ronde du personnel de 1970 se penche longuement sur ce problème, déplorant les « clivages qui séparent par des parois étanches et difficilement franchissables les services, bureaux, et départements des diverses catégories », ce qui fait que le fonctionnaire a tendance « à perdre la conscience de son appartenance à l’organisation, en faveur d’une loyauté exagérée à l’égard de la division plus ou moins isolée à laquelle il appartient ». La table ronde déplore la création de « ‘fiefs’ séparés », et l’apparition d’une « mentalité de caste, de classe ou de clan » entre départements et divisions :
« Les spécialistes du programme ont tout intérêt, dans le système des postes et des petits projets morcelés, […] à conserver jalousement « leur » programme et à ne coopérer réellement à aucune entreprise de grande envergure. […] C’est sans doute à ce niveau des spécialistes du programme que le poids paralysant de l’‘administration’ se fait le plus sentir. »[227]
Un problème important lui est lié, celui de l’important cloisonnement entre les départements.

Un cloisonnement entre départements.
Les anciens fonctionnaires du secrétariat des années 1960 et 1970 évoquent les problèmes du cloisonnement entre départements. Jacques Tocatlian rapporte qu’hormis la réunion de l’ensemble du personnel lors de la présentation devant le directeur général du plan à moyen terme, les contacts entre fonctionnaires des différents départements étaient quasiment inexistants ; cette réunion était elle-même un exercice formel, dans lequel chaque chef de département devait présenter et défendre son programme afin d’obtenir le plus de crédits possibles, ce qui plaçait les départements dans une situation de concurrence[228]. Cette extrême rivalité entre départements pour l’attribution des crédits est confirmée par Pauline Koffler, qui souligne la grande habileté dont son mari savait faire preuve pour obtenir le montant qu’il souhaitait[229]. Prévost estime que l’organisation du secrétariat en sections cloisonnées a beaucoup nui au développement du programme de l’Unesco, qui a ainsi été élaboré en fonction de ces disciplines distinctes, aux frontières parfois artificielles, plus qu’en fonction des véritables problèmes et besoins concrets. Il déplore aussi la séparation, au sein des différents secteurs, des activités de coordination et de recherche d’une part, et des activités opérationnelles d’autre part, ce qui a donné lieu à une « dichotomie entre action intellectuelle et action opérationnelle »[230]. Harold Foecke déplore lui aussi la complexité et la rigidité de l’organigramme des secteurs et des divisions[231]. Tocatlian souligne que chaque unité avait souvent sa conception propre de l’action à mener, qui différait de la conception des autres unités ; « c’étaient des groupuscules, qui défendaient chacun des idées différentes, et cela a conduit à une dispersion des conceptions et des actions, cela explique pourquoi l’Unesco a toujours eu du mal à avoir un impact concret important »[232]. Jean-Claude Pauvert observe lui aussi la tendance récurrente des secteurs à travailler de façon cloisonnée, sans communication ; il observe que Maheu a été le directeur général qui a fait le plus d’efforts pour coordonner les efforts des secteurs, étant adepte de l’interdisciplinarité, mais qu’il n’a pas réussi à vaincre leur tendance à travailler séparément[233]. Elise Keating estime que la coopération intersectorielle n’a jamais bien fonctionné[234]. En 1967, les départements sont transformés en secteurs, plus larges[235]. Mais cela ne semble pas avoir résolu les problèmes.
Le découpage thématique manque souvent de logique. Ainsi, certains domaines d’activités sont à cheval entre deux secteurs, et cela entrave leur développement. C’est le cas du domaine de l’enseignement des sciences, à cheval entre deux secteurs, et passé en 1972 du secteur des sciences à celui de l’éducation ; selon Foecke, cette hésitation et ce changement ont nui à l’efficacité de cette division[236]. C’est le cas aussi du domaine des sciences sociales et humaines, séparé en deux branches distinctes, ce que déplore durant toute la période le gouvernement français, très attaché à ce domaine. Ainsi, en 1963, un diplomate français observe :
« Si, comme nous le souhaitons, les sciences humaines étaient regroupées avec les sciences sociales au sein d’un même département, celui des activités culturelles deviendrait le département des arts et des lettres. [...] il gagnerait en cohésion et en efficacité et serait à même d’aborder avec plus d’attention et de vigueur certains secteurs culturels qui nous paraissent avoir été quelque peu délaissés jusqu’à présent. » [237]
En 1970, la table ronde du personnel déplore les « duplications inutiles [qui] existent entre secteurs, départements et divisions du programme, consécutives à l’absence de politique d’ensemble »[238].
Ainsi, la lourdeur du système administratif, la centralisation croissante du pouvoir, et les rivalités persistantes entre les différentes unités expliquent les problèmes de fonctionnement du secrétariat. La prise de conscience précoce de ces problèmes a suscité des tentatives pour les résorber.

3.2.4. Des efforts originaux de rationalisation.

En 1947, les États-Unis déplorent les « difficultés de l’organisation à planifier un programme concis »[239]. Evans évoque les défauts de l’administration de l’Unesco sous Huxley : « parfois deux personnes arrivaient au bureau lundi matin, et toutes les deux avaient été nommées par Huxley au même poste »[240]. Evans évoque son impression qu’à la conférence générale de 1947 « l’Unesco devenait une bonne organisation », qu’elle faisait des progrès sur le plan du fonctionnement administratif. Cette impression se renforce en 1948[241].
Cette année-là, sur l’impulsion de Huxley, un comité de trois personnes (Th. Aghnides, William Matthews, Arthur Goldschmidt) réalise une étude sur les problèmes de mise en oeuvre du programme de l’Unesco et sur les possibilités de rationaliser l’organisation administrative interne du secrétariat ; cette étude souligne notamment le problème des coûts de fonctionnement trop importants du secrétariat ; elle observe des « problèmes structurels » dans son fonctionnement administratif, mais les relativise en les attribuant au fait que « l’organisation est encore dans sa phase de formation et doit nécessairement rester quelque temps à un stade expérimental »[242].
En 1948, le journal de l’association du personnel de l’Unesco, Mercure, observe et reconnaît les problèmes de fonctionnement administratif de l’organisation : l’Unesco « se meut difficilement ». « Véritable creuset où viennent se superposer les pratiques et les usages administratifs d’une multitude de nations aux traditions séculaires, le secrétariat de l’Unesco n’a pas encore réussi à fondre tous ces éléments disparates en un corps de doctrine homogène. Chaque nouveau chef du personnel, chaque nouveau chef de service fait appel à des précédents qui lui sont familiers… dans son pays. L’administration s’appuie fréquemment sur le précédent aussi récent que mal assuré des Nations Unies, sans se rendre compte que ce qui est vérité au-delà de l’Atlantique peut ne plus l’être en deçà » [243].
Les défauts administratifs de l’Unesco sont critiqués dès les premières années par des personnes extérieures. Ainsi, en 1949, dans une lettre au New York Times, Max Salvadori souligne le manque d’auto-critique, le trop grand nombre de projets, la compétence insuffisante du personnel, et incite à faire des « évaluations franches »[244].
En 1948, l’Unesco entreprend une étude sur l’administration des agences internationales, visant à l’améliorer[245]. Dans ce cadre, entre 1948 et 1951, elle mène des réflexions sur les techniques des conférences internationales et sur les problèmes administratifs de participation des États membres aux organisations internationales[246]. Ces études sont quelquefois novatrices. Par exemple, l’une d’elles est intitulée La psychiatrie à l’usage des cadres supérieurs. Expérience d’utilisation de l’analyse de groupe pour améliorer les relations au sein d’une organisation[247]. En 1948 est créée au sein du secrétariat une commission de recours, « devant laquelle pourront être évoqués tous les cas où des membres du personnel auraient à se plaindre d’une décision administrative dont ils estiment qu’elle lèse leurs droits »[248].
Au début des années 1950, Lewis Gielgud, directeur du personnel, dote l’Unesco d’un statut et règlement du personnel, dont, selon Delavenay, l’Unesco « avait le plus grand besoin »[249]. Au début des années 1950, Torres Bodet charge le juriste américain Quincy Wright de faire une étude de l’Acte constitutif, pour analyser ses défauts et contradictions, et permettre d’aboutir à une meilleure compréhension du but de l’Unesco[250]. Selon Evans, l’administration de Torres Bodet a été bonne[251]. Evans fait lui-même des efforts particuliers pour améliorer le fonctionnement de l’Unesco. Il choisit personnellement les chefs de chaque département. Il s’efforce de mettre en place « une bonne équipe », ayant un « esprit d’équipe », qui œuvre à une « unité d’opération », des hommes qui travaillent à « l’intégration de leurs programmes avec ceux des autres » ; il estime y avoir réussi[252]. Il fait beaucoup d’efforts pour concentrer le programme. La mise en place des projets majeurs s’inscrit dans cet effort[253]. Il s’efforce de mettre en oeuvre une procédure démocratique et rigoureuse de gestion du secrétariat. Par exemple, lorsqu’il y a un problème, au lieu de faire une remarque en privé au fonctionnaire concerné, il organise une réunion pour discuter avec plusieurs fonctionnaires de ce problème. Il relate que ce procédé a étonné et choqué beaucoup de fonctionnaires ; mais il estime qu’il était bon et fonctionnait bien quand il a quitté le poste de directeur général, et que cela a accru le « sentiment d’unité » parmi le personnel. Il regrette que les directeurs généraux qui lui ont succédé n’aient pas du tout continué dans cette voie[254].
Evans opère plusieurs changements dans l’organigramme du secrétariat, pour le rationaliser. Ainsi, lorsqu’il accède au poste de directeur général, il observe que le département de l’assistance technique apparaît comme « une sorte de second ministère des affaires étrangères », dirigé par Adiseshiah, « un gars très vigoureux, dynamique, très travailleur, […] qui prenait des décisions sans trop se référer aux avis des autres ; il avait réuni dans ses mains non seulement les problèmes administratifs et extérieurs qui étaient liés à l’assistance technique, mais en réalité il dirigeait aussi une sorte de second département de l’éducation, et dans une certaine mesure un autre département des sciences naturelles, et un autre département des sciences sociales, et il leur dictait leur programme ». Désapprouvant cette indépendance d’Adiseshiah, Evans abolit en 1954 le département de l’assistance technique, pour mettre fin à l’« immense empire » mis en place par lui, et crée à la place le « bureau des relations avec les États membres » (BMS), qu’il dote d’un nouveau directeur, afin de lui infuser « un nouvel esprit »[255]. Evans est très critique à l’égard d’Adiseshiah : « Adiseshiah a une méthode d’opération qui met tout le monde un peu mal à l’aise » ; « Adiseshiah est un homme qui a beaucoup d’idées et qui le lendemain oublie l’idée qu’il avait la veille ». Il estime qu’Adiseshiah organisait l’assistance technique sans prêter attention aux véritables besoins des États à long terme, qu’il élaborait « des projets hétéroclites qui ne s’inscrivaient dans aucun plan logique » ; « je travaillais dur pour un développement ordonné, cohérent [de l’action de l’Unesco], et Adishesiah travaillait dur simplement pour avoir beaucoup de projets et pour dépenser beaucoup d’argent, sans se préoccuper si ce qu’il faisait avait un sens ou non ». Ainsi Evans met fin à plusieurs projets lancés par Adiseshiah, estimant qu’ils ne sont pas cohérents (par exemple un projet d’éducation physique en Tunisie, qu’Evans transforme en un projet d’école maternelle)[256].
Un autre changement important opéré par Evans dans l’organigramme du secrétariat a été de déplacer le service des échanges de personnes ; ce service était placé au sein du département de l’éducation, mais n’y était pas bien intégré, d’autant plus que son chef, « un Américain très vigoureux, dynamique, tête brûlée », selon Evans, n’entendait pas se placer sous les ordres du chef du département de l’éducation. Evans fait du service des échanges de personnes une unité séparée[257]. Par ailleurs, il réduit le nombre du personnel au siège et augmente celui du personnel sur le terrain, avec le soutien des États membres et notamment des États-Unis et de l’URSS. Il regrette qu’après son départ le personnel au siège ait beaucoup augmenté[258]. Il observe que ses efforts pour rationaliser l’administration de l’Unesco n’étaient pas populaires auprès du personnel, car cela l’amenait à être sévère envers lui[259]. Il souligne qu’il a toujours eu le souci de recruter des gens compétents, et que cela passait pour lui avant le critère de la nationalité. Il observe que son refus de plusieurs candidats américains, qu’il jugeait insuffisamment compétents, a été mal recu par le gouvernement américain[260]. Sa plus grande contribution à l’Unesco a été selon lui d’avoir orienté le programme dans le sens souhaité par la majorité des États membres, d’avoir « construit un esprit d’unité parmi le personnel, appris au personnel à traiter avec les États membres selon des principes d’intégrité, à faire des estimations budgétaires honnêtes, à adhérer honnêtement aux procédures et règles, et à avoir de l’intégrité dans les questions financières »[261]. Cependant il faut considérer avec circonspection ces affirmations.
En novembre 1958, l’Américain Herbert Emmerich, le Suisse Frochaux, et le Néerlandais Bender font une étude sur le fonctionnement de l’Unesco, qui conclut à la nécessité d’un changement radical dans le recrutement du personnel, et de la mise en place d’un système de promotion interne. Elle préconise la fusion ou la création de certains départements, et une plus importante collaboration avec les ONG. Une seconde étude de ce type est réalisée en 1963, toujours par Emmerich[262].
Dans les années 1960, les efforts pour rationaliser le fonctionnement de l’Unesco se poursuivent. Ainsi, en 1963 est convoqué un « comité ad hoc sur les fonctions et responsabilités des organes de l’Unesco »[263]. Cependant, en 1963, l’Américain Lucius Battle, secrétaire d’état adjoint pour les affaires éducatives et culturelles, fait un long discours au Sénat, dans lequel il critique sévèrement l’Unesco et passe en revue les aspects de son fonctionnement qui selon lui sont à améliorer. Ainsi, il préconise que l’Unesco réduise le nombre et la durée des conférences et réunions qu’elle organise ; qu’elle laisse les ONG associées, de même que les centres et institutions qu’elle a créés hors siège, s’autofinancer ; qu’elle améliore son service de publications ; il critique en particulier le fait que 49% du budget soit consacré aux salaires du personnel. Cependant, il reconnaît que ce chiffre est plus élevé encore dans les autres agences (OMS : 53%, ONU : 64% ; FAO : 72%). Battle déplore aussi l’absence, au siège de l’Unesco, d’un corps permanent, continu, de fonctionnaires, il critique la succession rapide du personnel. Il estime d’autre part qu’une rationalisation du fonctionnement de l’Unesco permettrait une diminution du budget[264].
M’Bow, en accédant à la tête de l’Unesco en 1974, affime vouloir « lutter par tous les moyens contre une tendance à une bureaucratisation excessive », et « faire un effort de concentration du programme ». Il entend également « associer plus étroitement le conseil exécutif et les États membres à l’élaboration du programme », observant que « beaucoup de délégués à la conférence générale ont le sentiment que tout est joué d’avance et qu’ils n’ont aucune possibilité d’introduire un changement significatif dans les programmes soumis à leur appréciation »[265].
Même s’ils n’ont pas apporté tous les résultats escomptés, de réels efforts de concentration et de rationalisation ont donc été tentés durant la période. S’y ajoutent des efforts de mise en place d’un mécanisme de planification.

La mise en place d’un mécanisme de planification.

L’intérêt pour la planification est très précoce à l’Unesco, puisqu’il date de l’époque de Huxley. Celui-ci en effet avait été lié dans les années 1930 au Political and Economic Planning (PEP), groupe de recherches financé par des fonds privés ; il avait rédigé des réflexions sur ce thème au retour d’un voyage aux États-Unis au cours duquel il avait étudié les mécanismes de planification mis en place par Roosevelt[266]. Cependant, il ne parvient pas à mettre en place un tel mécanisme à l’Unesco.
En revanche, dans les années 1950, Evans, épris d’administration rigoureuse, met sur pied un efficace mécanisme de planification : les « PADs », Programme Activities Detail, en français « plans d’activités détaillés ». Etablis à partir de 1956 chaque année pour chaque secteur, ces plans précisent pour chaque activité le calendrier, fixent le ou les fonctionnaires chargés de l’exécution, ainsi que le coût de l’opération. Selon Prévost, les PADs auraient contribué à améliorer nettement la coordination du travail entre les organes de l’Unesco, et à accroître et enrichir les échanges entre le directeur général et les membres du secrétariat : « au cours de ces grands-messes obligatoires, le DG eut l’occasion de s’entretenir directement avec nombre de membres du Secrétariat, de s’enquérir de leur travail, d’écouter leurs vues, parfois leurs suggestions ou même leurs critiques »[267]. Les successeurs d’Evans, Veronese puis Maheu, conservent le système des PADs.
Maheu modifie en fait l’esprit de la revue des PADs, dirigeant cette procédure d’une main de fer : il interroge toute la hiérarchie du secrétariat, donne aux fonctionnaires des consignes strictes et décide en fait lui-même de toutes les modifications à apporter dans les orientations des programmes[268]. Delavenay estime que la mise en place des PADs a « instauré des pratiques régulières de planification du travail de tous les départements, qui permettent une meilleure estimation des étapes d’application des programmes », et une définition plus concrète des objectifs, ainsi qu’une certaine évaluation des résultats. Selon lui, les PADs ont « contribué à discipliner des féodalités originellement rebelles à toute décision collective », et ont conduit à une amélioration de l’organisation du travail du secrétariat, ce qui a fait des années 1960 « des années de réalisation », après de nombreuses années de « mise en ordre et d’organisation ».
« Le Secrétariat a appris à mieux étaler dans le temps les actions entreprises, à circonscrire le champ d’application de ses ambitions et à inscrire ses projets dans le cadre de plans de travail concertés avec tous les organes d’exécution. Certes subsistent les termes souvent désespérément vagues et abstraits des résolutions adoptées par la conférence, « promouvoir » ou « encourager », mais les plans de travail en précisent mieux les modalités. » [269]
Les PADs apparaissent donc comme un net progrès. Pourtant, après 1974, la revue des PADs est abolie par le nouveau directeur général M’Bow. Ainsi disparaît un des seuls mécanismes permettant d’ébaucher une évaluation des résultats du travail du secrétariat[270].
Le second domaine dans lequel se sont réalisés les efforts de rationalisation est celui de l’évaluation.

Des efforts croissants d’évaluation des résultats.

La volonté de rationaliser et d’améliorer l’administration par des évaluations apparaît dès les premières années. Le directeur général adjoint pour l’administration, Walter Laves, s’efforce d’apporter une plus grande rationalité dans l’administration, au moyen d’une importante centralisation[271], et de l’introduction d’une procédure d’évaluation des résultats, défendant l’idée que « le succès de l’Unesco dépend de la capacité de faire des évaluations franches »[272]. Mais ses efforts n’aboutissent pas. C’est en 1954 qu’est reconnu officiellement le besoin d’évaluation des programmes opérationnels, lors d’une réunion à Genève en collaboration avec le Conseil d’assistance technique des Nations Unies (United Nations Technical Assistance Board, UNTAB), pour déterminer les critères et techniques à adopter dans l’évaluation de l’assistance technique pour le développement économique. Cette réunion est suivie d’une évaluation, entreprise avec l’aide de consultants extérieurs, portant sur les projets d’éducation de base à Ceylan et en Thaïlande, et par la publication en 1955 d’un numéro du Bulletin International des Sciences Sociales consacré entièrement aux questions d’évaluation des projets de l’Unesco, puis en 1959 d’un manuel suggérant des méthodes d’évaluation, intitulé L’Evaluation des projets de développement[273].
En 1957, une « Unité internationale de management » est créée, chargée d’évaluer la structure et les méthodes de travail de l’organisation. En 1963-64, cette unité réalise 44 études de cas, ainsi qu’un rapport général projetant une grande réforme administrative. Le directeur général et les hauts fonctionnaires du Secrétariat se montrent sensibles aux critiques exprimées dans ce rapport. Les recommandations qui y sont formulées sont acceptées par la conférence générale de 1964[274]. En 1965, le Royaume-Uni estime toutefois que l’évaluation des activités de l’Unesco est nettement insuffisante, et souhaite que l’Unité de management soit renforcée. Cet État déplore que l’Unesco ne tienne pas vraiment compte des résultats des évaluations effectuées[275].
C’est surtout à partir de 1960, avec la prise en main de l’administration de l’Unesco par Maheu, que les réflexions pour une amélioration de son fonctionnement s’intensifient, et que s’impose l’idée d’évaluation. Sous l’effet des critiques du gouvernement américain[276], le rapport annuel du directeur général à la conférence générale sur l’activité de l’organisation prend une dimension plus critique, mettant davantage l’accent sur l’aspect d’évaluation. Entre 1960 et 1962, Maheu et Adiseshiah mettent en œuvre une réorganisation complète de l’administration du secrétariat[277]. En décembre 1962, le conseil exécutif consacre une séance privée à s’efforcer de résoudre le problème de l’organisation administrative du secrétariat. Maheu reconnaît : « Le moment est venu de renoncer aux méthodes empiriques et de réorganiser la direction de manière systématique. Sa structure ne correspond plus aux besoins d’un Secrétariat qui non seulement se développe, mais surtout se modifie »[278].
Ces efforts s’inscrivent aussi dans le cadre plus général de réflexions menées sur les problèmes administratifs des Nations Unies[279]. En 1960, l’Unesco réalise une évaluation des programmes, à l’intention du Conseil économique et social[280]. C’est une entreprise nouvelle, à la réalisation de laquelle le secrétariat et la conférence générale accordent une grande attention. En 1964, le conseil économique et social demande au Secrétaire Général de l’ONU de mettre en place de petites équipes d’évaluation, composées de trois ou quatre experts souvent extérieurs au système de l’ONU, chargées d’évaluer l’efficacité des programmes des agences spécialisées, dont l’Unesco[281]. En 1966, le CAC crée un « Groupe d’études inter-agences sur l’évaluation », chargé d’examiner les rapports effectués par les équipes d’évaluation[282].
Cette volonté d’amélioration et d’évaluation est fortement soutenue par les États membres, notamment anglo-saxons. Ainsi, en 1962, les États-Unis, soutenus par le Royaume-Uni, demandent la réalisation d’une analyse globale du programme de l'Unesco par un petit groupe de travail composé de représentants des États membres[283]. Le département d’état américain critique les rapports annuels du directeur général sur l’activité de l’organisation, jugés « encyclopédiques » et « superficiels », et tendant toujours à « mettre en valeur les réussites et à ignorer les situations difficiles ou les échecs », ce qui « réduit beaucoup l’utilité de ces rapports ». Le département d’état exige que ces rapports soient plus « francs, sans exagérer les succès ni cacher les échecs »[284]. C’est ainsi la langue de bois et le refus de l’Unesco de se livrer à l’auto-critique qui sont visés par les États-Unis. À la conférence générale de 1962, la délégation américaine demande une étude sur la gestion de l’Unesco, par un comité international composé de cinq personnes. La conférence générale adopte cette proposition, mais en l’édulcorant : il s’agit seulement d’inviter le directeur général à « utiliser les services d’experts extérieurs »[285]. Dans son discours devant la commission nationale américaine en avril 1963, Maheu se félicite de cette initiative américaine[286]. En 1965, le gouvernement américain préconise une planification à beaucoup plus long terme des activités de l’Unesco, pour les dix, voire les vingt ans à venir, et une stricte limitation à un petit nombre de programmes[287]. En 1965, le gouvernement français estime « excellente » la décision du directeur général d’établir « un dispositif systématique de contrôle et d’évaluation de l’exécution », et souhaite que cette mesure soit « étendue à la plupart des projets importants », et qu’elle soit « confiée à des experts qualifiés et indépendants »[288] ; le gouvernement français insiste sur l’importance pour l’Unesco de se livrer à une meilleure « planification » de son programme[289]. En 1966, le président de la commission nationale américaine, Thomas F. Malone, souhaite que l’Unesco se livre à une sérieuse évaluation de son fonctionnement et de ses actions opérationnelles[290]. Plusieurs États membres soutiennent ces critiques, comme l’URSS[291], la RFA, qui souligne la nécessité de « veiller à ce que l’appareil administatif ne devienne pas trop écrasant », et exige des « mesures de rationalisation de l’appareil administratif »[292], et la France, qui réclame que l’Unesco se livre enfin à « un examen de conscience », à « une réflexion critique » sur son activité[293].
L’année 1966, correspondant au vingtième anniversaire de l’Unesco, apparaît comme une date propice pour mener à bien un bilan, une évaluation. En 1966, l’Unesco réalise ainsi une évaluation de l’efficacité de ses huit Bureaux et Instituts régionaux en Asie, et de deux des projets majeurs décennaux[294]. Ces évaluations sont à leur tour examinées par un groupe de travail spécial lors de la conférence générale. Celle-ci approuve la proposition du directeur général de rendre l’évaluation de certains programmes de l’Unesco systématique. Sept projets du nouveau programme sont sélectionnés pour être soumis à une évaluation[295].
Ainsi, au fil des années, sous l’impulsion de Maheu, de l’ONU, et surtout de plusieurs États membres, les efforts d’évaluation se développent de manière croissante. Pourtant, les résultats ne s’avèrent pas toujours à la hauteur des espérances.

Des résultats jugés décevants.

Malgré cette prise de conscience générale et ces encouragements de la part des États membres, les années 1960-70 n’aboutissent pas à une amélioration du fonctionnement administratif ni à la mise en place d’une réelle procédure d’évaluation objective et systématique. Cela est sévèrement critiqué par les États membres[296], et par certains fonctionnaires. En 1970, le rapport de la table ronde du personnel dresse un bilan sévère du fonctionnement administratif, déplorant le refus de l’organisation de reconnaître ses erreurs, le recours à l’auto-censure, l’insuffisance de l’évaluation, « la pratique du camouflage ou de la négation des échecs », « les pratiques de ‘dilution’ des responsabilités »[297]. Un chapitre entier de ce rapport est consacré à l’« évaluation insuffisante des résultats du programme » :
« On est bien obligé de reconnaître que le Secrétariat - pris dans son ensemble- redoute l’évaluation objective des résultats du Programme ; il y résiste. Les erreurs ou défauts de fonctionnement de l’Organisation sont dès lors camouflés ou simplement niés et, par conséquent, il n’est guère possible d’y remédier. Dans les conditions actuelles, le processus d’évaluation objective des résultats obtenus par rapport aux objectifs que l’Organisation s’était fixés est remplacé par les « Rapports du DG sur l’activité de l’Organisation », qui sont soumis au conseil exécutif et à la conférence générale. Ce ne sont là que de longues listes énumératives d’activités accomplies. On n’y trouve pas de comparaisons critiques entre les résultats obtenus grâce à une activité donnée et ceux que l’on avait inititalement escomptés, ni entre la politique générale de l’Organisation et ses « Buts » ultimes tels qu’ils figurent dans l’Acte constitutif. Il en résulte souvent ce qu’on pourrait appeler un « déplacement des objectifs » : les activités du Secrétariat tendent à trouver en elles-mêmes leur propre finalité. »[298]
La table ronde déplore la tendance à juger les performances des fonctionnaires du programme sur le seul critère des dépenses encourues dans l’exécution d’un projet par rapport aux crédits qui lui ont été alloués, et exige « une évaluation objective permanente des résultats » des activités, au moyen de « comités d’évaluation », comprenant des experts gouvernementaux et des spécialistes des domaines concernés[299]. Ces jugements sévères sont confirmés par plusieurs fonctionnaires, comme E.R., qui dénonce « la langue de bois, celle des formules toutes faites et des rapports complaisants »[300], Acher Deleon[301], Michel Batisse[302], Harold Foecke[303], Jacques Tocatlian[304], Michel Prévost[305].
A la conférence générale de 1972, la commission administrative juge qu’une amélioration des pratiques d’administration et de gestion de l’Unesco est indispensable et urgente[306]. Les États membres soutiennent avec vigueur cette volonté d’amélioration. Ainsi, le gouvernement français élabore un « mémorandum sur la conception générale d’un plan à moyen terme pour l’Unesco », dans lequel il estime qu’elle a « le plus grand besoin » d’un plan à moyen terme, sexennal, pour fixer et réaliser des objectifs plus « clairs » et « précis »[307]. Après de longues discussions, une résolution est adoptée, demandant au directeur général de faire de l’évaluation des programmes un élément plus important de la planification à moyen terme, et pour cela de rechercher l’assistance de consultants en management ; de réduire les dépenses administratives (liées aux conférences, réunions, publications, voyages de personnel) ; et d’élaborer un plan à long terme pour la sélection et le renouvellement du personnel[308].
En 1974, le nouveau directeur général, M’Bow, reconnaît que, dans le domaine de l’évaluation, « l’Unesco n’a pas encore atteint l’efficacité requise » ; il déplore notamment l’absence d’instruments et de méthodologie capables d’aider le secrétariat à réaliser des évaluations. Il affirme la nécessité d’étendre à la fois l’auto-évaluation et l’évaluation extérieure. Il estime que « les modalités de mise en oeuvre du programme demandent à être profondément rénovées », qu’il faut « repenser certaines méthodes et certains mécanismes de travail, dont l’efficacité est amoindrie par une complexité excessive ou l’inertie qui guette, si elle n’y prend garde, toute grande administration ; assouplir, alléger, accélérer les procédures pour rendre l’action plus efficace et donner à l’organisation le pouvoir d’adaptation continue à l’actualité qui lui fait parfois défaut », et apporter « plus de rigueur dans l’exécution du programme »[309]. Au milieu des années 1970, les penseurs tiers mondistes critiquent le conformisme et la routine de l’administration de l’Unesco[310].

Ainsi, durant les trente premières années, le fonctionnement de l’Unesco a souffert d’une structure administrative hiérarchisée et complexe. De plus, cette structure théorique n’a pas vraiment fonctionné en pratique, puisque les attributions officielles du conseil exécutif et de la conférence générale ont été conquises de manière croissante par le secrétariat et le directeur général. Au fil du temps, les États membres, ainsi que le personnel, identifient et dénoncent les causes des dysfonctionnements : langue de bois, refus de reconnaître les échecs et les erreurs, absence de planification à long terme, absence de coordination intersectorielle, fossé entre le siège et le terrain, centralisation du pouvoir et lourdeur bureaucratique. Les efforts, intensifiés à partir de 1960, ont porté sur la réorganisation de l’organigramme administratif, sur le recours à l’évaluation, et sur la planification des activités à long terme ; ils ont incontestablement contribué à améliorer l’efficacité administrative. Cependant, à la fin de la période, le fonctionnement administratif présente toujours des problèmes importants, qui ont d’ailleurs subsisté jusqu’à nos jours[311], et qui font conclure à certains qu’ils sont inévitables[312]. Ces problèmes ont en tout cas eu pour effet d’éprouver moralement le personnel.

3.3. Un personnel moralement éprouvé.

De nombreuses études ont été menées sur la situation du personnel au sein des administrations et des organisations[313], et quelques études en particulier sur les fonctionnaires internationaux[314]. Leur lecture permet de faire la part, dans les éléments relevés, entre ce qui est commun à l’ensemble des grandes administrations, ce qui est caractéristique des organisations internationales, et ce qui est spécifique à l’Unesco.
L’analyse du moral du personnel de l’Unesco durant les trente premières années est délicate, car l’état moral est un élément difficile à cerner à cause de sa subjectivité. Les sources permettant de mener cette analyse consistent essentiellement en des récits d’anciens fonctionnaires, soit sous la forme d’ouvrages de type Mémoires, soit sous la forme d’articles publiés dans la revue des anciens fonctionnaires, Lien-Link, soit sous la forme d’interviews réalisées dans le cadre de ce travail. Ce genre de source est sujet à caution, car chaque vision est particulière et subjective, et ces reconstructions du passé par la mémoire, à de longues années de distance, sont susceptibles de contenir des distortions, dues à des intentions parfois inconscientes. Le cas du journal intime, représenté par celui d’Alfred Métraux, semble dans une certaine mesure plus fiable, par son immédiateté temporelle. S’ajoutent à cela d’autres types de sources, considérées généralement comme plus objectives : les rapports confidentiels des diplomates, conservés dans les archives diplomatiques des différents États membres ; les rapports et correspondances internes entre fonctionnaires de l’Unesco ; certains discours des directeurs généraux ; le rapport de la table ronde du personnel de 1970 ; certains articles de journaux de l’époque.
Toutes ces sources permettent d’identifier deux éléments principaux qui contribuent au relatif malaise du personnel : d’une part la frustration née du décalage entre le travail qu’il est censé mener à bien et la réalité de ce travail ; et d’autre part la démoralisation due à des relations humaines teintées de rivalités et d’hostilité ; dans un troisième temps, on observera comment ce mal-être a conduit à l’émergence d’un mouvement de contestation spontané du personnel.

3.3.1. Un travail parfois frustrant.

On observe des tendances communes chez le personnel. Un profond découragement et un défaitisme s’installent, liés notamment à la quantité et l’intensité du travail fourni par certains, au décalage entre les objectifs idéalistes de l’Unesco et la réalité des actions menées, au manque d’initiative personnelle, au sentiment d’inutilité et de frustration qu’entraîne la paralysie des projets pris dans le lourd mécanisme bureaucratique. Loin d’être spécifique à l’Unesco, une telle attitude psychologique est selon Michel Crozier le résultat du fonctionnement des grandes organisations bureaucratiques. Les « névroses de l’homme de l’organisation » ont été étudiées notamment par William H. Whyte[315]. Cette attitude se manifeste dès les premières années. Elle touche en premier lieu les directeurs généraux.

Les dures atteintes au moral des directeurs généraux.

En 1947, Huxley se sent fatigué, épuisé, il sent « [s]on énergie sapée » par toutes les tâches administratives qu’il doit accomplir[316]. Maniaco-dépressif, il est psychologiquement très affecté par sa charge de directeur général et sombre dans une grave dépression après son mandat, par contraste avec l’« énergie sur-optimiste » qu’il y a déployée[317].
Son successeur Torres Bodet est également très affecté par la pression inhérente à ce poste. En mars 1950, surchargé de travail et de soucis, il tombe malade et ne parvient pas à assister aux séances du conseil exécutif. Des rumeurs courent au département d’état selon lesquelles, épuisé et découragé, il s’apprêterait à présenter sa démission[318]. Le découragement gagne en effet Torres Bodet : à ce poste de directeur général il se sent seul, « isolé » dans le « désert international »[319]. « Dans les couloirs du Majestic, les employés et les dactylos de l’Unesco me désignaient comme le ‘DG’. Pour eux, je n’étais pas un homme de chair et d’os […], mais un sigle », déplore-t-il. En 1952, âgé de cinquante ans, il se sent désabusé[320]. Le rythme mécanique et aliénant des journées y contribue. « A partir de neuf heures du matin, j’étais condamné à des conseils, des réunions, des accords, des visites, des lettres, des circulaires et des appels téléphoniques incessants »[321]. Après une première démission reprise en 1951, il démissionne définitivement en 1952. En 1950, l’Américain Sharp observe qu’« il était dans un état extrême de tension nerveuse à la conférence de Florence et [que] ses interventions sont apparues étonnament erratiques, [et que] personne ne pouvait réussir à comprendre ce qu’il voulait dire sur le programme et le budget »[322]. De même, Evans observe que Torres Bodet, « homme très intense », qui « prenait son travail très à cœur », était « épuisé » après quatre ans de mandat[323].
Quant à Evans, il mentionne dans son interview ses propres « frustrations » en tant que directeur général, il évoque la « pression » qui pesait sur son moral et atténuait son enthousiasme ; il signale que cette pression pesait aussi sur le personnel et l’incitait à lui « faire des problèmes »[324].
Le cas de Veronese, élu directeur général en 1958, illustre bien le terrible poids du travail et des responsabilités qui affecte le poste de directeur général. Veronese a, d’après les différents témoignages, très tôt manifesté sa fragilité psychologique devant la lourde tâche de directeur-général, ne parlant pas anglais et n’ayant pas les capacités administratives et décisionnelles nécessaires[325]. Prévost relate comment, dès le début, il « se faisait souci de tout », puis comment, au fil des mois, « Veronese lâcha prise. Il s’était attelé à sa tâche de directeur général avec enthousiasme, avec allant. Il devait bientôt réaliser à quel point elle était exigeante physiquement. Torres Bodet, Evans, avaient été des forces de la nature. Devant la multiplicité des problèmes, des difficultés, il apparut que Veronese flanchait. Ceux qui le voyaient régulièrement rapportaient des nouvelles de plus en plus alarmantes ». « Il se faisait souci de tout […] Il se dispersait dans de multiples tâches administratives qui rongeaient son temps et minaient sa résistance »[326].
Le département d’état américain observe avec inquiétude la dégradation progressive de l’état physique et moral de Veronese. Kellermann, de l’ambassade américaine à Paris, insiste au fil de ses rapports sur « le mauvais état physique » et « la tension et l’extrême nervosité » du directeur italien. Il recueille plusieurs témoignages soulignant « les symptômes d’épuisement et de détresse » qu’il manifeste, et observant qu’il est sur le point de « craquer » :
« Il a quitté des réunions du personnel en plein milieu de manière abrupte et sans raison nette, parfois s’effondrant au milieu d’un rapport. Il s’est absenté et est resté au lit simplement parce qu’il a dit ne pas pouvoir faire face à certain problèmes administratifs graves. Il s’est plaint aux membres du personnel et à des gens extérieurs de fatigue et de dépression. »[327]
Evans aussi rapporte l’effondrement de Veronese : « Veronese a eu une dépression nerveuse devant le conseil exécutif début juin alors qu’il est directeur général depuis six mois. Il a lancé ses lunettes au loin ; il a jeté les papiers en l’air ; il s’est effondré et a dit qu’il n’était pas capable de continuer ce travail et qu’on devait l’en libérer »[328]. Kellermann observe que cet effondrement de Veronese s’est produit non pas dans une période de particulières tensions politiques, mais dans une période normale, et conclut :
« C’est […] l’inattendue routine de l’Organisation qui a causé la pression et finalement l’effondrement de Veronese. Il faut admetttre que la structure compliquée de l’organisation, l’importante dispersion de ses activités diverses, d’une part, et ses ressources limitées, d’autre part, aggravées par le conflit d’intérêts entre les États membres qui se font concurrence pour les financements, font de l’administration de l’Unesco une affaire extrêmement complexe et parfois exaspérante. Bien que chacun des précédents DG ait essayé de s’en sortir à sa façon, aucun n’a été capable jamais de satisfaire tous les États membres. Il est concevable que la portée de la tâche ne soit pas apparue au Dr. Veronese tant qu’il a été président du conseil exécutif, mais semble l’avoir touché de plein fouet une fois qu’il est devenu DG. La découverte de l’étendue immense de son nouveau domaine de responsabilité peut avoir surpris et déprimé le Dr. Veronese, qui est une personne très émotive et sensible, plus que cela n’aurait affecté une autre personne. »
Kellermann observe que Veronese a aussi souffert de son manque de préparation à ce travail, étant donné son expérience administrative limitée et son manque de contacts et de rayonnement dans les milieux scientifiques et universitaires internationaux. De plus, Veronese ne souhaitait pas particulièrement accéder à la tête de l’Unesco, mais a été « poussé » à candidater par les cercles catholiques italiens, soutenus par les États-Unis[329].
A la 54e session du conseil exécutif, au printemps 1960, Veronese ne parvient plus à faire face aux pressions qu’implique sa tâche : il « craque » et est victime d’une crise de nerf : d’après différents témoignages concordants, il s’écrie : « Je ne suis pas à la hauteur de ma tâche. Cela ne peut plus durer ! » et « Je démissionne, ceci est ma démission ! », avant de perdre connaissance. Kellermann observe que le médecin personnel de Veronese se montre pessimiste, et conclut que, si « le tableau clinique n’est pas très clair », du moins l’état psychologique de Veronese est alarmant[330]. Veronese se résout à démissionner pour raisons médicales en 1961[331]. Cet état des directeurs généraux trouve un certain reflet dans celui du personnel du siège.




Les problèmes du personnel du siège.

Le haut niveau des compétences exigées.
Les membres du personnel sont choisis par l’Unesco après avoir été préalablement sélectionnés par les États membres dont ils sont ressortissants. Or, les compétences exigées pour de nombreux postes à l’Unesco sont difficiles à réunir, puisqu’il faut être à la fois spécialiste d’un domaine précis, et bon administrateur.
Dans les premières années, on observe un net décalage entre les compétences attendues et celles que possède réellement le personnel. Ce manque de compétences d’une grande partie du personnel s’explique en partie par le fait que Huxley a dû recruter en très peu de temps un très grand nombre de personnes, dans la hâte et l’urgence, au cours de cette période troublée du lendemain de la guerre[332]. À cela s’ajoute le fait qu’alors que l’Unesco visait à s’attirer le concours de nombreux intellectuels et savants, ces derniers se montrent alors réticents à s’engager dans une organisation dont la réputation n’est pas encore faite, dont l’avenir est incertain, et qui n’offre que des contrats précaires[333].
Ce manque de compétences du personnel est très tôt observé par les États membres. Ainsi, en août 1946, un diplomate britannique écrit, dans une note confidentielle à son gouvernement, que l’Unesco a recruté « des gens très curieux, la plupart sans réelle compétence dans le domaine dans lequel ils sont censés travailler »[334]. En décembre 1948, un membre de la délégation britannique déplore dans la presse que parmi tous les délégués et les membres du secrétariat, il n’y ait qu’« une demi-douzaine d’hommes distingués », compétents, inspirés, et talentueux[335]. Delavenay, dans ses Mémoires, évoque le « personnel hétéroclite » des premières années, ces personnes « venues de civilisations différentes, aux habitudes administratives diverses », et souvent « totalement dépourvues d’expérience administrative »[336].
Peu à peu cependant, une certaine rationalisation s’opère dans le recrutement du personnel, grâce au Britannique St-John Pym, directeur du personnel, qui « remplace petit à petit par des hommes et des femmes au dessus de tout soupçon certains collaborateurs douteux »[337]. Dans les années 1950, le département d’état américain note une nette amélioration de la compétence du personnel[338].
Plusieurs États membres veillent à désigner des personnes de grande valeur intellectuelle ou scientifique, pour des raisons de prestige national. Ainsi, dans les années 1950 et 1960, la plupart des Soviétiques employés dans les départements du programme sont extrêmement compétents, étant choisis avec un soin particulier par leur gouvernement pour jouer un rôle de « façades » de la science, de la pédagogie, et de la culture soviétiques[339].
Pourtant, comme il n’est pas facile de recruter des personnes qualifiées à la fois dans le domaine administratif et dans le domaine intellectuel ou scientifique, au fil des années une évolution se dessine : pour de nombreux États membres, la compétence administrative tend à primer sur la compétence intellectuelle ou scientifique[340]. L’origine géographique devient aussi un critère important, qui entre en concurrence avec le critère de compétence, voire qui prime sur ce critère, l’Unesco s’efforçant d’assurer une répartition géographique équitable de son personnel[341].
A la fin de la période, le problème de la compétence du personnel subsiste chez une partie non négligeable du personnel[342], et le profil de celui-ci évolue de plus en plus vers un caractère administrateur au détriment du caractère intellectuel[343]. Plusieurs fonctionnaires déplorent une « mauvaise utilisation des ressources humaines »[344]. Rex Keating souligne le décalage entre les compétences souvent bonnes des fonctionnaires américains et les compétences insuffisantes de ceux du Tiers Monde[345]. Selon Lengyel, au sein de l’Unesco, il est difficile en pratique de maintenir une claire distinction entre spécialistes du programme et administrateurs généraux. En effet, le véritable travail de la plupart des spécialistes du programme se résume en fait à de l’administration. Les spécialistes du programme sont en fait des médiateurs, dont le travail consiste surtout à assembler différents éléments. Selon Lengyel, l’Unesco a échoué à former de bons spécialistes du programme[346].
Le décalage entre le très haut niveau des compétences exigées et la réalité des compétences du personnel entraîne la frustration de celui-ci.

Un personnel rapidement frustré.
Jean-Charles Clorennec, chercheur ayant mené des entretiens avec des fonctionnaires de l’Unesco au début des années 1990, distingue deux catégories parmi les agents de l’Unesco : les « passéistes » et les « novateurs » : « les premiers prennent les croyances de l’Unesco comme des valeurs, ou du moins comme des éléments faisant désormais partie de la logique du monde social. Les seconds se situent plus dans une démarche de changement et d’adaptation au monde social, où il en va de la survie de l’Unesco de s’ouvrir aux nouvelles donnes sociales et institutionnelles pour l’éducation. » Parmi les critiques de l’Unesco formulées par ses agents, l’inadéquation entre les moyens disponibles et les projets prévus, ainsi que la lourdeur de la bureaucratie, jugée souvent responsable de l’inefficacité des projets, reviennent fréquemment[347].
Cette situation est ancienne. Déjà le comité d’experts de 1948 observait que « le moral [du personnel] est sapé par le sentiment d’incertitude et d’insécurité », sentiment lié selon le comité à l’époque troublée en cours[348]. Ce jugement est confirmé par le journal de l’association du personnel, Mercure, dont un éditorial de 1948 affirme : « nul n’ignore qu’il existe dans le Secrétariat une inhibition psychologique par trop compréhensible en ces temps d’insécurité »[349]. Mais ce sentiment est-il vaiment dû à la situation extérieure ou plutôt à l’Unesco elle-même ?
Si, pour l’Unesco, la participation de ces intellectuels et universitaires constitue une source de prestige, en revanche elle est considérée avant tout par beaucoup d’entre eux comme un moyen de s’assurer des revenus[350]. C’est le cas de Jean d’Ormesson[351], de Julio Cortazar[352], de Philippe Soupault[353], de Claude Lévi-Strauss[354], d’Alfred Métraux[355]. Les contraintes et les pressions imposées par l’Unesco pour la rédaction des publications commandées s’opposent à la liberté à laquelle ils sont habitués dans le cadre de la recherche. Ainsi, Michel Leiris qualifie de « pensum » le texte sur le racisme dont l’Unesco lui a commandé la rédaction[356] ; Alfred Métraux emploie lui aussi, dans son journal, ce terme de « pensum » pour les articles qu’il doit rédiger pour le Courrier de l’Unesco[357]. Lévi-Strauss affirme que, au début des années 1950, « l’Unesco n’avait pas très bonne presse chez les intellectuels français »[358]. Beaucoup d’intellectuels, tels Alfred Métraux, Michel Leiris, et Roger Caillois, s’y ennuient[359]. L’atmosphère semble intellectuellement plus libre dans les ONG culturelles chapeautées par l’Unesco (CIPSH, CISS, CIM…) qu’à l’Unesco elle-même[360]. En effet, l’Unesco limite la liberté d’esprit et de pensée des intellectuels qu’elle emploie. La censure et l’autocensure sont la règle, aussi bien dans les publications que dans les débats oraux. Ainsi, G.V. Allen, président de la délégation américaine à la conférence générale de 1948, déplore « l’aridité intellectuelle et le bas niveau de la discussion, l’absence de discours remarquables », observe que l’Unesco n’est pas à la hauteur du « haut niveau intellectuel et moral que beaucoup de gens semblaient attendre », et conclut à « l’immaturité » de l’Unesco[361].
Un des éléments qui contribuent à la déception de ces intellectuels est la limitation de leur liberté d’expression. D’après le règlement du personnel, ils « doivent éviter tout acte et en particulier toute déclaration publique de nature à discréditer la fonction publique internationale ou qui soit incompatible avec l’intégrité, l’indépendance et l’impartialité que la situation exige »[362]. Un autre facteur ayant contribué à partir de la fin de la période de Torres Bodet à un certain déclin de la présence des intellectuels à l’Unesco est la règle votée en 1952 par la conférence générale interdisant aux membres du personnel d’écrire, tant qu’ils sont employés par l’Unesco, des ouvrages ou articles pour une autre instance. Ce règlement est très mal reçu par les intellectuels qui y travaillent[363].
La frustration, chez beaucoup d’intellectuels et scientifiques, vient aussi du fait que le travail est en fait beaucoup plus administratif qu’intellectuel. Ainsi, en 1958, Auger écrit à Maheu, dans une lettre confidentielle, au sujet du nouveau directeur du département des sciences, Victor Kovda :
« Il semble avoir une personnalité sympathique, mais peut-être quelques illusions sur le genre de travail auquel il sera appelé à contribuer. C’est un homme d’action de laboratoire et d’application directe, et il ne sera peut-être pas toujours très heureux au milieu de nos papiers. »[364]
Dans les années 1960, Alexis Matveyev, physicien et mathématicien, chef du secteur des sciences, confie à Prévost sa frustration de devoir passer « le meilleur de [s]on temps à faire de l’administration » au lieu d’actions intellectuelles[365].
La frustration vient aussi du fait que le travail exigé est parfois très dur. En 1946, un haut fonctionnaire de l’Unesco souligne que le personnel du secrétariat travaille depuis un an « avec des pressions de temps très difficiles »[366]. Cette atmosphère perdure tout au long des années 1950. Emile Delavenay témoigne que ses deux premières années à l’Unesco, 1950 et 1951, « furent très dures »[367]. De même, en novembre 1955, F. Cowell souligne dans une lettre confidentielle « la terrible pression de travail et le grand nombre de congés de maladie parmi le personnel »[368]. Mme Koffler confie que son mari, Sandy Koffler, travaillait en permanence dans la pression et le stress et faisait de nombreuses heures supplémentaires, rentrant souvent chez lui entre minuit et deux heures du matin, et que toute son équipe travaillait dans une hâte fébrile[369]. Dans son journal et sa correspondance, Alfred Métraux témoigne à plusieurs reprises que de nombreux chefs de service, de division ou de département travaillent tard le soir à l’Unesco et sont sous pression, et note que lui-même se sent « usé », moralement et physiquement, par son travail à l’Unesco. Métraux souffre de son « existence de rond-de-cuir »[370].
La lourde charge de travail qui pèse sur le personnel renforce ce sentiment de frustration. En 1950, Kenneth Holland, qui envoie au département d’état américain des rapports hebdomadaires sur l’activité de l’Unesco, note, d’après ses conversations avec divers membres américains du personnel (Fred Rex, Douglas Schneider, Steve Gebelt, Walter Laves), que l’atmosphère du secrétariat est dominée par la fatigue, la morosité et la désillusion, à cause du décalage entre la lourde charge de travail assumée par le personnel et l’absence de réels résultats. Holland observe avec alarmisme que les membres du secrétariat « ont travaillé et ont été sous pression pendant un tel nombre d’heures que leur santé est sérieusement menacée. […] De plus en plus de membres du secrétariat tombent malades et sont dans un état de fatigue extrême ». Il rapporte que le médecin de l’Unesco est très inquiet pour la santé de ce personnel surmené et stressé[371], et que l’Américain Steve Gebelt, de retour d’un congé maladie de trois mois, lui a confié être « très découragé à propos de l’état d’esprit moral du secrétariat, et pense[r] que des changements sont indispensables pour que l’organisation puisse faire de véritables progrès »[372]. De même, Walter Laves, directeur général adjoint pour l’administration, observant la fatigue et le découragement croissants du personnel, s’affirme inquiet pour l’avenir de l’Unesco[373]. Découragé lui-même, il démissionne en juin 1950. Cet état du personnel perdure au fil des années.
La frustration du personnel, liée à l’absence de résultats positifs concrets de leurs actions, à la routine, à l’impression d’inutilité, apparaît dès les premières années. Dès 1947, le journal de l’association du personnel de l’Unesco, Mercure, tourne en dérision, dans ses colonnes, le caractère buraucratique du travail[374]. En 1948, le comité d’experts observe que le personnel ne « s’identifie » pas assez avec le travail de l’Unesco, et qu’il règne chez lui « un sentiment d’anonymat » ; il préconise le développement d’un « sentiment d’unité » et une plus grande implication du personnel envers l’action de l’Unesco[375]. Torres Bodet rapporte qu’à l’époque où il était directeur général, « l’Unesco devait travailler avec un personnel qui se sentait en permanence frustré », car il travaillait dans une atmosphère d’irréalité, oeuvrant à des tâches dont les résultats concrets étaient impalpables[376]. Delavenay confirme cette observation, et témoigne que durant les premières années, « la plus grande instabilité pesait sur le moral du personnel ». Le système bureaucratique, lourd et rigide, contribue à la frustration de nombreux membres du personnel, qui ne parviennent pas à développer leurs qualités dans ce cadre strict[377].
Au « climat fébrile » et idéaliste des toutes premières années succèdent selon Delavenay des décennies de routine, à l’atmosphère « disciplinée » et morne[378]. Torres Bodet estime que dès 1948, une grande partie du personnel ressent une « incrédulité peinée » pour les idéaux de l’Unesco[379]. En 1950, selon un rapport confidentiel d’un diplomate britannique, le personnel de l’Unesco est désabusé et éprouve un « considérable mécontentement » à propos du caractère jugé illusoire de la mission de l’Unesco[380].
Dans les premières années, pendant les conférences générales, le personnel du siège qui ne participe pas aux conférences générales souffre d’être laissé à lui-même, désœuvré, « avec un sentiment d’amputation ». Selon le comité d’experts de 1948, ce personnel tomberait alors « inévitablement dans des mauvaises habitudes de travail, dont les effets se prolongent fréquemment », et se sentirait frustré de ne pas être tenu au courant du déroulement de la conférence générale[381]. À la conférence générale de 1950, Beeby exprime « la pression et la fréquente frustration de ces deux années difficiles » qu’il a passées à l’Unesco, « durant lesquelles il a commencé à se demander si son travail avait une quelconque valeur » ; Beeby affirme que « le sentiment de frustration [qu’il a ressenti] venait du fait qu’il essayait d’obtenir des résultats rapides avec des techniques inadéquates »[382].
Chez beaucoup, ce n’est pas la charge de travail en elle-même qui est décourageante, mais le sentiment que tous ces efforts ne servent à rien. Chez Alfred Métraux, cette conscience d’une activité vaine entraîne une véritable souffrance, qui va jusqu’au désespoir[383]. En février 1955, il note dans son journal : « Je travaille jusqu’à une heure à l’Unesco dans le désespoir et l’ennui. Gâcher sa vie à de si mornes et si futiles besognes… »[384]. Quelques mois plus tard, en septembre 1955, il écrit : « la lecture des documents de travail m’ennuie au possible. Je suis écoeuré de voir ces efforts systématiques pour créer l’esprit de groupe et l’exaltation du groupe, de la décision collective et la négation de l’individu »[385]. Les problèmes administratifs minent Métraux : « journée à catastrophe », « très mauvaise journée », « exécrable journée », « que de complications, quelle perte de temps ! », déplore-t-il dans son journal, souffrant de devoir rédiger les « pensums » qui lui sont « infligés »[386]. Plusieurs démissions (certaines reprises après) de membres de la Commission pour l’Histoire de l’Humanité (Lucien Febvre, Charles Morazé, Salvador de Madariaga) témoignent du caractère éprouvant de la tâche[387]. En 1958 Ritchie Calder souligne qu’au sein de la division des communications de masse le personnel est « frustré » et que « le moral est affligeant »[388].
La démoralisation provient aussi de la froideur de l’atmosphère générale. Gérard Bolla évoque l’anonymat, la solitude, qui touchent les fonctionnaires dans les années 1950 ; il mentionne les efforts déployés par le directeur général Evans « pour faciliter l’intégration au secrétariat des nouveaux »[389]. Cependant, malgré ses efforts, Evans ne parvient pas à inverser la tendance. Pour plusieurs membres du personnel, à l’instar de Prévost, le nouveau siège de l’Unesco, inauguré en 1957, est la matérialisation de ce système de plus en plus bureaucratique et impersonnel : constituant « un monde tout entier construit en fonction des spécialisations des insectes qui y travaillent, hommes et femmes dont on attendrait désormais un comportement de rouage », le nouveau siège incarne pour Prévost l’« aliénation » de son personnel[390]. Selon la délégation américaine, à une réunion d’experts à Bangkok en 1960, Tor Gjesdal, chef du département de l’information et des communications, était « dans un état de surexcitation proche de l’ivresse » à cause des enjeux politiques et de la pression[391]. Ce sentiment de malaise s’accentue pendant le mandat de Maheu.

L’accentuation du malaise du personnel sous Maheu.

Maheu, qui assure l’intérim, reconnaît que le travail à fournir est « écrasant »[392]. En 1962, à une séance privée du conseil exécutif, il exprime le souhait que soit mis en place un cabinet d’hommes compétents pour l’aider à assurer sa charge énorme, dans l’accomplissement de laquelle il dit se sentir « très seul »[393]. En 1963, divers témoignages soulignent sa fatigue extrême[394]. Jacques Havet, nommé directeur de cabinet de Maheu à partir de 1962, connaît lui aussi alors, comme en témoignent Nicolas Bodart et René Ochs, une « période difficile », « en grande partie en raison de son excès de conscience professionnelle, car il s’imposait la tâche impossible de traiter à fond tous les dossiers qui parvenaient sur son bureau. Il fut victime de l'extrême surmenage résultant d'horaires de travail épuisants, et demanda à René Maheu de reprendre sa liberté »[395].
Dans les années 1960, la dégradation du moral des membres du personnel est liée au manque d’autonomie et d’initiative personnelle, et au caractère routinier et morne du travail. Prévost relate qu’il a souffert, durant ces années, des rouages très lourds de l’administration, et de la nature du travail, souvent absurde et déshumanisé[396]. Anne Willings Grinda, évoquant ses premières années à l’Unesco, témoigne des « épreuves subies », et relate que, parmi le groupe de stagiaires dont elle était issue, chacun avait reçu une affectation « à l'opposé de ses vœux intimes », et que le poste à l’Unesco donnait à beaucoup « la sensation d'avoir été amputé de ses sept-huitièmes »[397]. E.R. évoque le travail mécanique et morne qu’il accomplissait : « entre le ramassage des documents et leur distribution, entre un travail statistique et le rangement de la bibliothèque d’un économiste de l’éducation, entre les rédactions des Features pour une publication de l’Unesco aujourd’hui disparue, les mois s’écoulaient, mornes, désolants »[398]. Plusieurs anciens fonctionnaires de l’Unesco partagent l’idée que, de la fin des années 1940 jusqu’aux années 1970, l’idéalisme et l’enthousiasme pour l’Unesco diminuent au sein du personnel[399].
L’Américain Harry Alpert, chef du département des sciences sociales à la fin des années 1960, souffre de la bureaucratie de l’Unesco[400]. L’évaluation critique du Projet expérimental mondial d’alphabétisation (PEMA) souligne la « frutration » du personnel du Siège chargé de l’exécution du PEMA, « pris entre l’administration et l’action », et le fait que « la hiérarchie rigide de l’Unesco empêchait nombre d’entre eux d’avoir une influence positive (ou même quelconque) sur la politique de l’organisation en matière d’alphabétisation »[401]. En mars 1963, Lucius Battle, secrétaire d’état américain adjoint pour les affaires culturelles, observe dans un discours au Sénat que travailler à l’Unesco est frustrant, bureaucratique et ennuyeux[402].
C’est en 1970 que le malaise du personnel s’exprime ouvertement. En effet, cette année-là, sous l’effet de tous ces facteurs, le découragement du personnel va croissant[403]. À l’image de Michael Huberman, jeune pédagogue américain, « entré à l’Unesco gavé d’idéal, comme plus d’un, à la lecture de la charte », et rapidement découragé par les conditions réelles de travail, une grande partie du personnel ressent un grand découragement, « choc en retour d’un enthousiasme déçu »[404]. Le rapport de la table ronde du personnel de 1970 estime que « les relations humaines à l’Unesco pourraient être meilleures qu’elles ne le sont », et que cela « est étroitement lié aux problèmes de gestion administrative ». Il souligne le sentiment d’« impuissance », d’« incompétence » de nombreux membres du personnel, qui « vivent dans la crainte perpétuelle de décisions arbitraires touchant les activités dont ils sont cependant responsables ». Le rapport observe que la centralisation du pouvoir et la « crainte paralysante des sanctions » aboutissent au « découragement de l’initiative », et met en lumière l’anonymat, l’absence de communication, comme une des raisons du découragement du personnel :
« Les relations humaines souffrent du fait qu’il n’y a pratiquement pas de consultations régulières au sein du Secrétariat. On a le sentiment que chacun va de son côté, que les choses ne résultent pas d’une prise de conscience collective et que tout, en dernière analyse, est décidé par un chef qui n’éprouve pas le besoin de rendre compte de ses actes à ses collègues ». « Parce que leurs chefs ne les informent pas, ne les consultent pas, ne les écoutent pas, un certain nombre de membres du Secrétariat se sentent exclus de toute participation à la vie de l’Unesco ». « L’isolement amène le fonctionnaire à s’enliser dans la routine, à sombrer dans le découragement. »[405]
Le même rapport observe un manque d’intérêt croissant du personnel pour les objectifs et les problèmes de l’Unesco dans son ensemble, et un véritable « défaitisme », par une sorte de réaction contre l’optimisme officiel de l’Unesco :
« On croirait que beaucoup des fonctionnaires de l’Unesco sont, dès le départ, convaincus que tout est perdu d’avance : on désespère de réformer l’administration, on désespère encore plus de réformer la nature humaine, on désespère de changer la mentalité des uns et des autres. Cela entraîne à la longue la perte de la foi dans les objectifs de l’Unesco, le doute sur le rôle moral que l’on pourrait y tenir, le scepticisme quant aux possibilités d’action de l’Organisation, et, en fin de compte, une propension au manque de conscience professionnelle […]. La déception naît, d’autre part, de la disproportion entre les objectifs nobles et grandioses proclamés par l’Unesco et la médiocrité des moyens dont elle dispose ainsi que les tracasseries administratives qui alourdissent l’appareil, retardant, compromettant parfois, le programme et décourageant les bonnes volontés de ceux qui, au début, étaient les plus enthousiastes. »[406]
On y lit encore que les « tracasseries administratives qui alourdissent l’appareil, retardant, compromettant parfois le programme, décourag[ent] les bonnes volontés de ceux qui, au début, étaient les plus enthousiastes »[407].
L’expression de ce malaise par les fonctionnaires suscite alors la curiosité de la presse et la préoccupation des États membres. Une journaliste de L’Express, interviewant en 1970 de manière confidentielle plusieurs fonctionnaires de l’Unesco, note leurs doléances :
« Notre rôle se borne à enregistrer des ordres. Nous n’avons pas le droit de donner notre avis. Une telle discipline se concevait lorsqu’il s’agissait de construire l’Organisation, mais aujourd’hui nous réclamons la libre discussion. »[408]
L’Express évoque « cet étrange mal de vivre dont souffrent les organismes internationaux. Créés pour le bien de tous les hommes, ils broient tous ceux qui s’y consacrent »[409]. La même année, l’ambassadeur des États-Unis à Paris, dans ses rapports confidentiels au département d’état, souligne lui aussi le caractère préoccupant du moral du personnel[410]. En 1971, Maheu, malade et affaibli, se retrouve lui-même au bord de l’effondrement. Ses deux assistants directeurs généraux sont comme lui surchargés de travail et moralement ébranlés[411]. En 1971, une émission de radio consacrée à l’Unesco sur la BBC évoque la frustration des fonctionnaires de l’Unesco[412].
Si, dans son discours devant le personnel à l’occasion de son départ à la retraite en 1974, Maheu s’affirme convaincu que l’esprit et le moral du personnel ont progressé au fil du temps[413], plusieurs fonctionnaires au contraire estiment que ce moral s’est plutôt dégradé, et que la confiance dans les idéaux de l’Unesco s’est perdue[414]. Cette idée est véhiculée par plusieurs penseurs, tel Jean-Pierre Lycops, qui, en 1975, dénonce le « taux élevé de névroses et de dépressions nerveuses observé à l’Unesco », dues selon lui au « bureaucratisme oppressif » de l’organisation[415]. De 1974 à nos jours, l’évolution ne semble pas s’être inversée, comme en témoigne la démission de Michel Prévost en 1993, découragé devant les « rigidités » de « l’appareil administratif », qui ont selon lui « amené une poussée exagérée des aspects bureaucratiques du travail, une dilution des responsabilités, et un déclin des échanges intellectuels au sein du Secrétariat »[416].
Pourtant, une partie du personnel reste tout au long de la période très investie dans son travail. A la réunion d’experts de l’éducation secondaire dans les États arabes (Tunis, 1962), la délégation américaine juge que « le personnel de l’Unesco était sincère, travailleur, et faisant un travail à l’importance duquel il croit »[417]. Par ailleurs, Delavenay évoque le travail de « véritable bénédictin » de l’Américain John Barnes, qui accumule à longueur d’année les fiches de l’Index Translationum, avec une grande « minutie »[418]. Plusieurs fonctionnaires auraient souhaité continuer à travailler à l’Unesco après l’âge limite de soixante ans, et plusieurs continuent après cet âge à effectuer des missions pour l’Unesco. C’est le cas par exemple de Jean Thomas[419], de Maurice Dartigue[420], de Michel Batisse[421]. Ces éléments apportent quelques nuances au découragement du personnel.
Ainsi, d’une manière générale, désillusion, frustration, découragement, sont le lot d’une grande partie du personnel du siège. Il faut faire une place à part au personnel hors-siège, dont les conditions de vie et de travail offrent peu de points communs avec ceux du personnel du siège.

Les problèmes spécifiques du personnel hors-siège.

Le décalage entre la mission théorique du personnel envoyé sur le terrain et la situation à laquelle il est réellement confronté sur place, ainsi que ses conditions de vie souvent rudes, s’avèrent extrêmement déstabilisants pour cette catégorie de personnel, chez qui l’optimisme et la motivation initiales cèdent souvent la place à une amère désillusion. Les nombreux témoignages sur le sujet concordent[422]. Le fait que le système de roulement, qui a été envisagé à plusieurs reprises tout au long de la période, entre le personnel du siège et celui du terrain n’ait pas été mis en place, a accentué le décalage entre siège et terrain, et donc la frustration du personnel hors-siège[423].
En 1948-49, Alfred Métraux, en mission dans la région misérable de Marbial en Haïti, où il assiste impuissant à l’échec du projet pilote de l’Unesco sur fond de grave famine des habitants, exprime dans son journal ainsi que dans ses lettres à son ami Pierre Verger son intense désespoir :
« Ma vie ici s’est figée à un tel point que je n’ai plus la notion du temps. […] Le projet de Marbial végète et prend un caractère de plus en plus sordide. Les paysans crèvent de faim plus encore que l’année dernière. […] Tout prend donc l’allure d’une farce et d’une mystification qui commencent sérieusement à m’ennuyer d’autant plus que les mois passent et qu’il n’est pas question de mon retour en France. Cette année est sans doute la dernière que je passe à l’Unesco car j’ignore si je suis d’humeur à vivre ainsi dans l’irréalité d’un univers dont rapports et conférences font la seule substance. […] Il est possible que je sente les effets d’une malaria larvée, mais il m’est rarement arrivé d’éprouver un détachement aussi absolu et un sentiment aussi complet d’éloignement vis-à-vis de toutes choses. […] Ma plus grande joie est de rester seul dans ma petite chambre de Marbial et de regarder tomber la pluie. »[424]
Il éprouve le même sentiment d’ennui, d’inutilité, lors de sa mission dans le cadre du projet indien-andin :
4 décembre 1953 : « Je me sens comme paralysé et très déprimé. » 19 décembre 1953 : « je me sens envahi par un sentiment d’isolement et d’ennui ; c’est une sorte de paralysie qui s’empare de toutes mes facultés. » 26 décembre 1953 : « Journée désespérément calme. L’ennui s’empare de moi comme une maladie, et me paralyse. »[425]
Ce sentiment n’est pas uniquement propre à Alfred Métraux. En avril 1951, Conrad J. Opper, chef du projet de Marbial, ne tient pas le coup longtemps et demande à être relevé de cette fonction ; il écrit à Bowers : « j’espère qu’un jour je serai capable à nouveau de devenir un Unescain »[426]. Les agents sur le terrain, souvent initialement motivés, se découragent rapidement ; leur découragement, leur rancœur, leur paranoïa[427], sont très fréquents, et ce d’autant plus qu’ils sont isolés dans des conditions matérielles difficiles et que les communications avec le siège sont distendues. Cela apparaît dans l’évolution du ton de leurs lettres, et dans la fréquence de leur déclaration d’intention de démissionner[428].
Au début des années 1950, l’ONU observe que les conditions de travail des experts de l’Unesco sur le terrain sont souvent matériellement et moralement difficiles voire désespérées étant donné le manque de coopération du gouvernement, l’isolement, et l’impuissance à faire œuvre utile dans des situations bloquées[429].
Un problème important est la très rapide rotation des chefs de mission et des chefs de projet sur le terrain, à cause des conditions difficiles. Ainsi, sur le projet d’éducation de base du Liberia, en très peu de temps, trois chefs se succèdent : le Britannique Rankin, l’Américain Jablow[430], puis l’Indien D. Sadasivi Reddi[431]. Après le départ de ce dernier, l’Unesco a du mal à lui trouver un remplaçant[432]. De même, le projet de Viani en Colombie connaît plusieurs changements de direction[433].
En 1957, l’expert de l’Unesco Hollinstead observe que les conditions de travail sur l’expérience témoin du Liberia sont « difficiles ». « Il faut une personnalité hors du commun pour réussir ici et je ne suis pas surpris que certains de nos agents en mission aient de grandes difficultés »[434].
Les experts sont souvent découragés par des conditions de travail difficiles. Celles que subit E. Corner sur le terrain à Manaus au Brésil dans le cadre du projet de l’Institut international de l’hylée amazonienne (IIHA) sont emblématiques. Elles sont dues d’une part à l’hostilité des Brésiliens, qui ont le sentiment que l’Unesco parachute des Occidentaux de manière condescendante[435] ; d’autre part aux conditions matérielles très précaires, et à la coordination non satisfaisante avec le siège ; ainsi les nombreuses lettres adressées par Corner au siège se font, entre 1947 et 1948, de plus en plus découragées. Il est tout seul au bureau de l’Unesco, au musée national de Rio, avec son assistante, Heloïsa Torres. Tous deux sont débordés de travail[436]. « Qui ne serait pas de mauvais humeur, parachuté tout seul dans ces étranges contrées ? », déplore Corner, découragé de voir que « ce projet est terriblement lointain de l’intérêt et de l’appréciation de la plupart des personnes à l’Unesco »[437], déplorant le « singulier silence » du siège de l’Unesco au sujet de l’IIHA, et se disant « découragé sur la probabilité de recevoir une aide quelconque de l’Unesco »[438]. En octobre 1948, Corner observe que la situation « s’est détériorée si complètement que j’ai été pratiquement sans aucune nouvelle et sans documents de l’Unesco depuis juin. Je n’ai jamais été aussi isolé »[439]. Fin octobre 1948, Corner est de plus en plus pessimiste et découragé.[440] Il exprime à Auger son indignation, jugeant sa situation « ridicule », étant donné qu’il est censé à lui seul « entreprendre la tâche gigantesque de mettre en place un secrétariat » ; il déplore aussi que lorsqu’il est venu en mai-juin 1948 à Paris pour discuter de l’IIHA avec les fonctionnaires, « personne à l’Unesco n’était prêt à [l]’aider »[441]. En novembre 1948, Celia Neves, secrétaire exécutive adjointe de la commission intérimaire de l’IIHA, écrit à Huxley, lui confiant la situation morale dramatique dans laquelle se trouve Corner, accablé par un travail écrasant et par des difficultés insurmontables[442]. En novembre 1948, Corner exprime sa lassitude et son désespoir à Auger, et sa volonté de démissionner :
« Je ne puis obtenir aucune aide. Les gens qui veulent travailler pour l’Unesco à Paris ne voudront jamais aller travailler dans la région amazonienne. [...] Je suis trop fatigué pour continuer cette tâche, et la seule façon de montrer qu’il y a des limites à l’endurance humaine est de démissionner. Pourquoi devrais-je perdre ma vie de famille pour travailler comme diplomate de troisième rang et chargé aussi des tâches de comptable et de secrétaire, alors que je pourrais rejoindre ma famille en Angleterre et continuer mon véritable travail à l’université ? Le projet de l’hylée amazonienne a changé tellement depuis qu’on m’a demandé pour la première fois d’y participer que je ne peux pas le reconnaître. […] Je suis étonné que l’Unesco n’ait pas compris qu’il n’est pas possible de créer et de faire fonctionner en trois langues un secrétariat international par un seul fonctionnaire, en particulier à Manaus. Mais l’Unesco ne semble pas prêter attention aux questions pratiques. Si vous vous référez à mes lettres, en particulier cette année, vous verrez que j’ai essayé sans arrêt de résoudre ces difficultés pratiques. Il est trop tard maintenant, et je m’en vais. »[443]
Au Siège, l’état psychologique de Corner est considéré comme pathologique, et n’entraîne pas de remise en cause de la gestion des projets de terrain par l’Unesco : la seule chose qui préoccupe l’Unesco, comme l’écrit Frank Malina à Auger, est que l’« état de panique » de Corner risque de « nuire beaucoup au prestige de l’Unesco au Brésil »[444].
Il en va de même dans le projet de Marbial, où le turn-over des chefs de mission sur place est rapide, à cause des conditions très ingrates : Métraux, Ballesteros, Bonhomme, Opper, Gabriel, Jaume, Hartlig, sept personnes se succèdent entre 1947 et 1953[445]. Lorsque l’un s’en va, l’Unesco a du mal à lui trouver un successeur[446]. Cela l’amène à recruter des gens incompétents pour diriger le projet, comme l’Espagnol Ballesteros, qui ne parvient pas à imposer son autorité sur le projet, et est victime de l’animosité fanatique du missionnaire protestant Bonhomme ; moralement détruit par les difficultés pratiques, Ballesteros capitule, laissant le projet à la dérive[447] ; le Britannique Opper qui lui succède, initialement enthousiaste, est rapidement complètement découragé et désireux de démissionner[448] ; il est remplacé par le Haïtien Gabriel, qui n’a pas les compétences nécessaires, et sous la direction duquel les conflits s’attisent et le projet n’avance pas, de même que sous la direction de son successeur Jaume[449]. L’ensemble du personnel qui participe à ce projet sur le terrain est moralement éprouvé[450] ; le manque d’eau potable, les mauvaises conditions sanitaires, la route Jacmel-Marbial fréquemment impraticable, l’absence de confort, l’alimentation déficiente, y contribuent[451]. De même, de nombreuses lettres dans le cadre du projet majeur d’Amérique latine témoignent du caractère très ingrat de la condition d’expert (solitude, mauvaises conditions matérielles, nécessité d’adaptation, caractère temporaire, difficultés dans les relations avec les gouvernements et le personnel local)[452]. Un autre problème est la tendance du personnel sur le terrain à mener un train de vie colonial[453]. La corruption et les détournements de fonds se développent dans l’utilisation par le personnel des fonds versés par l’Unesco[454].
En outre, la condition d’expert sur le terrain est dangereuse. Roger Bordage, soulignant tous les imprévus voire les dangers qui surgissent lors de ces missions, observe que « la vie d’alors sur le terrain dans le cadre de l’assistance technique exigeait un esprit de pionnier et une foi bien ancrée dans l’œuvre de l’Unesco »[455]. Les dangers de la vie d’expert sur le terrain sont réels. Ainsi, en avril 1960, un expert français de l’Unesco, Paul Chabert, est « sauvagement assassiné » à Ritaville au Vietnam, poignardé dans la nuit par un groupe de laotiens antiaméricains appartenant aux « Pathet Lao »[456].
L’Unesco parachute souvent de nombreux agents occidentaux sur le terrain sans aucune préparation ni connaissance du contexte. Roger Bordage évoque sa mission à Mysore en 1953-1954, et souligne l’insuffisance de la préparation fournie avant son départ par les fonctionnaires du siège : les consignes données par Adiseshiah ainsi que le stage de préparation de deux semaines se révèlent inappropriés pour l’aider à faire face aux « difficultés d’adaptation de tous ordres, tant dans la vie professionnelle que quotidienne » qu’il éprouve[457]. Roger Bordage, qui a enchaîné les missions sur le terrain durant les années 1950 et 1960, souligne les « vicissitudes » de ce travail, la « frustration » qu’entraînait la confrontation quotidienne avec les « réalités et l’énormité des problèmes dans les pays dits du Tiers Monde », et « l’impossibilité de trouver des solutions viables »[458]. Pierre Maes, envoyé en 1958 au Soudan comme expert en statistiques scolaires pour une mission de six mois, souligne comme Bordage le caractère « succinct » et inadapté du « briefing de départ », consistant en une seule journée d’entrevues avec des hauts fonctionnaires, qui lui prodiguent « des recommandations très générales ». Il déplore aussi le vague de sa mission telle qu’elle est exposée dans la « description de poste ». Maes évoque d’une part « les excellents rapports, rapidement amicaux » noués avec les autres experts de l’Unesco et des autres agences spécialisées présents sur place, et d’autre part les difficultés relationnelles avec son homologue local, qu’il est censé former, et qui ne se montre pas du tout coopératif, ainsi qu’avec le résident représentant de l’ONU à Khartoum, corrompu et fumiste[459]. En 1957, les techniciens de l’Unesco qui arrivent au Pérou attendent souvent des mois avant de savoir à qui ils doivent faire des rapports et où ils doivent s’établir[460]. Au cours des années, l’Unesco s’efforce d’améliorer la préparation des experts qu’elle envoie sur le terrain. Ainsi, Francis Bebey, de la division des techniques d’information, évoque en novembre 1962 une réunion organisée au département de l’éducation, « pour donner aux experts qui vont partir en Côte d’Ivoire un échange de vues avec les membres du personnel au siège ». « Il s’agissait, comme prévu, d’une discussion à bâtons rompus, au cours de laquelle les experts, qui ne connaissent pas le pays qu’ils vont visiter, ont pu prendre note des problèmes de détail qu’ils vont rencontrer »[461]. Mariella Tabellini, envoyée au Cambodge de 1956 à 1960 pour y développer un projet d’assistance technique en éducation de base, insiste sur la dureté des conditions matérielles, évoquant le caractère « éprouvant » de sa mission, les « déboires causés par les difficiles conditions matérielles de vie et de travail » : « je dormais dans une paillote avec un lit de camp, des tabourets et une grande jarre d'eau qui attirait un serpent »[462].
La difficulté des conditions matérielles de vie sur le terrain est cependant à relativiser. En effet, la situation est très variable selon les postes. Comme l’observe Prévost, le personnel hors-siège jouit souvent de conditions de vie extrêmement confortables, d’un train de vie « colonial », de « satrapes », « avec leurs privilèges diplomatiques et leurs voitures à fanions »[463].
La lenteur de la progression des actions ajoute au caractère déprimant de la condition d’agent sur le terrain. Ainsi, en septembre 1962, l’expert Henri Vignes, en Côte d’Ivoire, écrit dans son rapport confidentiel que les choses avancent « tout doucement », très lentement, avec des pertes de temps. « Mes beaux projets traînent et il me faut dépenser des trésors de patience et de diplomatie pour les maintenir en état de survie. Tout pousse et se défait très vite dans ce pays tropical de grande végétation et de pourriture rapide »[464]. En novembre 1962, il déplore que le travail avance « encore à un régime qu’[il] estime ralenti »[465].
La liaison entre le siège et le terrain est souvent insuffisante. En mai 1948, Métraux, de Marbial, se plaint que le siège de l’Unesco ne comprend pas les problèmes concrets qui se posent sur le terrain[466]. Un des éléments qui contribuent à miner le projet de Marbial est la lenteur des communications entre le siège et le terrain, l’incompréhension du siège pour les problèmes qui se posent, son indifférence, l’absence de réponse aux lettres par le siège, etc.[467]
La coopération et la liaison entre fonctionnaires du siège et équipes sur le terrain sont souvent insuffisantes, lacunaires. Elles existent dans certains cas comme dans le projet du Liberia, où Lestage, fonctionnaire du siège, s’efforce de superviser avec sérieux ce projet ; il va lui-même une fois sur place, à Klay, se rendre compte de la situation[468]. Mais bien souvent, cette liaison est déficiente, les fonctionnaires du siège négligent de répondre aux demandes du terrain. Ainsi, en novembre 1951, le conseiller technique de l’Unesco en Colombie, Dr. Porta, écrit à Hughes, lui rappelant qu’il a demandé au Siège de l’Unesco l’aide de trois experts d’assistance technique afin de mener à bien le projet de Viani, mais que cette demande n’a pas reçu de réponse. Il conclut que dans ces conditions, il ne voit pas comment la réalisation d’un projet associé serait possible à Viani. Il déclare : « Je dois vous dire que la situation se présente particulièrement difficile » à Viani[469]. L’écart entre une lettre du terrain au siège et sa réponse est souvent de trois à quatre mois[470]. Des déformations des informations se produisent fréquemment entre les agents sur le terrain et les plus hauts fonctionnaires du Siège, à cause des nombreux intermédiaires hiérarchiques. Ainsi, la correspondance entre Patricio Sanchez, nommé consultant de l’Unesco pour le projet de Viani, et les fonctionnaires du département de l’éducation au siège, est intéressante car elle révèle des décalages dans la perception de la situation entre le siège et le terrain[471]. Par ailleurs, au siège, la transmission des informations au sein de la hiérarchie ne se fait pas de manière très objective. Ainsi, Bowers, qui reçoit les rapports de terrain de Sanchez, est chargé de résumer la situation à l’assistant directeur-général (ADG). Or Bowers, fervent adepte des projets d’éducation de base, dissimule à l’ADG le scepticisme de Sanchez et les graves difficultés du projet, que celui-ci lui transmet. Il présente au contraire une vision très positive du projet. Ainsi, en avril 1949, il écrit à l’ADG que Sanchez envoie des « rapports excellents », qu’il accomplit « un travail de première classe à Viani », et que le projet est désormais bien lancé[472]. Ainsi, la structure hiérarchique et verticale de l’Unesco, avec de nombreux rapports successifs du bas vers le haut, favorise la déformation des informations, et empêche que les hauts fonctionnaires de l’Unesco aient une image réaliste du déroulement des programmes sur le terrain. Par ailleurs, les informations reçues par l’Unesco sur le déroulement des projets sont souvent lacunaires et peu objectives puisque l’unique interlocuteur de l’Unesco est le responsable du projet sur place, qui a intérêt pour sa carrière à présenter le projet sous un jour positif.
Souvent, le matériel nécessaire pour la réalisation des séminaires de l’Unesco sur le terrain n’est pas fourni à temps par le siège, ou fourni de manière incomplète, ce qui compromet leur réussite. C’est le cas par exemple pour un séminaire de l’Unesco sur « l’éducation de la jeunesse pour vivre dans une communauté mondiale », organisé à Burma en octobre 1952, pour lequel le matériel envoyé d’Europe ne parvient pas à temps[473].
Les fonctionnaires du siège ont, pour certains d’entre eux, conscience de ne pas avoir une vision juste, objective, des problèmes du terrain. Ainsi, en 1956, Leo Fernig, dans sa correspondance avec le directeur de l’UNRWA, affirme avoir conscience qu’il est loin du lieu des événements et qu’il n’a donc peut-être pas une perception juste de la situation, il affirme donc émettre ses commentaires avec précautions[474]. En 1959, Ruth Froyland-Nielsen préconise que le personnel du siège visite de temps en temps les experts : cela les aiderait à mieux se rendre compte de la situation sur le terrain[475].
Esther Dartigue évoque la « très volumineuse correspondance » entre le siège et le terrain à laquelle a donné lieu le projet majeur d’Amérique latine, conduite du côté du siège par son mari Maurice Dartigue ; elle déclare qu’« il y avait de nombreux malentendus et un peu de négligence ». Pour réduire les malentendus, Dartigue se rend lui-même sur place, à Rubio, en novembre 1957[476]. Adiseshiah va lui aussi sur le terrain en Amérique latine inspecter le projet, en octobre 1957.
Malgré les efforts des fonctionnaires du siège pour comprendre les problèmes du terrain, souvent ils n’y parviennent pas et ont une vision trop optimiste de la situation. En outre, de fréquents malentendus se produisent entre les uns et les autres. Ainsi, en septembre 1965, l’expert Jean Meyer, en Côte d’Ivoire, écrit à Cassirer et s’efforce de dissiper les malentendus qui règnent entre eux :
« La lecture de votre lettre m’incite à penser que vous n’avez pas eu connaissance de la description du poste qui a été établi à Abidjan concernant la mission de cet expert demandé. [… Par ailleurs,] je crains de ne pas m’être exprimé clairement. Vous me demandez de vous envoyer copie du « programme enregistré ». Rien de tel n’a encore été fait. »[477]
Meyer réclame l’arrivée du sociologue spécialiste de l’Afrique que l’Unesco a promis depuis longtemps et n’a toujours pas envoyé. Cassirer a du mal à comprendre les problèmes de terrain en Côte d’Ivoire, que lui expose Meyer ; il a une vision décalée, et tend à lui reprocher les échecs du projet, que celui-ci lui expose. Cependant, il finit aussi par comprendre les problèmes que lui expose Meyer, et accepte sa franchise : ainsi, en juillet 1965, il lui répond : « Je viens de lire avec beaucoup d’intérêt votre deuxième rapport semestriel du 23 juillet 1965. Vous nous informez avec toute franchise non seulement des réussites mais aussi des échecs (espérons temporaires) de votre mission »[478].
Esther Dartigue observe que, dans l’opération Unescongo (1961), des problèmes de communication et des « malentendus » se posent entre le terrain et le siège, « car celui-ci prenait des décisions sans prévenir celui-là », et il y avait des « différences de points de vue entre le siège et l’équipe sur place, ce qui donnait parfois lieu à des revirements »[479].
Ce n’est pas forcément dans des endroits très lointains que la liaison est mauvaise entre siège et terrain. Ainsi, il y a une mauvaise liaison entre l’institut de Cologne et le secrétariat, une mauvaise communication, des désaccords, d’où beaucoup de problèmes ; Kellermann observe de la part du secrétariat des fluctuations et incertitudes sur la façon de gérer cet institut[480]. En 1959, il est envisagé que les agents des trois Instituts Unesco en RFA deviennent fonctionnaires de l’Unesco, afin de pallier aux problèmes qui les affectent[481].
Le personnel du terrain souffre aussi d’une mauvaise ambiance. En 1954, Métraux témoigne des dissensions entre exécutants du projet indien-andin sur le terrain[482]. En 1957, B. Rudramoorthy, envoyé sur le terrain au Liberia, écrit à Bowers que les premières semaines qu’il a passées là ont été « vraiment déprimantes », notamment parce qu’il était « exposé aux commentaires décourageants des étrangers qui travaillent ici »[483]. En 1956, Boleslaw Leitberger, directeur des activités Unesco au Liberia, souffre de ses mauvaises relations avec les Libériens[484].
Il y a en outre des problèmes de rivalités entre personnes sur le terrain, et des problèmes de personnes. Ainsi, en 1957, Lestage, au retour d’une mission à Klay, observe :
« Ce bureau, organisme de l’instruction publique, est dirigé par M. Bai Moore. M. Bai Moore est extrêmement intelligent et pourrait être employé comme expert en éducation de base n’importe où. Il a néanmoins été écarté de Klay car il était trop clair que Miss Bryant et lui ne pouvaient collaborer au centre. C’eût été le choc de deux personnalités également fortes et jouissant toutes deux d’appuis politiques considérables. » [485]
Dans certains cas, l’entente est bonne entre les experts Unesco sur le terrain, qui forment un groupe soudé[486]. Elle peut être bonne aussi entre les participants à la rédaction d’un ouvrage collectif ; c’est le cas pour Tendances principales de la recherche dans les sciences sociales et humaines, grâce aux efforts vigilants du département des sciences sociales[487]. Mais bien souvent, des dissensions surgissent. D’importants rivalités et dissensions entre les membres du personnel à Marbial contribuent à l’échec du projet[488].
Des dissensions apparaissent entre les membres de la Commission pour l’Histoire de l’Humanité. Si, à sa première réunion en 1950, selon le rapport officiel, l’atmosphère est « de cordiale collaboration », et exprime « une sorte de fraternité intellectuelle »[489], ces relations se dégradent rapidement et de vives tensions internes apparaissent entre eux[490] ; de même, des dissensions divisent les collaborateurs au projet de dictionnaire terminologique multilingue de sciences sociales des années 1950 aux années 1970, contribuant à l’échec de ce projet[491]. Il s’en développe aussi entre les membres du personnel affecté à la campagne de Nubie, ce dont se plaint Louis Christophe au début des années 1960, déplorant les intrigues, mesquineries, pressions, rivalités, conflits de compétence, entre le personnel[492]. De même entre les participants au projet majeur d’Amérique latine, souvent en lien avec des problèmes de communication[493]. Des relations conflictuelles existent également entre les experts du comité du patrimoine mondial[494].
L’Unesco s’efforce de développer une circulation d’experts entre les projets, notamment l’envoi d’experts du Tiers Monde, formés au cours d’un projet de l’Unesco, dans une autre région du Tiers Monde, pour promouvoir la collaboration entre ses pays : ainsi, le Haïtien Gabriel, employé sur le projet de Marbial, est ensuite employé sur le projet de l’IIHA avec Alfred Métraux. Bai Moore et Miss Bryant, qui travaillent sur l’expérience témoin du Liberia, sont d’anciens boursiers de Mysore[495]. En 1952, le Français Roger Garraud, qui a été professeur de français treize ans en Egypte, puis a dirigé l’opération UNRWA-Unesco, est envoyé sur le projet de Marbial[496]. Yvonne Oddon, qui a travaillé sur le projet de Marbial, est ensuite pressentie pour diriger la bibliothèque pilote de Delhi en 1950[497]. Ella Griffin, employée au projet de Marbial, va en mission à la bibliothèque pilote de Delhi en 1951[498]. En 1953, Métraux envoie l’anthopologue haïtienne Jeanne Sylvain, qu’il a connue sur le même projet de Marbial, faire une enquête anthropologique pour l’Unesco en Bolivie, dans le cadre du projet indien-andin[499]. Au cours du projet pilote All India Radio en Inde, Cassirer recrute un Indien, Raam Marathey, spécialiste de la radio, et l’envoie ensuite en Afrique comme expert de l’Unesco en radio rurale, afin de « promouvoir la coopération et l’échange d’expériences entre pays du Tiers Monde »[500]. Henri Vignes, expert de l’Unesco, ancien instituteur, devenu journaliste de radio de la presse écrite pendant la Seconde guerre mondiale, puis chef d’un service culturel de la radiodiffusion française, suit un stage de perfectionnement au Centre régional d’éducation de base pour l’Amérique latine (Crefal), puis l’Unesco l’envoie en Rhodésie, au Ghana et au Mexique étudier diverses expériences d’utilisation de la radio et du cinéma à des fins éducatives, puis en Côte d’Ivoire en 1962[501].

On observe une persistance et même une aggravation de ces problèmes dans les années 1960-70. En décembre 1960, Diez Hochleitner écrit : « Plusieurs délégations [des pays d’Amérique latine] se plaignent que, dans les dernières années, leurs pays n’ont pas reçu de visites des membres du secrétariat, tout au moins du rang de directeur de département »[502]. Esther Dartigue observe que dans les années 1960 les résultats du travail sur le terrain « étaient parfois décevants, les experts choisis n’ayant pas toujours le niveau souhaité ou les gouvernements ne tenant pas toujours leurs promesses »[503]. En 1965, Mary Smieton, membre britannique du conseil exécutif, va en Afrique de l’ouest, observer le déroulement et les résultats des projets qu’y mène l’Unesco[504]. Dans son rapport sur sa visite au Maroc, Nigeria, Cameroun et Ghana, elle affirme : « Visiter le travail mené sur le terrain donne une impression de l’Unesco très différente de celle qu’on peut obtenir à Paris, surtout si comme moi l’on n’est pas familier du genre de conditions dans lesquelles ce travail est mené ». Mary Smieton visite des écoles, collèges, universités, classes d’adultes, instituts techniques, centres communautaires, collèges agricoles, ministères, stations de télévision, bibliothèques, musées… et parle avec les chefs de mission et les experts des agences spécialisées, et avec les représentants-résidents de l’ONU. Elle dit avoir été dans l’ensemble « favorablement impressionnée par la qualité des experts de l’Unesco et de l’ONU ; de leur dévouement pour leur travail ; de la valeur du travail qu’ils mènent ; de leurs bonnes relations avec les institutions gouvernementales dans lesquelles ils travaillent et de la considération que reçoit leur travail » ; mais elle est frappée de l’éloignement d’avec le siège dont ils souffrent, du mauvais fonctionnement des communications entre le terrain et le siège : « ils ne peuvent pas compter sur un soutien ni sur des réponses rapides, ni d’ailleurs sur des réponses tout court de la part du siège de l’Unesco, et souvent même pas sur une reconnaissance ». Elle observe la frustration de ce personnel du terrain, qui souhaiterait recevoir plus de visites de la part des fonctionnaires du siège, être plus écouté et compris par eux, alors que ceux-ci, lorsqu’ils viennent sur le terrain, passent la plupart de leur temps avec les représentants du gouvernement . Elle observe que si le chef de mission de l’Unesco au Nigéria est très efficace, en revanche, ce n’est pas le cas au Cameroun où il est « court-circuité » par le gouvernement et est laissé tout seul sans soutien, sans conseils, de la part de l’Unesco. Elle note que ce personnel de terrain a été très content, et très surpris, qu’un membre du conseil exécutif prenne la peine de leur rendre visite. Elle observe que les conditions de travail de ces agents sont tellement difficiles qu’ils prennent très fréquemment des congés de maladie ; « ce n’est pas seulement une question de climat mais des frustrations qu’ils vivent chaque jour. Ils sont contraints de supporter l’inefficacité et la corruption d’une administration dont ils sont complètement dépendants pour faire leur travail ; de maintenir sans arrêt un difficile équilibre entre leur intégrité professionnelle en tant qu’experts de l’Unesco et leurs devoirs envers le gouvernement pour le compte duquel ils travaillent » ; de plus leurs conditions de vie matérielles sont précaires et angoissantes (problèmes sanitaires, absence d’endroit convivial) et ils sont inquiets pour leur avenir puisque leurs contrats sont de courte durée. Elle souligne qu’« il y a des gens très bons qui travaillent sur le terrain », et qu’« ils travaillent très dur et avec dévouement »[505].
Dans les années 1960, alors que l’action opérationnelle se développe très rapidement, et qu’il y a bientôt autant de membres du personnel hors siège qu’au siège, les conditions de vie et de travail du personnel hors siège ne s’améliorent pas. Prévost, envoyé en Malaisie dans les années 1960, évoque les « problèmes inconnus au siège » auxquels se heurte le personnel hors-siège : « conditions climatiques, difficulté à se reposer réellement dans le pays où l’on travaillait, retards dans l’édification des locaux où installer les projets, dans la livraison des équipements, la nomination du personnel de contrepartie ». Il mentionne les fréquentes rivalités et animosités qui se développent dans ces milieux clos, entraînant « le cortège classique de lettres de dénonciations ou de calomnie, parfois anonymes, de notes vengeresses », et il déplore les « interventions maladroites » des agents du siège, inappropriées « parce que décidées à distance, et sur la base de simples rapports, parfois tendancieux ». Il évoque comme Pierre Maes les problèmes de corruption, difficiles à maîtriser étant donné l’éloignement d’avec le siège[506]. Philippe Roux, chef de mission en Afrique centrale dans les années 1960, souligne lui aussi la « difficulté » des conditions de travail et de vie[507].
Dans les années 1960-70, le découragement des experts sur le terrain, loin de s’atténuer, semble au contraire s’aggraver. L’expert Vignes, envoyé en Côte d’Ivoire par l’Unesco en 1962-63, bien que très optimiste et motivé au départ, se sent de plus en plus découragé par les blocages au fil du temps. Il exprime son découragement croissant dans ses lettres et rapport successifs[508]. En mars 1963, Vignes écrit au siège : « je dois reconnaître que je me sens un peu « usé », à la fois par le climat géographique et par le climat moral. Bon nombre de nos collègues de l’Unesco, de la FAO, ressentent la même usure »[509]. En mars 1963, l’expert Andriantsilaniarivo fait savoir à l’Unesco qu’il ne souhaite pas prolonger sa mission en Côte d’Ivoire, et observe que plusieurs experts de l’Unesco présents en Côte d’Ivoire ne parviennent pas à faire du bon travail ; ainsi, l’expert Ribeaucourt « est plein de bonne volonté, mais n’arrivant pas à savoir avec précision ce que l’on attend de lui, il tâtonne et ne produit pas grand chose de constructif. On l’emploie à de petits travaux qui ne justifient en rien la nécessité d’un expert de l’Unesco. » ; « on ne sait comment utiliser ses services ». Il note que l’expert Humbert « a eu, lui aussi, beaucoup de difficultés »[510].
Étant donné le caractère difficile et ingrat du travail sur le terrain, et la marginalisation et l’isolement que ces postes entraînent, ceux-ci sont peu convoités par le personnel, ce que Prévost évoque ainsi :
« Peu de mes collègues étaient prêts à tenter l’aventure […car] loin des collègues les plus influents, loin du bureau du personnel, on est rapidement atteint par l’oubli. […] Quand on revient, mieux vaut ne pas compter voir votre effort reconnu. […] Partir hors siège, c’est presque certainement renoncer à toute nouvelle affectation au siège, où candidats extérieurs, et membres du personnel au siège seront à chaque fois mieux placés que vous ; c’est même courir le rique de ne plus jamais pouvoir changer de poste. »
Prévost observe que « dans beaucoup de cas, l’envoi sur le terrain était un exil », une sanction, et il déplore la « rigidité » du système, qui entraîne une nette séparation entre le personnel au siège et le personnel sur le terrain[511]. La décision de Maheu en 1970 de supprimer les postes de chef de mission sur le terrain ajoute encore au découragement et à la démoralisation de ce personnel, qui se retrouve tout-à-coup dessaisi de ses responsabilités[512].
La table ronde du personnel de 1970 prend en compte la « souffrance » des agents hors siège, dont les « appels et protestations sont étouffés par le temps et la distance qui les séparent de Paris »[513]. Toutefois, dans les années suivantes, la situation du personnel hors-siège ne s’améliore pas davantage. En 1974, dans son discours d’adieu, Maheu rend hommage au personnel sur le terrain, reconnaissant le caractère ingrat de ses conditions de travail :
« Tous ceux qui sont au service de l’Unesco sur le terrain, que nous ne connaissons pas d’ailleurs tous suffisamment bien, pas plus qu’ils ne nous comprennent suffisamment correctement, mais qui sont […] aux premières lignes de l’effort de l’organisation. »[514]
Pierre Cahen, en poste à Monrovia au Liberia en 1975, témoigne de la persistance des mêmes difficultés au fil des années, notamment des difficultés de communication avec le siège et de coopération avec le personnel local :
« La description de mon poste de comptable comprenait la formation d'un homologue africain. En fait, je dus en former trois (l’un démissionna, l'autre mourut). Ce ne fut pas chose facile pour plusieurs raisons : normes spécifiques à la Banque Mondiale, formation comptable différente de la française (plan comptable complètement différent de celui utilisé en France) ». De plus, « je souffris du sentiment de me sentir étranger aux populations locales avec lesquelles je travaillais quotidiennement, malgré l’ardent désir de m’assimiler. »[515]
Dans une émission de radio consacrée à l’Unesco en 1971 sur la BBC, le présentateur évoque les erreurs et défauts du travail sur le terrain, qui rendent la condition des experts sur le terrain difficile. Il observe qu’« aucun autre domaine du travail de l’Unesco n’illustre mieux la frustrante dichotomie entre l’idéal, les espoirs, le travail dévoué des experts et la réalité ». Dans cette émission, Ritchie Calder estime que les gens de l’Unesco « ont commencé à un moment donné à perdre le contact avec le terrain ». Néanmoins il estime que ce qu’il a vu du travail de terrain de l’Unesco dans les années 1950 était « très très encourageant »[516].
Dans les années 1970, Yvan de Hemptinne analyse, dans ses écrits personnels, les problèmes spécifiques au personnel du terrain :
« Le travail des fonctionnaires internationaux « sur le terrain » restera toujours délicat et diplomatiquemnt difficile car il leur est demandé de conseiller les gouvernements et souvent même d’effectuer le travail de leurs administrations nationales naissantes (ou déficientes) sans ‘intervenir dans les affaires intérieures des États membres’ ! Situation paradoxale ! Corde raide sur laquelle nous marchons, et qui fait souvent des Organisations des Nations Unies des ‘boucs émissaires’ bien utiles… »[517]
Lors de son voyage au Liban en décembre 1972, Maheu constate, à la suite de ses discussions avec les experts de l’Unesco sur place, les problèmes de retard dans la réception des commandes en équipement, du manque de liaison entre ces experts et les fonctionnaires du siège[518]. André Lestage déplore en 1974 « un décalage permanent entre la manière dont les secrétariats procèdent au briefing des experts et les méthodologies éducatives qu’on leur conseille d’appliquer sur le terrain »[519]. Pierre Cahen, en poste à Monrovia au Liberia en 1975, témoigne de la persistance des difficultés de communication avec le siège et des difficultés de coopération avec le personnel local[520].
L’Evaluation critique du PEMA mentionne le problème de la sélection et de la promotion des experts employés, et la fréquente mauvaise coopération, les tensions souvent aiguës entre experts et personnel national, la fréquente exaspération des experts devant l’attitude d’obstruction du personnel national hostile. Ce rapport déplore l’inadaptation des experts du PEMA qui manquaient d’expérience pratique, étaient recrutés dans les disciplines académiques, et venaient de pays hautement industrialisés[521].
Ainsi, tout au long de la période, le personnel hors-siège connaît de manière persistante des difficultés spécifiques : problèmes de communication avec le siège, problèmes de coopération avec le personnel local, manque de précision et parfois manque de pertinence dans la définition de sa mission, manque de pouvoirs, conditions de vie moralement et parfois matériellement difficiles.
Malgré ces difficultés, le personnel sur le terrain a souvent travaillé avec ardeur ; ainsi, en 1969 le Times affirme que « le personnel de l’Unesco est dévoué et dur à la tâche » sur le terrain en Afrique[522].
Ainsi, au siège comme hors-siège, même si les problèmes posés sont très différents, le personnel connaît des conditions de travail difficiles et souvent ingrates. Cela a des répercussions sur les relations humaines.

3.3.2. Des relations humaines relativement tendues.

Dès 1924, l’influence des relations humaines, de l’affectivité, sur l’efficacité du travail a été mise en évidence par Elton Mayo[523]. Michel Crozier a lui aussi analysé en quoi l’état d’esprit du personnel d’un organisme est révélateur de la qualité de son fonctionnement[524]. L’analyse des relations humaines au sein de l’Unesco est intéressante car elle fournit un tableau très contrasté : les nombreux témoignages recueillis donnent d’une part l’image d’une atmosphère particulièrement amicale, et d’autre part de relations conflictuelles. Où se situe la réalité ?

Une atmosphère particulièrement amicale et agréable.

De nombreux anciens membres du personnel évoquent leur souvenir d’une atmosphère amicale, agréable, chaleureuse. Charles Ascher témoigne de l’atmosphère amicale des premières années de l’Unesco, renforcée par la petite taille qu’avait alors le secrétariat et par le fait que beaucoup de gens se connaissaient déjà d’avance[525]. F.H. Potter en témoigne pour la division des projets, au début des années 1950 : « nous étions tous de grands amis »[526]. Même témoignage d’Harold Foecke pour le personnel de sa division, dans les années 1960-70[527]. Nino Chiappano évoque avec nostalgie les « profonds liens affectifs » tissés tout au long des années entre les fonctionnaires[528]. Milan Babic était, selon son fils, « très attaché à la « grande Maison » et considérait ses années de travail à l’Unesco comme les plus belles de sa vie »[529]. De même, Denise Percevaut évoque « l’atmosphère heureuse de ces meilleures années de [s]a vie : celles où [elle a] travaillé à l’Unesco »[530]. Des amitiés très fortes se développent au fil des années, comme entre Frank Malina et Sandy Koffler, entre Sandy Koffler et Alfred Métraux[531]. Dans les années 1950 et 1960, un petit groupe très soudé se forme autour de Guy et Alfred Métraux, Michel Prévost, Peter Lengyel, Kazimierz Szczerba-Likiernik, Sandy Koffler. « Nous faisions partie d’un petit groupe qui avait l’habitude de déjeuner ensemble – on nous appelait la ‘Table ronde’, se souvient Witold Zyss[532]. Métraux témoigne dans son journal des nombreux repas amicaux organisés chez les uns et les autres et qui poursuivent le cadre de sociabilité du travail[533].
Des relations professionnelles, et même hiérarchiques, se transforment souvent en relations amicales. De nombreux exemples l’attestent. Ainsi, Esther Dartigue évoque l’entente « parfaite » entre l’Haïtien Maurice Dartigue, le Péruvien Carlos Cueto, et l’Espagnol Ricardo Diez-Hochleitner, au sein de la division de l’Amérique latine (secteur de l’éducation) à la fin des années 1950 et dans les années 1960 : « l’ambiance générale de la division était excellente, un climat d’entraide régnait » ; cette entente « dépassait même le cadre du travail puisque nos familles se lièrent d’amitié »[534]. Miguel Soler Roca évoque sa bonne collaboration, durant le projet majeur d’Amérique latine, avec José Blat Gimeno, « qui est devenu un ami pour toujours »[535]. Michel Batisse évoque « la gentillesse et le rayonnement » de Victor Kovda, « mon patron et mon ami »[536]. André Lestage souligne le fait que ces amitiés transcendent les nationalités et les clivages politiques et idéologiques, même au plus fort de la guerre froide dans les années 1950-1960[537]. Au-delà de ces clivages, les membres du personnel se sentent réunis par un fort sentiment d’appartenance[538], comme en témoigne Pierre Cahen[539]. Evans souligne que durant son mandat il s’est efforcé de donner à l’Unesco un esprit de « camaraderie » et de détente[540].
A cette atmosphère amicale contribuent des conditions de travail particulièrement privilégiées. Le bâtiment du siège, situé dans les beaux quartiers de Paris, moderne, vaste, confortable, agrémenté d’un jardin, de terrasses, de salles de sport, est agréable. Cependant, malgré son caractère architecturalement avant-gardiste, il présente quelques défauts, qu’évoque Delavenay : « dès les premières chaleurs, des secrétaires s’évanouissent dans les bureaux surchauffés par le soleil, toute la surface extérieure étant faite de grandes vitres coulissantes »[541]. Prévost souligne le rôle important joué dans les années 1950-60 par des lieux de sociabilité et de convivialité comme la « coopérative » et le bar, « lieux de rencontre de [leur] petite communauté »[542]. Il faut y ajouter l’école internationale pour les enfants du personnel[543]. Krystyna Chlebowska évoque ces conditions telles qu’elle les a connues à la fin des années 1960 :
« C’est avec un plaisir toujours renouvelé que chaque matin je franchissais le seuil de l’Unesco. […] une demeure accueillante, aimable et lumineuse où je me sentais en sécurité. […] Chaque matin la « Dame au café » passait dans les couloirs, son chariot rempli de croissants et de petits pains. Un régal ! Tous les services étaient sur place : une banque où, pour la première fois de ma vie, j'ouvris un compte, une agence de voyages (pour des missions qui mettront du temps à venir), un kiosque à livres et à journaux, une coopérative au sous-sol et même une salle de repos avec de gros fauteuils (en cuir s'il vous plait !). À l'heure du déjeuner on s’installait dans le jardin japonais : qui dans des fauteuils en osier, qui sur un muret, qui sur un banc de chêne plusieurs fois centenaire pour prendre l’air et le soleil. Par-dessus le mur, pas très haut à l'époque, les Parisiens observaient la gente internationale au repos. Que pouvaient-ils bien penser de nous ? »[544]
La convivialité, la solidarité entre les membres du personnel est renforcée par le rôle de la dynamique « association du personnel ». Celle-ci, dès les premières années, publie un bulletin et propose de nombreuses activités de loisirs en tout genre, ainsi que des réunions pour permettre au personnel de nouer des liens. Elle reste très dynamique tout au long de la période[545].
Comme l’observe Michel Prévost, cette sociabilité extrêmement développée est liée à l’importante proportion parmi le personnel des expatriés, qui, n’ayant pas d’attaches à Paris, développent toute leur vie sociale à l’Unesco. Il se souvient :
« Nous vivions très largement entre nous, au travail, bien sûr, mais aussi hors du travail. Jusqu’à nos conversations qui se teintaient d’un jargon plus ou moins bilingue, mêlé d’expressions nées de nos formulaires bureaucratiques. [...] Les Français eux-mêmes, peu à peu aspirés par cette nébuleuse, s’y intégraient. Il m’est arrivé de dire que j’ai passé trente ans de ma vie bien plus à l’Unesco qu’à Paris. »[546]
Un témoignage sans ambiguïté de la bonne atmosphère qui règne à l’Unesco est le regret avec lequel la plupart de ses fonctionnaires prennent leur retraite à l’âge de soixante ans, comme ils en ont l’obligation. Mme Koffler évoque le chagrin qu’a ressenti son mari Sandy Koffler lorsqu’il a dû quitter son poste de rédacteur en chef du Courrier de l’Unesco une fois atteinte la limite d’âge[547]. De même, E.R. témoigne de la difficulté à se retirer de l’Unesco qu’a éprouvée Michel Prévost lorsqu’il a été « frappé par la limite d’âge »[548]. Un destin plus tragique a touché Alfred Métraux : en 1963, âgé de soixante ans, contraint de prendre sa retraite, il se suicide, ne supportant pas d’être réduit à l’inactivité, peu après avoir écrit pour le Courrier de l’Unesco un article intitulé « La vie finit-elle à soixante ans ? »[549]. Un destin semblable semble avoir touché Frank Malina, autre ancien fonctionnaire[550]. Pauline Koffler évoque les nombreux fonctionnaires qui, plusieurs années après leur départ à la retraite, ont continué à travailler bénévolement pour l’Unesco[551], ou revenaient « hanter ses couloirs » car « ils n’arrivaient pas à se détacher du petit monde de l’Unesco »[552].
Cette atmosphère est aussi liée à la relation paternaliste, affective, qu’établissent certains supérieurs, et en particulier Maheu, avec leurs subordonnés[553]. Le jargon employé par le personnel est révélateur de cette représentation inconsciente : l’Unesco est couramment désignée par le terme de « Maison », et Maheu par celui de « Père »[554]. Il est également considéré comme un souverain autoritaire mais bienveillant, étant surnommé « le Grand René » ou « le Roi René », son mandat étant désigné comme son « règne », l’Unesco comme sa « principauté »[555], et les réunions du personnel qu’il dirige comme des « grand-messes »[556]. Il est également assimilé à « un principal de collège »[557]. « M. Maheu dirige l’Unesco comme un lycée français » déclare sous couvert d’anonymat un haut fonctionnaire de l’Unesco à l’International Herald Tribune en 1970[558]. Le départ de Maheu en 1974 constitue un véritable bouleversement pour le personnel, qu’il dirigeait depuis plus de douze ans[559]. Il laisse dans son esprit des souvenirs émus[560]. En 1991, le syndicat du personnel de l’Unesco crée pour lui rendre hommage le « Prix René Maheu de la fonction publique internationale »[561].
Ainsi, incontestablement, l’Unesco, tout au long de la période, offre, par ses nombreux et importants avantages matériels, par ses institutions associatives, par la relation affective et paternaliste établie par certains dirigeants, un cadre de sociabilité exceptionnel. L’atmosphère y apparaît conviviale et amicale. Cependant, ce tableau idyllique ne doit pas occulter le revers de la médaille.




Des relations autoritaires et conflictuelles.

Les relations humaines entre le personnel sont inévitablement marquées par le caractère hiérarchique de l’administration. Ces relations se teintent d’autoritarisme, de rivalités, de mesquinerie.

L’attitude de plus en plus autoritaire des directeurs généraux.
L’attitude des directeurs généraux successifs en est révélatrice. Le premier directeur général, Huxley, s’il n’est certes pas autoritaire, ne respecte pas la hiérarchie administrative : ne demandant pas l’avis de ses conseillers avant de prendre des décisions, s’adressant directement à des exécutants sans passer par les échelons intermédiaires, il brouille les mécanismes administratifs, et provoque le malaise d’une grande partie de son personnel, ainsi dessaisi de ses responsabilités.[562] Quant à Torres Bodet, malgré sa timidité[563], il acquiert une « réputation de despote mexicain »[564]. Son successeur Evans heurte son personnel par son autoritarisme brusque, sa « vulgarité »[565], son « tempérament égocentrique qui inspirait parfois une conduite peu compatible avec la bonne administration »[566] ; en 1955, Métraux note dans son journal : « incroyable vulgarité de Luther Evans. Son ton bourru, ses sorties, ses violences de langage me paraissent néanmoins un genre : politicien texan »[567]. Veronese au contraire, considéré comme « affable et humain »[568], et jugé au moment de son élection par les États-Unis comme « un administrateur compétent »[569], déconcerte ses collaborateurs par son manque de décision et d’autorité, et par son « absence de rapports » avec eux[570].
Enfin, Maheu, déployant une forte autorité naturelle, établit rapidement sa domination sur le secrétariat[571]. Dès les années 1950, on observe dans les rapports rédigés par lui un style autoritaire et personnel, caractérisé par des ordres péremptoires et par l’emploi systématique de la première personne du singulier[572] ; de même, à l’oral, il se montre, vis-à-vis de ses inférieurs, sec, autoritaire et inflexible[573]. Devenu directeur général, il se fait de plus en plus exigeant et autocratique envers le personnel, même envers les hauts fonctionnaires[574]. Maheu correspond au type de manager 9.1 selon la grille de R.B. Blake et de J.S. Mouton, c’est-à-dire au manager soucieux avant tout de l’efficacité de l’organisation, et très peu aux besoins des personnes, à leur épanouissement personnel[575]. L’autoritarisme de Maheu se révèle clairement dans ses lettres internes. Les instructions qu’il donne, en tant que directeur-général par intérim, aux directeurs de départements et de divisions du secrétariat en 1961, sont révélatrices, par leur ton directif et par leur contenu, de sa volonté de tout diriger lui-même, et de ne laisser aux fonctionnaires que des tâches d’exécution[576]. Ainsi, par exemple, en 1959, il réclame, dans une lettre extrêmement sèche à Jean Chevalier, d’être davantage tenu au courant et consulté sur les affaires de l’UNRWA[577].
Une fois devenu directeur général, il n’hésite pas à réprimander sévèrement son personnel, même les chefs de départements ; ainsi, en 1963, il reproche à Jean Guiton : « vous n’avez pas du tout compris les bases sur lesquelles je me suis mis d’accord avec M. Spencer » ; il lui ordonne en termes secs de se dépenser sans compter pour rattraper le temps perdu[578]. L’autoritarisme de Maheu et sa volonté de tout contrôler s’expriment clairement dans la correspondance relative à la campagne de Nubie[579]. Ainsi, en 1961, il veut contrôler très étroitement tout ce que fait le responsable sur le terrain, M. van der Haagen, et tout décider lui-même[580]. Il affirme au sujet de Louis Christophe : « il n’a que trop tendance à agir indépendamment, il faut le former et le diriger » ; « je répète qu’en ce qui concerne l’Unesco, le président du comité consultatif n’a aucune autorité dans l’intervalle des sessions de ce Comité, sauf mandat exprès de ce Comité et avec l’agrément du représentant du directeur général qui siège dans le Comité ». « Le fait que M. Gysin est, dans le même temps, employé par le directeur général comme expert, devrait, à mon sens, l’inciter à une discrétion particulière »[581]. En juin 1961 Van der Haagen reproche à Maheu ses tentatives pour influer sur les décisions du Comité d’action de la campagne de Nubie, en ne lui communiquant pas l’ensemble du rapport : « je crains qu’une telle procédure puisse être considérée comme n’étant pas tout à fait correcte », estime-t-il[582].
Si le personnel est fasciné par le caractère brillant de Maheu[583], il souffre de son caractère autoritaire[584]. Les anciens fonctionnaires évoquent tous cette pression exercée par Maheu. Jean Thomas évoque « sa passion de convaincre, son redoutable talent de dialecticien, son goût de plus en plus affirmé du pouvoir »[585], et souligne « ce qu’il y avait parfois d’accablant dans l’autorité qu’il faisait peser autour de lui »[586]. Michel Prévost mentionne « son caractère exécrable », « ses sautes d’humeur, ses colères, ses injustices », et observe : « je l’ai connu inutilement tyrannique - surtout lors d’explosions verbales au cours desquelles il n’hésitait pas à insulter même ses meilleurs collaborateurs »[587]. Jacques Boisson évoque « la forte personnalité » et le « caractère bien trempé » de Maheu, « dont les silences réprobateurs autant que les emportements et les colères impatientes étaient profondément redoutés »[588]. Tocatlian confie qu’à son arrivée à l’Unesco il était « très impressionné » par l’atmosphère d’autoritarisme mise en place par Maheu : « on sentait en permanence la main de fer de Maheu », affirme-t-il, évoquant « ses colères fameuses », qui faisaient qu’« on le craignait beaucoup »[589]. Lengyel évoque « le règne de Maheu », surnommé « M. Unesco »[590]. En 1968, l’Américain Harold Foecke succède à Baez à la tête de la division de l’enseignement des sciences. Mais celui-ci n’a pas la personnalité de Baez pour résister aux volontés de Maheu : en 1972, Maheu décide, pour affaiblir cette division, de changer sa place dans l’organigramme du secrétariat, et de l’inclure plutôt dans le secteur de l’éducation, ce qui diminue beaucoup son importance[591].
Le personnel souligne le caratère souvent injuste de Maheu. Ainsi, Prévost observe : « j’ai pu noter à deux ou trois reprises qu’il [Maheu] pouvait se tromper lourdement sur la valeur de certains de ses collaborateurs », et, se croyant « infaillible dans ses jugements sur les hommes », prendre des décisions injustes[592]. En effet, tout-puissant, Maheu a parmi le personnel ses favoris, dont il accélère la promotion, et ses têtes de turc, qu’il exile ou dont il sème la carrière d’obstacles[593]. Plusieurs membres du personnel sont ainsi « victimes de son arbitraire ». Selon Prévost, Maheu « n’était pas très sûr d’un pouvoir atteint si tard dans sa carrière, et […] se rassurait sur ce pouvoir par l’injustice ». En outre, « avec l’âge se développa chez lui un culte de la jeunesse, qui égara parfois ses choix, qu’il s’agisse de nommer un nouveau fonctionnaire, ou au contraire d’obliger à la retraite un collaborateur extrêmement capable ». Prévost explique cette « manie » de Maheu de renvoyer ses collaborateurs ayant atteint la soixantaine, alors que lui-même avait dépassé cet âge, par son désir d’avoir l’impression de leur survivre[594].
L’autoritarisme de Maheu est observé avec agacement par les États membres, notamment anglo-saxons, hostiles par principe à un directeur général français. En 1963, Benton observe dans un rapport confidentiel que, « par son expérience et sa grande virtuosité intellectuelle », Maheu, « brillant, travailleur et compétent », « domine complètement et même tyrannise son personnel. Son rôle est pratiquement dictatorial »[595]. La même année, le gouvernement britannique observe que « comme chef du Secrétariat, Maheu n’est pas exempt de critiques : il traite ses subordonnés durement et est intolérant avec tous ceux qu’il suspecte d’incompétence »[596]. L’ambassade des États-Unis souligne en 1970 « le tempérament coléreux, notoirement français, du DG [qui] éclate souvent en des attaques cinglantes et parfois même calomnieuses sur l’intelligence et la capacité de ses hauts fonctionnaires et de tous ceux qui sont au-dessous de lui »[597].
La démoralisation du personnel qu’engendre le caractère autoritaire de Maheu est analysée dans les rapports confidentiels des États membres. Ainsi, en 1970, l’ambassadeur des États-Unis à Paris observe que l’autoritarisme de Maheu conduit à faire de la publication du document du programme et de budget (le « C/5 ») un moment de « tension et de pression extrême » pour les fonctionnaires, et entraîne chez eux « une baisse de moral », car elle implique une élimination péremptoire de projets dans lesquels ils s’étaient investis ; ce document, conclut-il, « montre qu’en dernière analyse la seule opinion qui compte réellement est celle du DG »[598].
A la fin de la période, l’autoritarisme de Maheu est de plus en plus exprimé dans la presse ; ainsi, lorsqu’il quitte l’Unesco en 1974, Le Monde souligne qu’il a dirigé l’Unesco « d’une poigne de fer » et que « certains lui reprochent même d’avoir confondu l’autorité […] avec l’autoritarisme »[599]. À sa mort l’année suivante, Le Monde évoque le mécontentement des fonctionnaires à cause de son autoritarisme et la révolte de son personnel : « Ces murmures sont devenus vociférations en 1970, lorsqu’une véritable révolte a secoué le personnel du siège, mécontent d’une si lourde tutelle » ; « les coups de colère du ‘roi René’ étaient légendaires »[600] ; et Le Figaro souligne le caractère « obstiné et autoritaire » de Maheu, et écrit : « d’une fermeté intraitable qui allait quelquefois jusqu’à des éclats de violence qui faisaient partie de sa légende, René Maheu avait, à la tête [de l’Unesco], un tempérament de chef »[601].

Des relations autoritaires à tous les niveaux de la hiérarchie.
Ce n’est pas seulement au niveau des directeurs généraux que l’autoritarisme pèse, mais à tous les niveaux de la hiérarchie. Prévost évoque les « petits chefs habiles à utiliser toutes les nuances du règlement pour mener la vie dure à leurs subordonnés »[602]. En 1960, Maheu observe que le moral du personnel du département des sciences exactes et naturelles est « très mauvais, […] du fait de la brutalité de manières de Kovda et de Roderick dans leurs rapports avec leurs subordonnés »[603]. De même, Delavenay témoigne que ses relations avec son supérieur Jean Thomas durant les années 1950 et 1960 n’ont « pas toujours été de tout repos »[604]. Le rapport de la table ronde de 1970 déplore que l’examen des projets de programme et de budget « pren[ne] régulièrement la forme d’un procès où les spécialistes et directeurs du programme tiennent le rôle d’accusés tandis que les responsables des services jouent le rôle de témoins de l’accusation »[605].
La table ronde du personnel de 1970 consacre une place importante au problème de l’autoritarisme :
« La plupart des témoignages, écrits ou oraux, communiqués par des membres du Secrétariat, voient dans l’autoritarisme qui pèse actuellement sur l’Organisation l’une des principales causes, peut-être la cause essentielle, du malaise qui fausse dans de nombreux cas les relations humaines à l’Unesco. Cet autoritarisme revêt parfois la forme d’un paternalisme condescendant ou bourru ; il prend souvent l’aspect d’un arbitraire sans appel ou d’un formalisme excessif ; il devient enfin, dans certains cas, une sorte de mandarinat quand, par exemple, des supérieurs hiérarchiques refusent de partager avec leurs subordonnés une vérité dont ils doivent demeurer les seuls dépositaires. Cet autoritarisme engendre chez ceux qui le subissent toute une gamme de réflexes négatifs : la méfiance, la peur, un sentiment illégitime de culpabilité, et, ce qui est plus grave, l’esprit de servilité. »[606]
S’il faut relativiser dans une certaine mesure ces observations, sans doute influencées par le courant anti-autoritaire de cette époque, il est indéniable qu’un réel autoritarisme caractérise les relations au sein du personnel, au cours de la période étudiée. Il est à noter que, loin de s’atténuer après le départ de Maheu en 1974, cet autoritarisme s’est renforcé sous la direction de M’Bow, dont les anciens fonctionnaires soulignent le caractère « despotique »[607].
La démoralisation du personnel s’explique non seulement par le climat d’autoritarisme, mais par les nombreuses rivalités personnelles.

Rivalités et mesquinerie.

Les relations au sein du personnel sont marquées par d’importantes rivalités et inimitiés. Celles-ci débutent dès la mise en place du secrétariat, alors que la répartition des pouvoirs n’est pas encore bien établie entre les services. Delavenay évoque ainsi la vigueur des « luttes intestines des années 1946-1949 », marquées par l’affrontement des chefs de division et de services, soucieux d’assurer la prééminence de leurs petits « empires » respectifs[608]. Loin de s’estomper, les conflits de personnes perdurent dans les décennies suivantes. Ils sont accentués par la diversité culturelle et professionnelle du personnel, source de malentendus[609]. Certains évoquent même l’existence d’attitudes racistes[610]. Mais le principal motif de ces « inimitiés individuelles » est la mesquinerie et la jalousie : Prévost observe que « la vanité, l’ambition, […] la mesquinerie, la lâcheté, voire la cruauté […] se font constamment jour dans les couloirs, derrière les portes »[611]. Alfred Métraux, dans son journal, déplore les innombrables « rivalités mesquines » qui opposent les membres du personnel de l’Unesco[612].
Ces rivalités concernent souvent un agent et son supérieur hiérarchique direct. C’est le cas de Prévost avec son supérieur Gjesdal au secteur des communications[613], d’Alfred Métraux avec Guiton au département des sciences sociales[614], de Dumitrescu avec Buzzati-Traverso au secteur des sciences[615], etc. Esther Dartigue observe que Maurice Dartigue, malgré ses efforts énormes comme chef de mission dans l’opération Unescongo en 1960-61, et malgré des lettres d’éloge de Maheu et de Hammarskjöld, n’a pas reçu d’augmentation de salaire et de grade. Au contraire, à son retour au siège, son poste de chef de la division de l’éducation scolaire est même remis en question. Ce n’est qu’en 1986 qu’Adiseshiah, dans une lettre à Esther Dartigue, reconnaît les injustices faites à son mari à l’Unesco, au niveau des postes et du salaire ; selon elle, ces injustices seraient liées à sa couleur de peau[616].
Prévost témoigne de l’hostilité de Maheu à certains fonctionnaires, sans raison justifiée, et du fait qu’il bloquait alors leur carrière, à son gré, au profit d’autres qui étaient ses favoris[617].
Les rivalités se produisent aussi entre égaux hiérarchiques, comme Roger Caillois et Philippe Soupault, à la fin des années 1940[618]. En 1952, Métraux évoque sa rivalité avec son collègue Lacharrière, qui « bloque [s]es efforts », dans le cadre du projet sur les races, « par esprit bureaucratique »[619]. Métraux évoque aussi ses conflits et disputes à la même époque avec Jean Guiton, qu’il trouve « malveillant, stupide et borné »[620]. En 1955, il parle dans son journal de « menaces de mémos et autres choses de cet ordre » qui sont faites de façon anonyme par certains fonctionnaires à l’égard de certains de leurs collègues[621]. Une vive dispute se déroule entre Lévi-Strauss et Caillois en 1955[622]. Dans les années 1950, des dissensions personnelles se produisent entre René Etiemble et Caillois, à propos de la direction de la collection des œuvres représentatives asiatiques[623]. Métraux témoigne également dans son journal de dissensions entre Alva Myrdal et Lévi-Strauss ; ainsi, en 1955, au déjeuner d’adieu pour le départ d’Alva Myrdal, il observe qu’elle « ne manque pas d’envoyer à Lévi-Strauss une pointe »[624].
Aucun secteur n’échappe à ces rivalités, même si selon Michel Batisse elles sont moins prononcées dans les départements scientifiques[625]. Ainsi, au sein du secteur des sciences, Dumitrescu témoigne qu’à son arrivée en 1969, il a été l’objet de l’« attitude inamicale » et de la « jalousie » de son collègue roumain[626], et il évoque les mesquineries et les vexations que ce collègue lui fait subir :
« Je savais que celui qui assurait l’intérim du poste de directeur m’en voulait parce qu’il avait été lui-même candidat pour ce poste. J’ai donc essayé d’avoir une attitude particulièrement amicale envers lui. Malheureusement, ceci n’a pas été réciproque. Je fus un peu contrarié quand il m’a dit qu’il n’y avait pas de bureau disponible pour moi, que l’administration était au courant du problème, mais que, pour l’instant, je devrais partager le bureau avec un consultant français. De plus, m’a-t-il dit, il n’y avait pas de secrétaire pour moi […]. La secrétaire principale de la division aurait exprimé le souhait de continuer à travailler avec lui. La correspondance devrait être vue d’abord par lui, car « il connaissait mieux le background », mais il me passerait les choses les plus importantes. Cette situation a duré un mois et je m’étonne aujourd’hui d’avoir été si naïf pour croire aux boniments de mon collègue. »[627]
E.R. évoque les « rivalités personnelles »[628], les « conflits intérieurs feutrés »[629], présents dans tous les départements. Pauline Koffler évoque les importants conflits de personnes au sein de la direction de la presse dans les années 1960-70[630]. Raymond Johnson témoigne avoir été frappé par ces rivalités à son entrée à l’Unesco en 1961 :
« Si le sort ne m'avait pas placé, pendant si longtemps et presque dès le début, au Bureau du Personnel (en quelque sorte l'estomac de l'Organisation), je n'aurais peut-être pas été le témoin direct de tant d'exigences excessives, de tant de petitesses de bas étage, de réclamations qui parfois dépassaient les bornes de la plus élémentaire décence. […] Dès ma première semaine, un Chef de division (encore un compatriote), M. Laidley, m'affirma qu'il ne fallait jamais prendre les choses trop au sérieux à l'Unesco, si on voulait « tenir ». Il faut se souvenir, ajouta-t-il, que le but de l'Administration, et surtout aux Nations Unies, est d'être toujours en mesure de prouver que toute erreur est la faute de quelqu'un d'autre. Il n'avait pas tout à fait tort. »[631]
Le rapport de la table ronde de 1970 observe que ces rivalités « compromet[tent] les relations humaines »[632].
Les rivalités de personnes sont aussi très vives au plus haut niveau. Durant le mandat de Torres Bodet, le membre australien du conseil exécutif, Ronald Walker, conservant de la rancœur de son échec à sa candidature au poste de directeur général face à Torres Bodet, s’efforce de lui nuire[633]. Au début du mandat d’Evans, en 1954-55, une forte rivalité oppose celui-ci à son sous-directeur général Maheu. Au cours d’un dîner avec Alfred Métraux, « le pauvre [Maheu] se plaint des difficultés de sa position. La « troïka » [le directeur général Evans et les deux sous-directeurs généraux] ne marche pas bien. Il n’y a pas de division des compétences et les décisions doivent être prises par trois personnes qui ne s’entendent pas »[634]. À partir de 1956, Evans, hostile à Maheu, l’« exile » à New-York et le tient à l’écart des grandes réunions et des décisions importantes[635]. Une rivalité importante oppose également, pendant des années, Maheu à Adiseshiah. Sous-directeur général depuis janvier 1954, Adiseshiah « se taille un vaste domaine dans l’administration des programmes d’aide aux pays en voie de développement », et occupe une place de plus en plus importante, devenant le « grand maître de l’aide au développement »[636]. Un article de la presse belge en 1958 affirme que Maheu a été envoyé par Evans « dans une sorte d’exil », s’étant rendu « indésirable dans l’entourage de M. Evans qui finit par l’expédier aux Amériques »[637]. Evans témoigne qu’« Adiseshiah et Maheu ne se sont jamais aimés », et que « tous deux étaient avides de pouvoir ». Il observe : « ils se sont constamment battus sous mon administration. Mais j’ai été assez fort, si je puis dire, pour empêcher que cela ne dégénère en guerre ouverte. J’ai maintenu chacun d’eux à sa place. Je les ai fait travailler ensemble ». Il observe que cependant au bout d’environ un an, il s’est « senti davantage du côté d’Adiseshiah que de Maheu ». « Je lui faisais plus confiance qu’à Maheu. Alors j’ai transféré Maheu contre sa volonté à New York »[638]. Evans reconnaît que cette décision a été de sa part « une punition pour ce qu[’il] considérai[t] comme un certain degré de déloyauté » de Maheu à son égard, puisque Maheu prônait d’autres orientations que les siennes[639]. Pendant le mandat de Veronese, Maheu et Adiseshiah fonctionnent bon gré mal gré en « équipe », en « tandem », mais lorsque Veronese démissionne, ils se retrouvent dans une situation de concurrence ouverte et exacerbée, briguant tous les deux le poste de directeur général[640]. Au début de l’automne 1962, après la démission de Veronese, le conseil exécutif, réuni en séance secrète, choisit Maheu, mettant ainsi un terme à une longue période de concurrence. Une fois élu, Maheu nomme en 1963 Adiseshiah assistant directeur général, mais les relations entre les deux hommes restent teintées d’hostilité[641].
A ces rivalités de personnes s’ajoutent les heurts entre le personnel idéaliste et celui qui considère l’Unesco comme une sinécure.




Un esprit de sinécure, en contradiction avec l’éthique officielle.

Le statut de fonctionnaire de l’Unesco comporte une éthique idéaliste, exprimée dans le « statut et règlement du personnel ». Chaque fonctionnaire est tenu de prêter serment. Pourtant, dès les premières années, comme l’observe Torres Bodet, une partie non négligeable du personnel est motivée principalement non pas tant par l’idéal de l’Unesco, mais par le salaire élevé, la possibilité d’habiter à Paris, le prestige de travailler dans une institution internationale[642]. L’Unesco apparaît comme un refuge douillet, « un terrain fertile pour la sinécure »[643]. De nombreux intellectuels, à l’instar de Jean d’Ormesson, Roger Caillois, Georges Semprun, y voient un gagne-pain confortable, qui leur permet de disposer de beaucoup de temps libre pour se consacrer à l’écriture[644]. Odile Felgine souligne ainsi la « moelleuse et quiète existence » que son poste à l’Unesco procure à Roger Caillois[645]. En 1950, le directeur général Torres Bodet exprime à Delavenay sa contrariété d’observer que « les fonctionnaires ne sont guère ponctuels le matin », et qu’« il est difficile d'obtenir d'eux un travail soutenu »[646]. Cette situation rappelle celle évoquée par Albert Cohen dans le roman Belle du Seigneur, à propos des fonctionnaires de la SDN[647].
Étant donné les conditions de salaire et de travail exceptionnelles ainsi que les nombreux avantages (exonération d’impôts, primes, …) attachés au statut de fonctionnaire à l’Unesco, les candidatures affluent. Alfred Métraux, dans son journal, évoque sa lassitude à l’égard de ces innombrables demandes dont il perçoit avec lucidité le caractère opportuniste :
« 22 juillet 52 : je suis harassé par divers candidats à des jobs Unesco, en particulier par un Dravidien, Mr. Sumithra, éducateur qui considère que ses connaissances, son zèle doivent lui assurer un poste à l’Unesco. Il s’insinue dans mes bonnes grâces avec autant de ténacité que d’onctuosité. » ; « 21 septembre 53 : visite du Togolais Creppy, qui m’avoue être en difficultés financières et qui cherche un ti-job » ; « 9 novembre 53 : visite d’un Bulgaro-Turc, fort sympathique, qui veut un job à l’Unesco » ; « 8 septembre 55 : visite d’une mère yougoslave, qui semble décidée à ne pas quitter mon bureau sans avoir l’assurance qu’une position a été offerte à son fils. »[648]
Les consultants et responsables ponctuels de missions pour l’Unesco, ainsi que le personnel de divers autres postes liés à l’Unesco, sont recrutés essentiellement sur la base des réseaux de relations des fonctionnaires du siège. Ainsi par exemple, Claude Lévi-Strauss a été secrétaire général du Conseil international des sciences sociales (CISS) de 1953 à 1959, à la demande de ses amis Métraux et Klineberg[649].
Evans souligne, dans son interview dans le cadre du Columbia Oral History Project en 1966, la lutte sévère qu’il a menée pendant son mandat contre les privilèges, les sinécures, le favoritisme, et évoque l’impopularité que cela lui a valu auprès du personnel. Par exemple, il a refusé d’utiliser son privilège diplomatique pour importer de l’alcool détaxé pour le personnel, il a refusé aux fonctionnaires de se faire payer leurs voyages d’agrément familiaux par l’Unesco et de se faire rembourser des billets d’avion fournis par l’Unesco et qu’ils n’utilisaient pas ; il s’est également élevé contre le fait que certains membres du conseil exécutif se faisaient attribuer par l’Unesco des contrats pour écrire des ouvrages, se faisaient payer, puis n’écrivaient pas ces ouvrages ; à cet égard, Evans fait passer une résolution stipulant que les membres du conseil exécutif ne peuvent pas se faire payer par l’Unesco pour les services supplémentaires qu’ils rendent[650]. En décembre 1958, Jean Larnaud, qui connaît bien l’Unesco, met en garde son ami Veronese, nouvellement élu directeur général, contre « les importuns et les quémandeurs » qui ne vont pas manquer de le solliciter sans cesse[651].
Une fois recrutés, ces « opportunistes » font leur travail avec « indifférence et laisser-aller », ce que déplorent les fonctionnaires réellement motivés, comme E.R.[652]. Un clivage se met ainsi en place entre le personnel idéaliste et consciencieux, et celui qui conçoit l’Unesco uniquement comme une sinécure, ou comme un moyen de faire carrière[653]. Raymond Johnson, entré à l’Unesco en 1961, évoque avec ironie les avantages que convoitent les « opportunistes » : « il y a tant d’avantages. […] Il y a une coopérative où les choses coûtent moins cher et on a droit à une ration de tabac par mois, au quart du prix pratiqué à l'extérieur », etc[654].
Le clientélisme dans le recrutement est assez répandu durant toute la période ; il est le fait aussi bien des directeurs généraux et des membres du secrétariat[655], qui font entrer leurs relations à l’Unesco[656], que des représentants gouvernementaux[657]. Des années 1950 aux années 1970, l’ingérence des États membres dans le recrutement du personnel augmente[658]. Sandy Koffler, rédacteur en chef du Courrier de l’Unesco, qui refuse absolument toute pression de la hiérarchie comme des États membres pour le recrutement d’un fonctionnaire dans son équipe et fait son choix lui-même après un entretien préalable avec les candidats, fait figure d’exception [659], de même que Dumitrescu[660].
Déplorée par la table ronde du personnel en 1970, car elle nuit à l’efficacité du personnel, cette situation persiste pourtant par la suite[661]. Elle s’aggrave même nettement après 1974, sous la direction de M’Bow. Les témoignages recueillis observent que celui-ci, durant ses deux mandats, érige le népotisme en règle, et que cela constitue un important facteur d’affaiblissement de l’Unesco[662]. Ainsi, en 1983, lorsque Sandy Koffler part à la retraite, M’Bow refuse de nommer, pour lui succéder, Olga Rodel, que Koffler avait pourtant désignée en raison de ses compétences, mais nomme son protégé[663]. En 1984, de vives protestations s’expriment contre les procédures de plus en plus opaques de recrutement[664]. Elise Keating souligne le développement croissant au fil de la période de ce caractère « intéressé » du personnel par les avantages qu’offre un poste à l’Unesco[665]. Pour relativiser ce phénomène, il faut préciser qu’il n’est pas spécifique à l’Unesco mais propre à l’ensemble du système des Nations Unies. Il est vivement dénoncé en novembre 1982 lors d’une manifestation rassemblant 1500 fonctionnaires de l’ONU, soit le tiers des employés du siège de l’ONU, qui protestent contre la politique d’embauche du système de l’ONU, jugée fondée « sur le favoritisme plus que sur la compétence »[666].
En outre, sur le terrain comme au siège, le véritable travail cède souvent la place à des mondanités : ainsi, comme il le note dans son journal, Métraux, dans sa mission en Guyane anglaise en 1947, passe le plus clair de son temps avec les autorités coloniales, les Européens, les intellectuels, en visites, cocktails, mondanités, repas, soirées …[667]. Le film sur la conférence de Beyrouth (décembre 1948) montre qu’une grande partie de la conférence consiste en des mondanités et divertissements : visites d’expositions, de sites culturels, cocktails, …[668] Beaucoup de fonctionnaires et membres du conseil exécutif sont attirés surtout par la possibilité que leur offre l’Unesco de faire des voyages. Ainsi, Charles Ascher écrit à Juliette Huxley, en 1975, évoquant avec nostalgie ses années passées à l’Unesco : « je n’aurai jamais plus l’occasion de profiter autant du tourisme culturel que je n’ai pu le faire avec le conseil exécutif de l’Unesco, rencontrant des chefs d’état, des ministres de la culture, visitant des musées et des monuments historiques qui ne sont pas ouverts au simple touriste »[669]. Les experts sur le terrain, souvent laissés à eux-mêmes, sont parfois tentés de passer plus de temps à prendre du loisir qu’à travailler[670].
Pour une partie du personnel, travailler pour l’Unesco est plus une source de revenu qu’un idéal. Ainsi, Claude Lévi-Strauss, secrétaire général du CISS de 1953 à 1959, n’était « pas très convaincu » de l’intérêt des activitiés du CISS, ce poste était d’ailleurs pour lui une « occupation subsidiaire », qui le laissait très libre[671].
La corruption et le détournement d’argent règnent, à plus ou moins grande échelle, au siège comme sur le terrain[672]. M’ Bow développe beaucoup le népotisme dans le recrutement du personnel[673].
Tous ces éléments qui concourent à développer un malaise au sein du personnel l’amènent au fil des années à une contestation, d’abord timide, ensuite plus affirmée, du fonctionnement de l’Unesco.

3.3.3. Une contestation du personnel contre la direction.

Les dysfonctionnements et les pesanteurs du système administratif de l’Unesco, qui rejaillissent sur la qualité des relations humaines, entraînent à partir de la fin des années 1950 l’émergence d’une contestation de la part du personnel, révélatrice de son profond malaise.
Vers 1956-1958, Prévost rapporte que « le mécontentement grandissait parmi le personnel », à cause des dysfonctionnements administratifs et de la lenteur des possibilités d’évolution des traitements.
« L’administration restait indifférente à cette situation [...]. La tension montait ; certains parlaient de se mettre en grève. À l’époque, jamais le système des Nations Unies (ni la SDN, qui l’avait précédé) n’avait connu de grève. Nous n’étions pas même certains d’en avoir le droit, même si nous pouvions nous appuyer sur les décisions de l’OIT qui garantissaient ce droit à tous les travailleurs. »[674]
En 1958, le conflit est résolu avec diplomatie par Veronese, alors président du conseil exécutif, qui met au point un mode d’ajustement des traitements satisfaisant pour le personnel, et désamorce ainsi le projet de grève[675].
C’est sous les deux mandats de Maheu, caractérisés par un fort autoritarisme, qu’ont lieu les mouvements de contestation les plus importants. En juillet 1962, le personnel, dénonçant le statut des « salaires locaux », organise une assemblée extraordinaire. Maheu réagit par la fermeté : il fait cadenasser la salle pour empêcher la réunion ; parallèlement, il convoque et retient de force dans son bureau le comité exécutif organisateur de l’assemblée extraordinaire. Mais celle-ci se réunit malgré tout, et vote une grève pour le lendemain. « La grève fut décidée sans vraiment d’hésitation. Nous venions de franchir là un pas important »[676], se souvient Prévost, qui faisait partie des meneurs de ce mouvement. Cette grève, la première de l’Unesco, est suivie par plus de 80 % du personnel[677]. En novembre 1964, l’association du personnel revendique une plus grande sécurité d’emploi et une hausse de certains salaires. Maheu, inflexible, réagit par des « remontrances sévères ». L’assemblée du personnel vote alors une nouvelle grève. Cette fois-ci, devant la menace de grève, Maheu cède et accepte de rouvrir le débat sur l’échelle des traitements et sur le système des postes[678].
Au cours des années 1960, la contestation, de la part d’un fonctionnaire isolé, contre l’autoritarisme de Maheu, est exceptionnelle, et reste généralement ponctuelle et sans conséquences. C’est le cas de Paul Lengrand vers 1965, qui, comme le rapporte Acher Deleon, se dresse contre Maheu au cours d’une réunion du personnel :
« Une critique [de Maheu] sur le programme d’éducation des adultes fait bondir Lengrand qui s’en prend au DG en termes violents pour lui reprocher son autoritarisme et son manque de démocratie. […] Réunion interrompue dans un désarroi total… « Jamais vu ! Inoui ! ! Invraisemblable ! ! ! » ; les commentaires ne manquaient pas. Tension accrue ; atmosphère très tendue. »[679]
En revanche, la contestation qui se déclenche en avril 1970, partie d’un cas isolé, se développe et atteint une ampleur jamais vue jusqu’alors. « Une sorte d’insurrection avait éclaté au siège », comme en témoigne Prévost[680]. La vigueur de ce mouvement s’explique par la conjonction de plusieurs revendications. Il ne s’agit plus seulement, comme dans les deux occasions précédentes, d’un mouvement de défense des salaires, mais surtout d’un mouvement de contestation du fonctionnement administratif et de la situation des relations humaines. En mai 1970, l’association du personnel consulte, au moyen d’un questionnaire anonyme, l’ensemble du personnel de l’Unesco (au siège et hors-siège), pour faire le point sur le « malaise de l’Unesco ». C’est la première fois qu’une telle chose est entreprise au sein du système des Nations Unies[681]. D’autre part, un projet de la direction de compression et de redistribution des bureaux du Siège se heurte à l’opposition du personnel et provoque la signature d’une pétition en juin 1970[682]. En fait, l’élément déclencheur est la décision péremptoire de Maheu de censurer un rapport rédigé par un jeune fonctionnaire de la division de l’enseignement supérieur, Michael Huberman[683], à cause des critiques franches du fonctionnement de l’Unesco qu’il contient. La censure de ce texte entraîne les protestations et la démission du sous-directeur général pour l’éducation, M. Fleixa Ribeiro, qui avait approuvé la publication du texte[684]. L’affaire est ébruitée dans le New York Times, ce qui provoque la colère de Maheu et entraîne une radicalisation de la contestation[685]. C’est une véritable révolte qui éclate. Comme l’observe l’ambassade américaine :
« Cette année, au lieu d’accepter les dictats napoléoniens du DG, un esprit de révolte a éclaté et a provoqué une remise en cause de toute la méthode de direction de l’Unesco et de son programme par le DG. […] La révolte a l’intention de changer les méthodes jugées dictatoriales du DG et d’apporter des idées fraîches et jeunes dans le programme de l’organisation. »[686]
Krystyna Chlebowska témoigne de l’atmosphère enfiévrée de cette période de contestation :
« 1969 et 1970 furent […] le temps des débats houleux, des revendications, des remises en question. L'esprit de mai 1968 avait soufflé sur l'Organisation. Le personnel discutait démocratie, bureaucratie, concertation, participation, méthodes de travail, relations humaines. […] ce renouveau à l'Unesco m'enchantait. L'association du personnel était au premier rang des contestataires. Je m'y inscrivis aussitôt. »[687]
Très affecté par ce mouvement dirigé contre lui, Maheu réussit pourtant à résister et à négocier[688]. Pour canaliser et encadrer le mouvement de contestation, il organise le 13 avril 1970 une table ronde du personnel, chargée « d’examiner les méthodes de gestion y compris les relations humaines pratiquées au sein du secrétariat afin de rechercher les améliorations qu’il y aurait lieu d'apporter du double point de vue de l'intérêt du service et de la satisfaction du personnel »[689]. Elle est composée de 26 membres élus par le personnel, de huit membres désignés par Maheu, de deux membres désignés par l’association du personnel ; Maheu exige que les discussions soient confidentielles[690]. Puis, devant l’intransigeance de l’association du personnel, il se résout finalement à accorder la liberté de parole et la publicité des débats. L’ambassade des États-Unis observe que dans cette situation difficile, presque acculé à la démission, Maheu a cependant su résister et « a encore une fois montré sa mystérieuse capacité à amener des mouvements à suivre les directions qu’il souhaite »[691].
Cet important mouvement de contestation attire l’attention du gouvernement américain[692] et de la presse américaine[693], d’autant plus que le déclencheur du mouvement est un fonctionnaire américain[694]. La presse britannique[695] et la presse française se font également l’écho de cette crise[696]. Le Monde lui consacre plusieurs longs articles[697], approuvant le rapport de la table ronde, qualifié de « remarquable et constructif », et de « description lucide des maux des grandes organisations »[698]. Le Monde donne également la parole à Maheu, qui reconnaît l’existence d’un « malaise » dans le personnel, mais estime que la révolte est le fait d’un petit groupe manipulateur, qui agirait selon lui par hostilité à l’orientation qu’il a donnée à l’action de l’Unesco vers les pays en voie de développement, et jaloux de son long mandat : « Je crois qu’un groupe organise une campagne contre moi. Voilà neuf ans que je suis directeur général de l’Unesco. C’est beaucoup »[699]. L’Express se fait le porte-parole du personnel révolté, dénonçant l’« autocratisme » de Maheu, qui aurait transformé son personnel en des « robots efficaces »[700].
Le rapport de la table ronde, long de plus de 150 pages, est une analyse approfondie des problèmes de fonctionnement de l’Unesco [annexe 36][701]. Prévost estime qu’il constitue « une remarquable analyse des structures de l’Unesco », qu’il « a anticipé sur bien des suggestions, bien des conclusions de plusieurs « commissions d’experts », « comités de révision » et autres « panels » commandités à grands frais par le conseil exécutif ou les directeurs généraux suivants », et déplore que « jamais il n’a[it] été appliqué » ; ce rapport demeure selon lui « une grande occasion manquée »[702].
D’autres en revanche relativisent l’importance de ce rapport. Ainsi, pour Jean Larnaud, la table ronde de 1970 ne serait que la preuve que « les gens de l’Unesco ne sont pas faciles à manier »[703]. Acher Deleon minimise l’importance de ce mouvement de contestation, rappelant qu’à cette époque la contestation et l’opposition à l’autorité étaient dans l’air du temps, et estimant que le mouvement n’a en fait concerné qu’un groupe minoritaire constitué de contestataires américains menés par Huberman, et que la majorité des fonctionnaires, comme lui, seraient restés dans l’expectative, indifférents[704]. Deleon reconnaît cependant que le fonctionnement de l’Unesco pose des problèmes graves et complexes, et que le cœur de ces problèmes est « l’absence de démocratie à l’Unesco »[705].
Quoi qu’il en soit, la table-ronde de 1970, si elle a mis le doigt sur l’essentiel des problèmes de fonctionnement de l’Unesco, n’a en rien abouti à des réformes dans les faits. La vie de l’Unesco a repris son cours après cet épisode contestataire. Elise Keating souligne que cette « mini-révolution », menée par « un jeune Américain idéaliste » (Michael Huberman), pour spectaculaire qu’elle ait été aux yeux des fonctionnaires de l’Unesco, n’a eu aucun résultat concret, « tout cela s’est calmé » ; elle estime qu’une telle revendication était utopique et irréaliste. Elle observe avec le recul que « chaque fois qu’on a essayé de réformer le fonctionnement de l’Unesco, de l’améliorer, cela n’a pas marché, il y a toujours eu une espèce de « mur », tous les gens qui avaient des intérêts à conserver la situation en place ont résisté. Les efforts faits pour améliorer le fonctionnement n’ont jamais abouti ; à chaque fois, le nouvel arrivé a essayé d’améliorer les choses, mais s’est heurté à la résistance des anciens » [706]. La contestation du personnel contre la direction s’est radicalisée après la période de Maheu : sous M’Bow, une partie du personnel a mené une révolte contre l’autoritarisme de celui-ci et a organisé une grève de la faim[707].

Ainsi, durant les trente premières années de l’Unesco, de nombreux éléments d’ordre institutionnel et organisationnel ont nui à l’efficacité de son action. Sur le plan institutionnel, l’Unesco a été affaiblie par sa dépendance par rapport aux États membres et à l’ONU. En effet, le choix du programme et le montant du budget sont entièrement décidés par les États membres ; ceux-ci étant souvent en désaccord entre eux et étant motivés par des enjeux politiques, le programme et le budget votés sont le résultat d’un compromis et varient au fil du temps pour des motifs politiques qui n’ont rien à voir avec la logique interne des activités concernées. Au fil des années, la contradiction entre les ambitions de l’Unesco et le niveau du budget accordé par les États membres s’est faite de plus en plus vive. L’augmentation des crédits extra-budgétaires accordés par les États membres a en partie compensé ce problème, mais par là ceux-ci en ont profité pour exercer leur influence sur le choix des programmes. En outre, l’application des programmes est tributaire de la coopération des États membres ; or, celle-ci a souvent fait défaut, et l’Unesco n’a aucun pouvoir pour les obliger à appliquer le programme qu’ils ont eux-mêmes décidé. D’autre part, l’Unesco a souffert de sa subordination dans le cadre du système de l’ONU. Celle-ci s’est accentuée au fil du temps, notamment à cause de l’importance croissante des crédits extra-budgétaires accordés par l’ONU, qui lui ont permis d’exercer une influence de plus en plus forte sur le choix et le déroulement des programmes. Les rivalités entre l’Unesco et les autres agences spécialisées ont aussi constitué un facteur d’affaiblissement de l’organisation.
Par conséquent, beaucoup, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Unesco, ont déploré la disproportion entre le mandat « ambitieux et idéalisé » de l’Unesco et les pouvoirs et moyens d’action réels du secrétariat[708], et ont préconisé soit un accroissement de ses compétences[709], soit une limitation de ses objectifs à des proportions plus réalistes[710].
Enfin, sur le plan administratif, la lourdeur et la complexité du mécanisme de l’Unesco ont entraîné des dysfonctionnements. Alors que la conférence générale et le conseil exécutif se sont vus de plus en plus dessaisis de leur fonction théorique, le rôle du directeur général et du secrétariat s’est accru. Le secrétariat a été caractérisé par une centralisation croissante du pouvoir, et d’importants conflits s’y sont déroulés entre les départements et entre des personnes. Des tentatives de rationalisation ont eu lieu au fil des années, consistant à mettre en place une meilleure planification du programme et une réelle évaluation des résultats, mais ces derniers n’ont pas été parfaitement concluants. Le moral du personnel a été ébranlé par le caractère frustrant du travail et par la dureté des relations humaines ; cela a abouti à la fin de la période à un mouvement de contestation générale de l’ensemble du fonctionnement de l’Unesco de la part du personnel, donnant lieu à la rédaction d’un rapport argumenté. Cependant, ce mouvement a été désamorcé par le directeur général et n’a pas entraîné de véritables changements. Les problèmes analysés dans ce chapitre ont persisté jusqu’à nos jours.

[1] Interview Foecke.
[2] OHRO, interview de Luther Evans, p. 546 : « when we were writing the constitution of Unesco we were looking for every technique we could think of to keep Unesco from becoming too bureaucratic » ; « We really had the concept of democratic pluralism, private initiative and freedom of the creative mind ».
[3] Ascher, box 145 : lt. de Huxley à Ascher, 19 déc. 1947 : « multipurpose ».
[4] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, 4e séance plénière, 8 novembre 1947 : intervention de S. Radakrishnan, p. 62 ; F. Valderrama, op. cit ; OHRO, interview de Luther Evans, p. 338.
[5] OHRO, interview de Luther Evans, p. 314-315 ; « Sir Alfred, to put our position in concrete terms, it looks to me like you’re talking about a Secretariat of 20 people and we’re talking about a Secretariat of 200 people ».
[6] Jean Thomas, ADG pour la culture, et Walter Laves, ADG pour l’administration.
[7] X 07 A 120/197 UNSA : observations et commentaires du gouvernement français sur l’avant-projet condensé de programme et de budget pour 1967-68, 27 p., p. 10.
[8] EU, box 3224 : rapport de la table ronde du personnel, 1970, 150 p., en français, 30 avril 1970, p. 62-63.
[9] Journal de la conférence générale de 1947, vol I, 7e séance plénière, 11 novembre 1947, p. 104 : intervention de Stephan Wierblowski (Pologne).
[10] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, 4e séance plénière, 8 novembre 1947, p. 67 : intervention du délégué d’Haïti, Arthur Bonhomme.
[11] Journal de la conférence générale de 1947, vol I, 1e séance plénière, 6 novembre 1947, ouverture de la session par le chef de la délégation française, J. Maritain, p. 31.
[12] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, 5e séance plénière, 10 novembre 1947, intervention de Carneiro, p. 72.
[13] XO7.21(44)NC, I : rapport sur les travaux de la commission nationale pour l’éducation, la science et la culture, 1947, par M. Louis François, secrétaire général, p. 1.
[14] Ascher, box 147 : report of the advisory committee of experts, confidential, avril 1948, 67 p., p. 33-34, 41, 44, 46. « a loose confederation of programmes or disciplines » ; « encourage teamwork and enhance the spirit of unit in Unesco ».
[15] RU, FO 371/88915 : mémorandum de Paul Matthews, 26 janvier 1950, doc. cité, p. 4 : « administrative difficulties » ; « the extreme complexity of the administrative system ».
[16] IT, Gabinetto, pacco 99 : appunto per il Ministro, 18 août 1950, doc. cité, p. 2-3. « la valanga di documenti », « la procedura di una pedanteria senza pari », « il segretariato mastodontico ».
[17] Rapport de Howland Sargeant à la conférence générale de 1952, doc. cit.
[18] FR, NUOI carton 835, 17 juillet 1950, document « très confidentiel ». DG/195, 22 novembre 1952.
[19] J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 18 : « Cette bureaucratie - apparemment internationale - constituait une pittoresque mosaïque de bureaucraties exotiques ». (« Constituia esa burocracia - aparentemente internacional - un pintoresco mosaico de burocracias exoticas »).
[20] J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 86 : « sus corredores sombrios, sus grandes salas, sus pasillos estrechos, sus conciliabulos multilingues y sus mimeografos incesantes ».
[21] J. Torres Bodet, Memorias III, p. 18 : « Me sentia solo, angustiosamente solo, en el centro de aquela fabrica de esperanzas, a menudo frustradas, y de textos preparatorios, corregidos por otros textos preparatorios destinados a reuniones en la cuales volveria a discutirse prolijamente si convenia o no realizar lo que habiamos proyectado durante meses - y que, en multiples circunstancias, solo se intentaria » ; p. 43 : « Ce n’étaient pas des barreaux de fer qui m’enfermaient, mais des colonnes de rapports à réviser, de lettres auxquelles je devais répondre, et d’allocutions à corriger. Tout, dans cette maison, naissait et mourait au milieu de montagnes de papiers… » (« No eran barrotes de hierro los que me encarceaban, sino colimnas de informes por revisar, cartas por responder y alocuciones por corregir. Todo, en aquella casa, nacia y moria entre cumulos de papeles… »).
[22] DG/1, 10 décembre 1948, 11 p., p. 10.
[23] DG/35, 21 février 1949, p. 5 . DG/6/49, p. 3-4 : « Rebutés […] par la complication de la structure, surpris de la multipicité des ressorts, des leviers et des freins, nous demeurons perplexes devant cet ensemble de pièces qui ne se composent pas encore en unité vivante. Ne désespérons pas pour autant ».
[24] DG/9/49, 11-12 avril 1949, discours prononcé par Torres Bodet le 11 avril 1949 à la réunion de la commission nationale britannique, intitulé : « L’Unesco est en pleine croissance : il ne faut pas qu’elle s’ankylose », p. 7.
[25] DG/166, 26 janv. 1952, discours de Torres Bodet à la 10e réunion de la commission nationale des Etats-Unis, intitulé « L’éducation pour une communauté mondiale », p. 3-4.
[26] J. Torres Bodet, Memorias III, p. 19 : « humanizarla, simplificarla ».
[27] EU, box 2252 : rapport de K. Holland, à Ch. Thomson, 27 oct. 1948, p. 6-7. Williams « definitively thinks the organization is too heavy with administrators ».
[28] RP, 16 juill. 1950 : L’Epoque (Paris, 17 juin 1950) et L’Information (Paris, 16 juin 1950) déplorent que l’Unesco soit devenue une « bureaucratie ».
[29] Antonina Vallentin, « Paix. état de conscience », art. cité, p. 3-4.
[30] Le Monde, 23-24 nov. 1952, « Le directeur de l’Unesco donne sa démission ».
[31] RP, 19 mai 1953 : Revue de Paris, mai 1953 : article de P.L. Bret.
[32] RP/2/49, 27 janv. 1949 : Evening Standard (Londres, 29 déc. 1948). « It has been difficult for outside observers to understand why such a vast sum of money should be spent on house-keeping in what was intended to be a creative and imaginative enterprise ».
[33] Manchester Guardian, 18 juillet 1950, « Should Unesco Die ? I) Benedetto Croce’s Verdict » [annexe 9] : « mammoth » ; « submerged under a mountain of papers ».
[34] Manchester Guardian, 19 juillet 1950, « Should Unesco Die ? II) Croce’s Case for Its Dissolution » : « those unending sittings in which the 800 sat in their quadrilingual earphones all silent and unsmiling : a frightening monument to the wireless progress of our age » ; « that Unesco congress in Florence was inhuman ».
[35] Peter Lengyel, op.cit., p. 18-20.
[36] RU, FO 371/107247 : lt. confid. de M. Roberts, British legation to the Holy See, Rome, à Alan Dudley, UN department, Foreign Office, 6 mai 1953 ; « danger » ; « new international bureaucracy ».
[37] C. Morelle et P. Jacob, Henri Laugier…., op. cit., p. 288-289.
[38] RU, ED 157/32 : « a brief appraisal of the education programme of Unesco », février 1955, 13 p., p. 9-13. « because of a too rigid adherence to the hierarchical system, there seems to be overstaffing. »
[39] FR, NUOI 1946-1959, carton 333, note confidentielle de la direction des relations culturelles, au sujet de la 37e session du conseil exécutif, programme ‘rénové’.
[40] Lien-Link n° 74 : nécrologie de T.C. Young par Gérard Bolla. E. Delavenay, op. cit., p. 376.
[41] Lien-Link n° 75 : « Hommage à T.C. Young » par Émile Delavenay.
[42] EU, box 1568 : lt. confid. de George N. Shuster, président de Hunter College, New York, à Christian A. Herter, secrétaire d’état, 26 juin 1959 ; « the developing sense of confidence and direction in the Secretariat itself » ; « The best people in the Secretariat now have the feel of their jobs. They consittute a nucleus which will function well as a group and yet not suppress individual initiative » ; « I am satisfied that on the whole the Unesco program is dynamic and directed to worthwhile ends ».
[43] William Benton, « The Defenses of Peace : Progress Report on Unesco », in Saturday Review, 7 mars 1964, cité dans : Congrès, Vol. 110, 88e congrès, 2e session, 18 mars 1964, Senate, p. 5646-5649 : « Progress report on Unesco », M. Church.
[44] Journal Métraux, 14 octobre 1953.
[45] 061 A 01 Unesco (43-15), III : lettre de Maheu à Betancur, 25 mars 1964.
[46] E. Delavenay, op. cit., p. 405.
[47] EU, box 825 : mémorandum de Donald B. Eddy, 31 mai 1962, doc. cité, p. 2 : « The Unesco Secretariat is a powerful and formidable bureaucracy ».
[48] X 07 A 120/197 UNSA : Propositions de la commission nationale soviétique sur le programme et budget 1967-68, 18 p., 31 mai 1965, p. 1 ; commentaires de la délégation allemande à la 70e session du conseil exécutif sur le futur programme et budget, 3 p., p. 3 : la délégation allemande exige des « mesures de rationalistation de l’appareil administratif ».
[49] Les Nouvelles de Moscou, n°42, 19 octobre 1968, article « Moins de paroles et plus d’action ! », par Vassili Vakhrouchev, secrétaire exécutif de la commission de l’URSS pour l’Unesco.
[50] Esther Dartigue, op. cit., p. 183.
[51] RU, OD 24/126 : UK National commission for Unesco. All advisory committees. 25th anniversary of Unesco, 4 p., non daté, non signé, p. 2.
[52] RU, OD 24/119 : Groupe de Genève, « La pyramide des grades à l’Unesco et dans trois autres institutions spécialisées (OIT, OAA, OMS) », étude présentée par la délégation française, p. 22-23.
[53] Interview Tocatlian.
[54] Lien-Link n°83 : « Sandy Koffler. Un battant », par René Caloz : « agacement » de Koffler face aux « contraintes administratives ».
[55] Interview Larnaud.
[56] Interview Lévi-Strauss.
[57] Interview Bonnefoy.
[58] M. Prévost, op. cit., p. 163.
[59] F. Valderrama, op. cit., p. 201.
[60] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 36. « Unesco’s personnel has become almost too numerous and too disparate for efficient (and economical) administration ».
[61] 12 C/INF/12, 16 novembre 1962 : discours prononcé par R. Maheu devant la conférence générale lors de son entrée en fonctions, p. 2.
[62] J.-P. Lycops, op. cit., p. 189.
[63] Ascher, box 147 : EX/3 CN/2, 6 juill. 1948, 60 p., p. 1.
[64] Benton, box 392 : lt. de Benton à Baez, 5 oct. 1964.
[65] M. Prévost, op. cit., p. 12-13, 181-182.
[66] Interview Roux. Il est entré à l’Unesco en 1948 avec un contrat d’un an, comme beaucoup de ses collègues. Lien-Link n°86 : « Comment et pourquoi je suis entré à l’Unesco », par Roger Bordage : il est entré à l’Unesco avec un contrat de six mois et a enchaîné les contrats de six mois, ce qui était alors courant.
[67] X 07.83 Maheu, VI : L’Orient-Le Jour, n°83, 6-12 janvier 1973, p. 13-15 : « Portrait : Directeur Général de l’Unesco, René Maheu : ‘Notre rôle n’est pas d’intervenir mais de stimuler’ », interview de Maheu par Mirèse Akar, p. 13-14.
[68] O. Felgine, op. cit., p. 386.
[69] Lien-Link n°80, Nécrologie de Jacques Havet par Nicolas Bodart et René Ochs.
[70] Ascher, box 147 : Report of the advisory committee of experts, confidential, avril 1948, 67 p., p. 62-63 : « uncertainty and instability » ; « a serious deterrent ».
[71] E. Delavenay, op. cit., p. 389 : « Plus que ses prédecesseurs, Evans se refuse à donner des contrats de durée indéterminée à ses directeurs. Il procède par renouvellements pour deux ou trois ans ».
[72] M. Prévost, op. cit., p. 118 : Maheu « estimait sans doute qu’un personnel en situation précaire serait mieux ‘à sa botte’. Les octrois de contrats indéterminés devaient se raréfier de plus en plus, tout au long de son règne ».
[73] M. Prévost, op. cit., p. 23-24.
[74] Seth Spaulding et Lin Lin, op. cit., p. 74 : le consultant est défini comme : « a high-level specialist employed by Unesco for a specific short period in order to provide on-the-spot advice to Member States, intergovernmental or international NGOs, or the Secretariat, in Paris or in the field ». Le contrat d’un consultant est généralement de six mois.
[75] OHRO, interview Luther Evans, p. 563-565.
[76] M. Prévost, op. cit., p. 118.
[77] Lien-Link n°83 : « De Bucarest à Abidjan : un itinéraire atypique », par E. R.
[78] EU, box 3224 : rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 61.
[79] Ricardo Diez-Hochleitner, « La passion de l’action », art. cit. ; E. Delavenay, op. cit., p. 355 : l’Egyptien Hanna Saba est transféré de l’ONU à l’Unesco. A.-M. D’Ans, Itinéraires I, p. 21 : à partir de 1946, A. Métraux est chef de section pour les affaires sociales à l’ONU ; à partir de 1947, ses activités à l’ONU le mettent en rapport avec l’Unesco : il devient conseiller auprès de l’Unesco pour le projet de l’hylea amazonienne, puis devient ensuite fonctionnaire de l’Unesco.
[80] Lien-Link n°77 : nécrologie de Paul Tostoy par Irène Barluet : Tolstoy est passé de la FAO à l’Unesco. Lien-Link n°73 : « Hommage à Michel Prévost » par Anne-Marie Schweighöfer-Falquet : elle est passée de l’ONU à l’Unicef, puis à l’Unesco.
[81] Lien-Link n°82 : « Ma longue histoire d’amour avec l’Unesco », par Emile Delavenay : en 1949, alors qu’il travaillait à l’ONU, « un câble de Torres Bodet demanda le prêt de mes services pour trois semaines ».
[82] 330.19 (8) A 01 IIHA, II : mémorandum de Needham au DG, 6 janv. 1948, p. 6 ; Alfred Métraux est en 1947 chef de la section des études et recherches au département des affaires sociales aux Nations Unies ; il est ensuite recruté à l’Unesco, d’abord temporairement, puis de manière permanente.
[83] Henry Cassirer, Un siècle de combat …, op. cit., p. 117 ; transféré de l’ONU à l’Unesco en 1952.
[84] Ex: RU, OD 24/15 : assistant DG posts in Unesco (ADG mass comm., ADG education, ADG administration and finance), rapport confid. de LCJ Martin à Sir Andrew Cohen, 14 juill. 1966 ; au sujet du poste vacant de ADG éducation. Et de nombreuses autres lettres, dans ce dossier, à ce sujet : le Royaume-Uni est très préoccupé par la nomination du successeur de Betancur (ADG éducation), et souhaite la nomination de William D. Clark.
[85] J. Torres Bodet, Memorias III, p. 104. En attendant, il a nommé Angell directeur intérimaire.
[86] M. Almeida est nommé plus pour des « raisons politiques » (« satisfactions à donner au Brésil ») que pour ses compétences intellectuelles (SCHM 8 : lettre de Mayoux à Thomas, 25 fév. 1949).
[87] ONU, RAG 2 /76, Box 10 : rapport préliminaire de M. Osborne à H. Laugier, 25 nov. 1946 : « Unesco be organized around its great central unifying objective rather than on the many foundations of the various disciplines and fields of knowledge into which its intellectual ressources are divided ».
[88] EU, box 2241 : lettre confid. d’Albert Noyes à William Benton, 24 décembre 1946, lettre citée, p. 5-6. « the extreme shortage of technical personnel throughout the world ».
[89] Le pied à l’étrier, lettre de Métraux à Verger du 5 février 1948. p. 91-92.
[90] DG/35, discours de Torres Bodet lors de la discussion du rapport sur les activités du Secrétariat par la 4e session de la conférence générale, p. 2-3. « Nos questionaires, trop nombreux, finissent par importuner. Et sans doute y a-t-il lieu d’améliorer à cet égard les méthodes de travail du Secrétariat. Nos documents gagneraient à être plus concis ; les délais de réponse devraient etre moins précipités ».
[91] Rapport du Directeur Général, Conférence générale de 1951, p. 49.
[92] EU, box 1603 : rapport d’A. Compton au département d’état, 18 avril 1950, 9 p.
[93] E. Delavenay, op. cit., p. 344.
[94] RU, FO 371/88915, mémorandum de Paul Matthews, 26 janvier 1950, doc. cité, p. 4 : « completely disorganised ». EU, box 1600, télégramme confidentiel, de K. Holland, au département d’Etat, 27 janvier 1950, 4 p. : Dr. Fred Rex « continues to report that there is great chaos in the department of education and that very little is being accomplished in the field of education ».
[95] J. Torres Bodet, Memorias III, p. 101-102. Jean Piaget, préconisé par Torres Bodet, ne pouvant accepter, c’est finalement Lionel Elvin qui est choisi, après une période de flottement.
[96] Charles Asher, Program-making in Unesco, 1946-51, op. cit., p. 77 : critique l’« excessive documentation » dont s’entoure l’Unesco ; RP/14, 4 février 1948 : Listener, 1er et 22 janvier 1948 : critique de l’Unesco par Kenneth Lindsay dans son émission sur le 3e programme de la BBC, en réponse au discours de J.B. Priestley sur l’Unesco.
[97] FR, relations culturelles 1951-52 : 25 juillet 1951 : note pour le secrétariat des conférences.
[98] EU, box 2254 : rapport d’Arthur Compton à Allen, confidential report on the 3rd session of the Unesco general conference, novembre-décembre 1948, p. 2. Compton observe que le groupe des pays « européens latins » « ne partage généralement pas […] les concepts administratifs des Etats-Unis » (« European Latins » ; « This group [...] does not share [...] US administrative concepts »).
[99] RU, ED 157/32 : a brief appraisal of the education programme of Unesco, février 1955, 13 p., p. 9-11.
[100] EU, box 823 : lt. confid. de George N. Shuster à Dean Rusk, 23 juin 1961, 3 p.
[101] Notamment parmi les Américains, pour qui les salaires offerts par l’Unesco ne sont pas très attractifs.
[102] EU, box 825 : mémo de Coombs à Cleveland, du département d’état, 12 avril 1962 : compte rendu d’une réunion avec Maheu.
[103] Interview P. Koffler.
[104] Lien-Link n° 83 : « De Bucarest à Abidjan : un itinéraire atypique », par E. R. Il évoque un personnel très disparate, « depuis les « alpha plus » jusqu’aux « moins epsilon », comme dans Le meilleur des mondes d’A. Huxley » ; l’allusion au Meilleur des Mondes est intéressante ; le rapprochement entre Aldous et Julian Huxley a souvent été fait.
[105] EU, box 3224 : rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 143.
[106] RU, LAB 13/2566 : report of the working group on Unesco, doc. cité, 42 p., p. 13-15.
[107] X 07 A 120/197 UNSA : propositions de la commission nationale de l’URSS pour l’Unesco sur le programme et budget 1967-68, 18 p., traduit du russe, Moscou, 31 mai 1965, p. 1. « improving the […] working methods ».
[108] X 07 A 120/197 UNSA : observations et commentaires du gouvernement français sur l’avant projet condensé de programme et de budget pour 1967-68, 27 p., p. 1-3.
[109] Ibid.
[110] Michel Crozier, Le phénomène bureaucratique, op. cit.
[111] M. Prévost, op. cit., p. 145.
[112] Lien-Link n°85 : « Paris, avril 1968 », par Jacques L. Boisson.
[113] EU, box 3224 : rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 39-40 : chap. V : « Dysfonctions et anomalies dans l’exécution du programme » : « La plupart des directeurs et spécialistes du programme ne peuvent guère travailler plus de 15 mn sans être dérangés par un appel téléphonique intérieur « impératif », un collègue visiteur, une secrétaire qui exige un visa d’urgence, une réunion inopinée, une demande de se rendre chez l’un ou l’autre chef hiérarchique ».
[114] EU, box 3225 : airgram de l’ambassade américaine de Paris au département d’état, 24 déc. 1970, 56 p., p. 36 : « not trained to perform this task, seems to take little interest in it ».
[115] RU, ED 157/348 : lettre d’A. Thomson à A.D. Bird, ministère de l’agriculture et de la pêche, 17 novembre 1948 ; et note confidentielle non datée, non signée : « Note upon the loss of one million francs by the Preparatory Commission of Unesco stolen by a fraudulous cashier ».
[116] lettre confid. de R. Schuman, 3 août 1947, doc. cité, p. 3.
[117] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, 4e séance plénière, 8 novembre 1947, intervention de S. Radakrishnan, p. 63 : « nous voulons être sûrs que les dépenses seront sévèrement contrôlées, qu’il n’y aura ni gaspillage ni coulage, et que l’argent ne sera pas dilapidé en toutes sortes d’activités sans parenté réelle avec les objectifs de l’Unesco ». Et 7e séance plénière, 11 novembre 1947, p. 101 : intervention de A.A. Roberts, d’Afrique du sud.
[118] RP/16, 19 février 1948 : Ritchie Calder, « Science is Unesco’s Strong Point », in Discovery (revue scientifique britannique) ; et « Unesco to End ? » , in Daily Telegraph, 10 juillet 1950. Reg. 1632, lettres adressées au DG et aux autres officiels de l’Unesco, et lettres internes, I : caricature de Torres Bodet dans El Tiempo 19 juin 1950 (journal mexicain) ; caricature montrant Torres Bodet, en riche costume, tenant par la main un enfant squelettique en haillons [annexe 43].
[119] Jiya Lal Jain, Unesco in schools, op. cit., p. 55 : dans son discours lors de la 1e conférence de la commission nationale indienne en janvier 1954, son président Maulana Azad estime que l’Unesco devrait faire des économies dans le budget de son administration.
[120] Journal Métraux, 31 mai 1955.
[121] Hervé Ngao, Les activités opérationnelles de l’Unesco. Acteurs, mécanismes et instruments juridiques, op. cit.
[122] RU, OD 24/144 : lettre de J.A. Burgess à Smith, 14 septembre 1971 : il a discuté avec Rao du grave problème de l’inflation des salaires à l’Unesco.
[123] Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, 7e séance plénière, 11 novembre 1947, p. 104 : intervention de Stephan Wierblowski (Pologne).
[124] RU, FO 371/117539 : mémorandum de Kirkpatrick, 30 juin 1955, intitulé « Dr. Evans and Unesco » : « leurs échelles de salaires […] sont à un niveau astronomique » (« Their scales of salary [...] are on the most lavish scale ») ; et lettre de Pink à Kirkpatrick, 13 août 1955.
[125] EU, box 2241 : lt. confid. d’Albert Noyes à William Benton, 24 décembre 1946, 16 p., p. 4 ; box 825 : confidential, « report of the US delegation to the meeting of ministers of education of Asian members states », Tokyo, par Charles B. Fahs, 12 avril 1962, 5 p., p. 3. Interviews Bolla, Batisse, Dumitrescu.
[126] Interview Bolla, Batisse, Dumitrescu : la marge d’action était très grande par rapport au C/5. Batisse souligne la nette différence entre d’une part la conférence générale et le conseil exécutif, qui jouent surtout un rôle de « forum », et d’autre part le Secrétariat, où se fait le vrai travail (cité par G. Archibald, op. cit., p. 186). Et J.-C. Clorennec, op. cit., p. 75 et 85. Clorennec a observé cette tendance encore dans les années 1990.
[127] J.L. Le Moigne, Les systèmes de décision dans les organisations, PUF, Paris, 1974, 244 p., p. 121-132 : il présente les différentes théories de l’organisation, notamment le modèle classique, pyramidal, décrit par F.W. Taylor en 1911 et par H. Fayol en 1916.
[128] EU, box 3224 : rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 61.
[129] Ascher, box 147 : report of the advisory committee of experts, confidential, avril 1948, 67 p. Chap III : p. 65 : « The current practices of securing ex parte decisions and oral agreements, of « shopping » for decisions among the DG, and by-passing affected sections of the staff must be eliminated. The development of a clearer organization structure should minimize frustrating delays in securing decisions, avoid undue proliferation of copies of memoranda, and expedite business ». p. 66 : « many of the forms and procedures which the admnistrative and finance services have deemed to be essential tend to hinder rather than to facilitate the work of the programme staff ».
[130] Ascher, box 149 : The formulation of Unesco programme, by Robert S. Smith, Harvard, 31 janv. 1949, 131 p., p. 107.
[131] 408.1 : rapport confid. de Maheu, à Blonay et Guiton, 10 sept. 1951, 5 p.
[132] EU, box 823, rapport confidentiel sur la 8e session du comité international consultatif sur la recherche en sciences naturelles, New Delhi, 16-20 oct. 1961 (« report on the eight session of the international advisory committee…, by W.A. Noyes, doc. cit., 21 oct. 1961, 6 p., p. 2) : « a vast amount of talk, most of it rather pointless, and almost no net change in the program itself ».
[133] Peter Lengyel, op. cit., p. 18-20. Cf. aussi Robert W. Cox et Harold K Jacobson, The Anatomy of Influence : Decision-Making in International Organization, New Haven, Yale University Press, 1973.
[134] M. Prévost, op. cit., p. 8-9.
[135] Rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 61.
[136] G. Archibald, op. cit., p. 158 et 170. Il est remplacé par John W. Taylor, de décembre 1950 à décembre 1953. Torres Bodet, Memorias III, p. 102-103.
[137] M. Prévost, op. cit., p. 330 ; Journal Métraux, 28 février 1955.
[138] G. Archibald, op. cit., p. 170. Le poste de DG adjoint, après avoir été aboli pendant le mandat de Evans, est rétabli en décembre 1959, et alors atttribué à Maheu.
[139] Rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 62.
[140] Ibid., p. 62-63.
[141] Interview Foecke.
[142] Rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 62-63.
[143] H. Cassirer, Un siècle de combat…, op. cit., p. 119.
[144] Interview P. Koffler.
[145] Rapport confid. de Holdgate à Arculus et Davis, 13 nov. 1970 : « there is a hard core of long-term profesional staff members who work closely with the DG (we call them the Mafia) and have power disproportionate to their grades ».
[146] J.-P. Lycops, op. cit., p. 189 : « l’équipe sur le terrain ne dispose d’aucune autonomie pour conduire le projet : la responsabilité et l’autorité sont entre les mains des fonctionnaires du Siège ». Cf. aussi Walter R. Sharp, Field Administration in the UN System, London, Stevens, 1961, et notamment la partie 2 : « Headquarters-Field Relationship », p. 181-292.
[147] Ascher, box 149 : The formulation of Unesco programme, by Robert S. Smith, Harvard, 31 janv. 1949, 131 p., p. 117-118.
[148] Interview Batisse.
[149] Interview Lévi-Strauss.
[150] EU, box 1562 : lt. confid. de Henry Dearborn, 1er secrétaire d’ambassade au Pérou, au département d’état, 2 octobre 1957 ; et lt. confid. de Clarence T. Breaux, conseiller économique, de l’ambassade américaine de La Paz, Bolivie, au département d’état, 7 novembre 1957.
[151] EU, box 1552 : rapport de Betty Carps, de l’ambassade américaine à Istanbul, au département d’état, 2 mars 1955.
[152] XO7.21(44)NC, II : « Séance plénière de la Commission nationale française pour l’Unesco, ministère des affaires étrangères », 25 juin 1956, 70 p., p. 23.
[153] M. Prévost, op. cit., p. 215.
[154] interview Foecke.
[155] Interview d’un membre du Secrétariat par P. Jones, op. cit., p. 110.
[156] Ascher, box 149 : The formulation of Unesco programme, by Robert S. Smith, Harvard, 31 janv. 1949, 131 p., p. 119.
[157] EU, box 2254 : US delegation to the 3rd session of the general conference, Beyrouth, déc. 1948, report on general political relations during the 3rd session of Unesco general conference, 31 déc. 1948 (confid), p. 5 ; EU, box 1601 : télégramme confidentiel de Henry A. Hoyt, second secrétaire de l’ambassade des Etats-Unis à Cuba, au département d’état, 1er mars 1950.
[158] EU, box 1602 : lt. de Henry A. Hoyt, second secrétaire d’ambassade à Cuba, La Havane, au secrétaire d’Etat, 20 mars 1950. « a foreigner » ; mémo de Rosalyn O’Cherony à Hoyt, 20 mars 1950 : « discouraged ».
[159] 372/8/MP 01, VII : rapport du chef de la division de l’Amérique latine et des Caraïbes au DG, 11 mars 1965.
[160] P. Lengyel, op. cit., p. 20-23.
[161] FR, Relations culturelles 1951-52, oeuvres diverses, carton n° 242 : note pour le secrétariat des conferences, 19 juillet 1951, au sujet de la « décentralisation de l’Unesco ».
[162] XO7.21(44)NC, II : 25 juin 1956 : « Séance plénière de la Commission nationale française pour l’Unesco, ministère des affaires étrangères », 70 p., p. 23. À la conférence des commissions nationales asiatiques à Tokyo en 1956, une résolution a été votée recommandant « une décentralisation plus poussée de l’Unesco ».
[163] Journal Métraux, 30 décembre 1954.
[164] EU, box 1564 : lt. confid. de l’ambassade américaine à Rio, Brésil, au département d’état, 4 mars 1958, 3 p.
[165] Leo Fernig, article « Some Unesco Memories », sur internet, 3 p.
[166] FR, Nantes, carton 59 : note sur les bureaux, centres et instituts régionaux créés ou aidés par l’Unesco en Asie, 3 mai 1966, 9 p., p. 1-3.
[167] SCX/PRIV.6, 64 EX/PRIV/SR.1 (prov.), 1er avril 1963, p. 2-4.
[168] ONU, series 291, box 6, file 23, accession 74/19 : « countries. Cuba. regional office in Havana ; oct. 1962-mars 1963 ».
[169] 61 EX/PRIV/SR.3 (Prov.), 29 juillet 1962, p. 17.
[170] 372 (8) MP01 A 22, I : Mémoire de R. Maheu, 45 p., p. 34.
[171] 372 (8) MP01 A 22, III : La Havane, 25 fév. 1960, 3e session du comité consultatif intergouvernemental du projet majeur d’éducation pour l’Amérique latine, Mexico, 14-19 mars 1960 : rapport sur l’exécution du projet majeur n°1, 37 p., p. 4.
[172] X 07.21 (44), I : « ‘Il y a dans le monde des injustices qui mettent en danger la survie de l’espèce’, déclare M. Maheu à Toulouse », in Le Figaro, 29 septembre 1964.
[173] Biogr. Adiseshiah : biographie de Adiseshiah, 1965. Mais F. Valderrama, op. cit., p. 201, affirme qu’il y a 1500 fonctionnaires hors siège en 1971.
[174] 372/8/MP 01, VI : lt. de Guiton à M. Fossoy, non datée.
[175] Biographie de Adiseshiah, 1965, doc. cit.
[176] 372/8/MP 01, VII : mémo de Blat à Betancur, 29 sept. 1964.
[177] Ibid.
[178] EU, box 3224 : rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 31 : « une véritable chasse aux projets de fonds spécial et d’assistance technique est en cours sans que les objectifs des pays « bénéficiaires » ni leurs priorités ne soient connues ».
[179] Lien-Link n°83 : « De Bucarest à Abidjan : un itinéraire atypique », par E. R.
[180] X 07.83 Maheu, IV : 11 janv. 1967, « Note sur la coopération entre l’Unesco et la Syrie, préparée à l’occasion de la visite officiele de Maheu à Damas le 19 janvier 1967 », 23 p., p. 2. L’Unesco « n’a ni chef de mission, ni expert en chef à Damas. C’est le représentant résident du PNUD qui est chargé des affaires de l’Organisation ; [… or] le besoin se fait souvent sentir d’avoir un représentant du Secrétariat sur place qui assure la coordination des nombreux projets de l’Organisation ». Et de même : « 13 janvier 1967, Note sur la coopération entre l’Unesco et le Liban, préparée à l’occasion de la visite officielle de Maheu à Beyrouth du 22 au 28 janvier 1967 », p. 2.
[181] M. Prévost, op. cit., p. 198-199.
[182] Rapport de Mary Smieton, juill. 1965, doc. cit., p. 6.
[183] DG/70/2, 11 mars 1970.
[184] RU, OD 24/127 : émission radio, BBC, intitulée « What Price Culture ? », nov. 1971: « a massive, bureaucratic machine » ; « a goodly proportion of the staff are passengers » ; « the place is run by the secretaries » ; « they [...] know most from the files of what’s going on ». « But there is truth in the charge of dead wood weighing down the machine ». « Already inside Unesco itself there’s been criticism, a self-questioning that its approach may be too centralist, that the administrators in Paris may be out of touch with realities out in the field ». « too glacial in its approach, too much of a slow learner ».
[185] Lien-Link n°83 : « De Bucarest à Abidjan : un itinéraire atypique », par E. R.
[186] E. Delavenay, op. cit., p. 344-347.
[187] Emile Delavenay, « Mes souvenirs de J. Thomas : tradition normalienne … », art. cit.
[188] E. Delavenay, op. cit., p. 342-344, 351, 370.
[189] FR, Nantes, carton 117 : lt. confid. du ministre des affaires étrangères français aux agents diplomatiques de la république française à l’étranger, 27 août 1947.
[190] J. Huxley, Memories, vol II, p. 19 : « jealousies between different divisions ».
[191] Unesco/PER/ST/8, Paris, 20 mai 1949 : « Le rôle et le but de l’Unesco », extrait de la causerie faite par Torres Bodet devant le personnel de l’Unesco le 28 avril 1949, p. 1.
[192] E. Delavenay, op. cit., p. 344.
[193] Unesco, Rapport sur l’efficacité du travail de reconstruction, 1947-1948-1949, Paris, 1950, 80 p., p. 35-36.
[194] 44EX SCX/PRIV.2, 21 juillet 1956, p. 13. Séance traitant de l’éventualité de fusionner l’assistance technique avec les autres départements.
[195] Interview Tocatlian. A.Fleury, op. cit., p. 82.
[196] Peter Lengyel, op. cit., p. 15. « unsteady ».
[197] EU, box 1564 : commentaires des Etats-Unis sur le projet de programme et budget pour 1959-60.
[198] RU, ED 121/745 : lt. de Ritchie Calder à Miss Guiton, 4 nov. 1958 ; lt. de Miss Guiton à Adiseshiah, 18 mars 1959.
[199] B.P. Bamouni, op. cit., p. 37-38.
[200] 66 EX/PRIV/SR.2 (prov.), 30 décembre 1963, p. 7-8. Propos de M. Cain et de M. Hacquaert.
[201] EU, box 1600 : télégramme confid. de K. Holland au département d’état, 6 fév. 1950 : « Fred Rex continues to be very critical of the lack of leadership in the department of education, and feels that Bowers’ recent trip to Mexico once again demonstrated his inability to organize fundamental education projects for Unesco ».
[202] Courrier de l’Unesco, 1er nov. 1949, p. 9 : « Le prof. Piaget sous directeur général chargé de l’éducation par intérim » : en nov. 1949, Piaget remplace Beeby à la tête du département de l’éducation, mais pour trois mois seulement.
[203] Esther Dartigue, op. cit., p. 170-172.
[204] 372/8/MP 01, VI : lt. de Woller à Hayden, 8 janv. 1963.
[205] 372/8/MP 01, VI : lettre des chefs de division pour l’Afrique, l’Amérique latine, l’Asie, les Etats arabes, à Guiton, 27 fév. 1963.
[206] Lien-Link n°80 : nécrologie de Jacques Havet par Nicolas Bodart et René Ochs.
[207] lettre confid. d’Albert Noyes à Wiliam Benton, 24 déc. 1946, doc. cit., p. 5-6. « Dr. Needham, in spite of his having all of the airs of an absent-minded professor, seems to have kept his feet on the ground remarkably well ». « The extreme shortage of technical personnel throughout the world ». « Dr. Needham should be strongly complimented on having collected together an able staff in a short period of time ».
[208] J.-C. Clorennec, op. cit., p. 75 ; rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 37-38.
[209] 408.1 : rapport de Bowers à Elvin, 1er juin 1951.
[210] 408.1 : : lt. de Maheu à Elvin, 18 juin 1951.
[211] 620.992 : 3 : lt. de V. Radtchenko à H.M. Philips, 6 juin 1957.
[212] Journal Métraux, 22 janv. 1952 ; 3 A 31 : Equality of rights ... : lt. de F. Benet à Bertrand, 29 janv. 1963.
[213] XO7.21(44)NC, III : juin 61 : commission nationale française pour l’Unesco, « Suggestions de caractère général concernant les programmes futurs de l’Unesco », 18 p., p. 11.
[214] Interview Cassirer.
[215] B.P. Bamouni, op. cit., p. 38 et 93. Serge Yondou, L’Unesco et la communication dans les PVD : le cas des pays de l’Afrique centrale, op. cit., p. 43-44.
[216] B.P. Bamouni, op. cit., p. 35.
[217] M. Prévost, op. cit., p. 186.
[218] Observations du gouvernement français sur l’avant-projet de programme et de budget 1965-66, 17 déc. 1963, p. 4.
[219] M. Prévost, op. cit., p. 160.
[220] 97 EX/SP/RAP/1 Prov. p. 19. cité par K. Mofadel Khamsi, p. 569.
[221] Interview Acher Deleon.
[222] Interview Foecke.
[223] B.P. Bamouni, p. 37-38.
[224] 37 : 362 .92 (5-011) « -66 », III a : lt. de van Diffelen à Guiton, 11 oct. 1956. « The fact that largely similar work was undertaken by two separate divisions of the Agency (Education and Social Welfare) tended to make things worse and to perpetuate bitter rivalries among workers in the field, athough the heads of these two divisions, Mr. Bialuski and myself, honestly did their best to achieve full harmony and cooperation ». « to put an end once and for all to the doctrinal battles and struggles for power between two rival « empires » ».
[225] 37 : 362 .92 (5-011) « -66 » : III a : lt. De van Diffelen à van Vliet, 19 oct. 1956. « It should at least put an end to a good deal of duplication of effort and to endless rivalries and bickering in the field ».
[226] Esther Dartigue, op. cit., p. 218-221.
[227] Rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 17, 38, 62-63, 140-141. Cette « mentalité de caste, de classe ou de clan […] nuit grandement à la formation au sein du Secrétariat d’un véritable esprit de corps ».
[228] Interview Tocatlian.
[229] Interview P. Koffler.
[230] M. Prévost, op. cit., p. 331.
[231] Interview Foecke.
[232] Interview Tocatlian.
[233] Interview Pauvert.
[234] Interview E. Keating.
[235] P. Lengyel, op. cit., p. 40-41.
[236] Interview Foecke.
[237] FR, NUOI carton 835. Commentaires et propositions du gouvernement français sur le programme et budget de l’Unesco 1965-66, 25 juin 1963.
[238] Rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 49.
[239] EU, box 2241, office memorandum, de Kotschnig à Thomson, 10 juin 1947 : « Unesco is still having difficulties in planning a concise program ».
[240] OHRO, interview de Luther Evans, p. 352 : « Huxley’s leadership left something to be desired on the administrative side. Sometimes two people would show up in the office on Monday morning, and they both had been appointed by Huxley to the same job – things of that kind. His adminsitrative procedures were not good in some respects ».
[241] OHRO, interview de Luther Evans, p. 352 : « it was becoming a good organization ».
[242] Ascher, box 147 : report of the advisory committee of experts, confidential, avril 1948, 67 p., p. 1, 3, 4 : « the agency is still in its formative phase and must necessarily be for some time in the experimental stage of existence and development » ; « structural problems ».
[243] Ascher, box 148 : Mercury (Mercure), journal de l’association du personnel de l’Unesco, juin 1948, n° 50, p. 2 : éditorial.
[244] Ascher, box 145 : New York Times, 16 oct. 1949 ; lettre de Max Salvadori, au editor du New York Times, 9 oct. 1949 : « Unesco Appraised. Suggestions offered to remedy organization’s shortcomings » : « frank appraisal ».
[245] EU, box 2250 : memorandum of conversation, department of state, 11 juin 1948 : « he doubted whether this was an appropriate function of Unesco and was therefore skeptical of the project ». Alger Hiss, alors conseiller du département d’état sur le programme de l’Unesco, se montre « sceptique » à l’égard de ce projet, doutant que ce projet soit approprié dans le cadre de la sphère de compétence de l’Unesco.
[246] Ascher, box 146 : 29 oct. 1948: meeting of experts for the preliminary study of the technique of international conferences, 14 p. ; 1er déc. 1949, The technique of international conferences, report of meeting of experts, New York, 4-6 nov. 1949, 32 p. ; Study of the administration of member governments participation in international organizations, 11 avril 1949, 5 p. ; box 147 : The technique of international conferences : a progress report on research problems and methods, 20 avril 1950, 92 p. ; SS/3, 19 fév. 51, The technique of international conferences. A progress report on research problems and methods, 1951, 71 p., par Walter Sharp.
[247] Ascher, box 146 : « Psychiatry for Executives. An experiment in the use of group analysis to improve relationships in an organization », par Henry P. Laughlin and Milton Hall, 2 mai 1950, 7 p.
[248] Mercury, juin 1948, n° 50, p. 2 : editorial.
[249] E. Delavenay, op. cit., p. 369.
[250] Informations transmises par Pierre-Yves Saunier.
[251] OHRO, interview de Luther Evans, p. 370-371.
[252] OHRO, interview de Luther Evans, p. 565-566 : « good team ». « team spirit ». « the unity of the operation », « the integration of their programs with the other programs ».
[253] OHRO, interview de Luther Evans, p. 415-419, 477-479.
[254] OHRO, interview de Luther Evans, p. 514-516. « sense of unity ».
[255] OHRO, interview de Luther Evans, p. 517-518. « a sort of second foreign office » ; « a very vigourous, dynamic, hard-working chap [...] who made decisions without too much reference to what other people thought, and he had gathered into his hands not only the administrative and foreign office problems that related to technical assistance, but he was really running a second education department and to some extent a separate natural science department and to some extent a separate social science department, just dictating the program as regards this source of funds ». « new spirit ». p. 701.
[256] OHRO, interview d’Evans, p. 707-710 : « Adiseshiah has a method of operation which make everbody a little uneasy. They think h’s unreliable in certain respects, but the way it appeared to me was that Adiseshiah is a man who has many ideas and tomorrow he forgets what ideas he suported today. And this means that his policy statements, his administrative decisions, do not have a high degree of consistency ». « serve them up a cafeteria of assorted dishes without any dietary rules ». Adiseshiah organisait des « miscellaneous projects that maybe didn’t fit into anything ». « I was working hard for orderly development, and Adiseshiah was working hard just to have a lot of projects and to spend a lot of money without reference to whether it made any sense or not ».
[257] OHRO, interview d’Evans, p. 519-520 : « very vigorous, hot headed, dynamic American ».
[258] Ibid., p. 522.
[259] Ibid., p. 572.
[260] Ibid., p. 593.
[261] Ibid., p. 627 : « building a spirit of unity in the staff, educating the staff into a spirit of dealing with member states on a basis of integrity and candor, making honest budget estimates, adhering honestly to the procedures and regulations, having integrity in all financial matters ».
[262] Informations transmises par Pierre-Yves Saunier.
[263] Benton, box 394 : 66 EX/ad hoc/2, 30 juill. 1963 : ad hoc committee on the functions and responsibilities of the organs of Unesco, a discussion paper prepared by the chairman of the executive board, 39 p.
[264] 3 A 31 : Equality of rights ... : « Activities and Procedures of Unesco », « Hearing before a subcommittee of the Committee on foreign relations United States Senate », 88e congrès, 1e session, 4 mars 1963, p. 2, 10, 22, 26.
[265] Le Monde, 16 nov. 1974 : « L’élection de M. Amadou Mahtar M’Bow. Je me propose de lutter contre la tendance à la bureaucratisation, nous déclare le nouveau directeur général ».
[266] Charles Asher, Program-making..., p. 9 . Cf. J. Huxley, TVA, Adventure in Planning, op. cit.
[267] M. Prévost, op. cit., p. 47-48.
[268] M. Prévost, op. cit., p. 102.
[269] E. Delavenay, op. cit., p. 405.
[270] M. Prévost, op. cit., p. 328.
[271] EU, box 2242 : lettre de Benton à Lovett, 28 août 1947, citant une lettre reçue de Donald Stone. Autre son de cloche dans EU, box 1600, rapport confidentiel de K. Holland à Ch. Thomson, 6 janvier 1950 : Laves « n’a pas accompli un travail très brillant ici à l’Unesco » (« he has not done a brilliant job here with Unesco »).
[272] « How far has Unesco come ? » discours de Walter Laves, 13 avril 1950, doc. cit., p. 1 et 7 : « Unesco’s success depends upon making frank appraisals ».
[273] RU, LAB 13/2566, NC (67) 29 : UK National commission for Unesco : The development of Evaluation Practices in the United Nations Family of Organisations. Evaluating Development Projects. Une version révisée en est publiée en 1965.
[274] Ces recommandations sont acceptées par la commission financière et administrative de la conférence générale de 1964.
[275] RU, LAB 13/2566 : report of the working group on Unesco, doc. cité, p. 10. « Not enough is done to evaluate past and present activities, to detect problems in time for remedial action and to enable the Organization to acquire and then use knowledge gained from experience ». p. 12 : cette étude a produit « a strong emotional and not always logical reaction from the DG » ; p. 17.
[276] EU, box 828 : USDEL 12/C/9, 24 octobre 1962 : instructions données à la délégation américaine pour les discussions à la conférence générale, au sujet du rapport du DG sur l’activité de l’Unesco.
[277] Veronese carton 32 : dossier « réorganisation du Secrétariat ».
[278] SCX/PRIV.6, 64 EX/PRIV/SR.1 (prov.), 1er avril 1963, p. 2-4.
[279] Walter R. Sharp, « Trends in United Nations Administration », International Organization, vol. 15, n°3, été 1961, p. 393-407. L. Evans « Some management problems of Unesco », in International Organization, vol. 17, n°1, hiver 1963, p. 76-90.
[280] Evaluation des programmes de l’Unesco à l’intention du Conseil économique et social, Paris, Unesco, 1960, 186 p.
[281] 37e session de l’Ecosoc, juillet 1964. Cité dans : RU, LAB 13/2566, NC (67) 29 : UK National commission for Unesco : the development of evaluation practices in the UN family of organisations, 1964.
[282] 41e session de l’Ecosoc, juillet 1966. Cité dans : RU, LAB 13/2566, NC (67) 29 : UK National commission for Unesco : the development of evaluation practices in the UN family of organizations, 1964.
[283] RU, ED 121/1159, aide-mémoire confidentiel, 7 août 1962, de Sutherland à Burns, UN Department, Foreign Office.
[284] EU, box 828 : USDEL 12/C/9, 24 octobre 1962 : instructions données à la délégation américaine pour les discussions à la conférence générale, au sujet du rapport du DG sur l’activité de l’Unesco. « encyclopedic […] and superficial » ; « the DG’s report for 1961 still tend to dramatize successful achievement and ignore difficult situations or failures. The US believes that the Reports should be straightforward, neither exaggerating success nor hiding failures ; otherwise the usefulness of the reports is greatly reduced ».
[285] 12 C/DR.63 et 12/C res, res 30, « amélioration des méthodes de travail et de l’utilisation du personnel », p. 110-111 ; cité par G. Archibald, op. cit., p. 300.
[286] G. Archibald, op. cit., p. 300.
[287] X 07 A 120/197 UNSA : US Government Comments and Recommendations on Unesco’s Program and Budget for 1967-1968, 31 mai 1965, 11 p., p. 1.
[288] X 07 A 120/197 UNSA : Observations et commentaires du gouvernement français sur l’avant-projet condensé de programme et de budget pour 1967-68, 27 p., p. 11.
[289] Ibid., p. 1-3 et 8-10.
[290] The United States and Unesco : Challenges for the Future. Report of the Special National Conference of the US National Commission for Unesco, 1966, par Ronald Gross and Judith Murphy, Academy for Educational Development, 1966, 26 p., p. 19-20 : « Looking Toward the Future » par Thomas F. Malone, président de la commission nationale américaine pour l’Unesco. « Unesco itself should intensify its efforts to re-examine its philosophy and objectives, its program, and its operational approaches ».
[291] X 07 A 120/197 UNSA : propositions de la commission nationale soviétique sur le programme et budget 1967-68, 18 p., 31 mai 1965, p. 1. L’URSS insiste sur la nécessité d’évaluer les réalisations et les résultats obtenus.
[292] X 07 A 120/197 UNSA : commentaires de la délégation allemande à la 70e session du conseil exécutif sur le futur programme et budget, 3 p., p. 1.
[293] 14 C/12, 27 oct. 66, annexe 5, cité par G. Bourreau, op. cit., p. 50.
[294] Projet Orient-Occident et projet d’éducation primaire en Amérique latine.
[295] RU, LAB 13/2566, NC (67) 29, UK National commission for Unesco, The development of evaluation practices in the UN family of organizations, doc. cit.
[296] EU, box 823 : lt. confid. de John H. Morrow au département d’état, 18 juillet 1961 ; RP, 22 octobre 1970 : Le Monde, 14 octobre 1970 : « les Etats n’ont guère été enclins jusqu’à présent à autoriser et à encourager les fonctionnaires internationaux à prendre des initiatives et à remplacer les contrôles a priori par l’appréciation des résultats ».
[297] Rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cit., p. 16 : « Il faut que le Secrétariat ait le droit à l’erreur, ou plutôt le devoir d’appeler erreur ce qui l’est manifestement. Nous en avons commis et nous en commettrons ; c’est fâcheux, mais c’est normal […]. Ce qui est moins normal c’est le refus de reconnaître nos erreurs, c’est l’auto-justification perpétuelle qui sous-tend trop souvent les propos tenus au nom de l’Organisation » ; ibid., p. 23-24. p. 39-40 : chap. V : « Dysfonctions et anomalies dans l’exécution du programme » : « le fait que l’on ne se livre jamais à une évaluation objective des résultats du programme. »
[298] Ibid., p. 47 : chap VI : « Evaluation insuffisante des résultats du programme ».
[299] Ibid., p. 48-50.
[300] Lien-Link n° 83 : « De Bucarest à Abidjan :Un itinéraire atypique », par E. R.
[301] Interview Deleon. « langue de bois » ; « pesanteurs administratives ».
[302] Interview Batisse.
[303] Interview Foecke.
[304] Interview Tocatlian.
[305] M. Prévost, op. cit.
[306] Report of the US delegation to the 17th session of the general conference ..., doc. cit., p. 22-23.
[307] X 07.21 (44) D, II : UN/17 C/4, transmission de M. Maillard à Maheu d’un « mémorandum sur la conception générale d’un plan à moyen terme pour l’Unesco », que le gouvernement français a adressé le 1er septembre 1972 à Prem Kirpal, président du conseil exécutif, 12 p., 19 septembre 1972, p. 1 et 5.
[308] Report of the US delegation to the 17th session of the gen. conf., doc. cit., p. 22-23.
[309] DG/74/15, 23 nov. 1974, p. 9, 14-15.
[310] J.-P. Lycops déplore « l’absence d’idées et d’esprit créateur » des agents de l’Unesco ; « la première qualité requise pour y travailler est d’avoir le plus de diplômes possibles, pas trop d’originalité dans son curriculum vitae, d’être un bon élément selon les normes du système de valeurs socio-culturelles occidentales, et surtout d’être bien introduit, par conséquent être sans contestation un transmetteur du modèle » (J.-P. Lycops, op. cit., p. 187).
[311] Hervé Ngao, Les activités opérationnelles de l’Unesco. Acteurs, mécanismes et instruments juridiques, op. cit.
[312] Interview Deleon.
[313] H. Amblard, P. Bernoux, G. Herreros, Y.F. Livian, Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Paris, Seuil, 1996, 244 p. Catherine Ballé, Sociologie des organisations, Paris, PUF, Que sais-je, n° 2499. Philippe Bernoux, La sociologie des organisations, Paris, Points Seuil, 1985. J-F. Chanlat et Francine Séguin, L’analyse des organisations. Une anthologie sociologique, 2 tomes, Québec, Gaetan Morin, 1992. Y.-F. Livian, Introduction à l’analyse des organisations, Paris, Economica, 1995. Claude Lafaye, Sociologie des organisations, Paris, Nathan, coll. 128, 1996. Michel Crozier, A quoi sert la sociologie des organisations ? Tome 1 : Théorie, culture et société ; et Tome 2 : Vers un nouveau raisonnement pour l’action, éditions Serli Arsan, 2000. Michel Crozier, Le phénomène bureaucratique, 1964, Paris, Points Seuil. Michel Crozier et Erhard Freidberg, L’acteur et le système, Paris, Points Seuil, 1977, 436 p. Erhard Freidberg, Le pouvoir et la règle. Dynamiques de l’action organisée, Paris, Seuil, 1993. J.C. March, H.A. Simon, Les organisations, problèmes psycho-sociologiques, Paris, Dunod, 1991, 243 p. (1e édition, 1964). Cet ouvrage analyse la satisfaction au travail, les relations interpersonnelles, les conflits personnels et les conflits entre groupes (p. 110-125), l’initiative et l’innovation (p. 168-191). R. Sainsaulieu, L’identité au travail, Paris, FNSP, 1977. Claude Dubar, La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, A. Colin, coll. U, 1991.
[314] Jeanne Penaud (dir.), La fonction publique internationale. Lexique commenté, Paris, La Documentation française, 1997, 336 p. « Fonctions publiques : coopérations internationales », in Service Public, janvier-février 2002, n°86, p. 4-25. Jacques Lemoine, The International Civil Servant : An Endangered Species, The Hague, Kluwer Law International, 1995, 13, 363 p. Alain Pellet, David Ruzié, Les fonctionnaires internationaux, Paris, PUF, 1993, 127 p.
[315] William H Whyte, The Organization Man, Simon and Shuster, New York, 1956, 429 p. Chap. 3 : « the neuroses of organization man », p. 141-170.
[316] J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 46 : « my energy sapped ».
[317] Ibid., p. 53-65, et p. 104 : « I seem to be a maniac-depressive type, perhaps by inheritance from my grandfather ».
[318] EU, box 1601 : rapport hebdomadaire de K. Holland, 15 mars 1950.
[319] J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 146 : « aislado ». Titre de l’ouvrage : « El desierto internacional ».
[320] Ibid., p. 293 : « En los corredores del Majestic, los empleados y la taquigrafas de la Unesco me designaban como el « DG ». Para ellos, no era yo un hombre de carne y hueso […] sino una sigla ».
[321] Ibid., p. 293 : « a partir de las nueve de la manana, estaba condenado a consejos, reuniones, acuerdos, visitas, cartas, ciculares y llamadas telefonicas incesantes ».
[322] Ascher, box 146 : lt. de Walter Sharp à Ascher, 28 juin 1950: « He was in a high state of nervous tension at Florence and many of his interventions seemed surprisingly erratic. Nobody could quite figure out what he was up to on program, budget, or « peace » ».
[323] OHRO, interview de Luther Evans, p. 370 : « burnt out ». « He had worked very hard. He is a very intense man. He tackles his work with a tremendous drive ».
[324] OHRO, interview Evans, p. 574 : « frustrations ». « to make trouble ».
[325] Interview Jean Larnaud. P.Jones, op. cit., p. 101 : « frailty », « who quickly succumbed to the stresses of the job » (« fragilité » de Veronese, « qui a rapidement succombé aux tensions du travail ») ; interview R. Keating.
[326] M. Prévost, op. cit., p. 79-80.
[327] EU, box 1568 : lt. confid. de Kellermann, de l’ambassade américaine de Paris, au département d’état, 6 juillet 1959, 11 p., p. 1. « to crack up » ; Kellermann se dit frappé « not only by his poor physical shape but by his tenseness and extreme nervousness ». De l’avis des membres du conseil exécutif et du Secrétariat il montre depuis plusieurs semaines des « symptoms of exhaustion and distress ». « He had left staff meetings abruptly and without evident cause, sometimes breaking off in the midst of a report. He had failed to show up at the office and had stayed in bed simply because he said he could not face certain troublesome organizational problems. He complained to members of the staff and outsiders about fatigue and depression ».
[328] OHRO, interview Evans, p. 693 : « Veronee had a nervous breakdown in front of the board in early june after he had been DG for six months. He threw his glasses away ; he threw his papers up in the air ; he broke down and said that he wasn’t capable of doing the job and they had to carry him out ».
[329] Ibid., p. 2-3. « It was not an extraordinary accumulation of work but the unaccustomed and possibly unexpected routine of the Organization which caused the strain and eventually the breakdown. It must be admitted that the complicated structure of the Organization, the wide dispersal of its manifold activities, on the one hand, and its limited resources, on the other, compounded by the conflict of interests among Member states competing for funds, make the administration of Unesco an extremely complex and at times exasperating job. Although each of the previous DG tried to deal with it in his way, none has been able ever to satisfy all members. Conceivably, the scope of the task has not been apparent to Dr. Veronese as long as he was chairman of the Board, but it seems to have hit him full force, once he became the DG. The discovery of the very magnitude of his new area of responsibilities may have surprised and depressed Dr. Veronese who is a very emotional and sensitive person, more than it would have an ordinary person ». « a feeling of his unpreparedness for the job » ; « he was ‘pushed’ into accepting his candidacy ».
[330] M. Prévost, op. cit., p. 80-81, citant plusieurs témoins. EU, box 1568 : lt. confid. de Kellermann, ambassade américaine de Paris, au département d’état, 6 juillet 1959, 11 p., p. 3 : « I am resigning from the job. This is my resignation » ; Ibid..., p. 1. « the clinical picture is not very clear ». « Dr. Veronese has never been a completely well man ». Il aurait été reformé de l’armée à 32 ans pour cause d’arthrite chronique, et porterait un corset en acier. Il aurait également des problèmes au foie, une hépatite et la jaunisse (« a very enlarged liver » ; « an acute cas of hepatitis » ; « jaundice »).
[331] 60 EX/décisions, p. 27, point 16.3.1 : « acceptation de la démission du DG et hommage à M. Veronese ».
[332] D. Mylonas, op. cit., p. 402-403. Fin 1947, le secrétariat compte 557 membres. Journal de la conférence générale de 1947, vol. I, 4e séance plénière, 8 nov. 1947 : intervention de S. Radakrishnan, p. 62. J. Huxley, Memories, II, op. cit., p. 17 : « the difficult business of recruiting staff » ; RU, ED 157/32 : février 1955 : A brief appraisal of the education programme of Unesco, 13 p., p. 9-11.
[333] Ibid., p. 9-11. EU, box 1603 : telespresso n°01023, de l’ambassade d’Italie en France, adressé au ministère des affaires étrangères italien, 22 janv. 1948.
[334] RU, BW 2/185, Note on Unesco as at 1.8.1946, par B. Kennedy Cooke, le 2 août 1946. « Unesco has recruited to its staff some very curious people, most of whom have little or no standing in the field they are supposed to control ».
[335] RP/1/49, 14 janvier 1949 : article de Alan Moorehead (membre de la délégation britannique), in Liverpool Daily Post, 17 décembre 1948.
[336] E. Delavenay, op. cit., p. 338, 353.
[337] Ibid., p. 344.
[338] EU, box 1568 : lt. confid. de George N. Shuster, président de Hunter College, à Christian A. Herter, secrétaire d’état, 26 juin 1959 ; « the developing sense of confidence and direction in the Secretariat itself » ; « the best people in the Secretariat now have the feel of their jobs. They constitute a nucleus which will function well as a group and yet not suppress individual initiative ».
[339] EU, box 823 : mémorandum de conversation entre Maheu et Harlan Cleveland, 5 juillet 1961, p. 4 ; M. Prévost, op. cit., p. 170-171.
[340] EU, box 824 : lettre de G. Shuster à Dean Rusk, 15 décembre 1961, 5 p., p. 1.
[341] Ibid., p. 1; RU, ED 157/32, fév. 1955 : « A brief appraisal ... », p. 9-11.
[342] Esther Dartigue, op. cit., p. 216 ; interviews Dumitrescu, Batisse. Journal Métraux, passim.
[343] EU, box 3224 : rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cit., p. 45.
[344] Lien-Link n°83 : « De Bucarest à Abidjan : un itinéraire atypique », par E. R. ; M. Prévost, op. cit. ; interview Tocatlian.
[345] interview R. Keating.
[346] P. Lengyel, op. cit., p. 36-37.
[347] J.-C. Clorennec, op. cit., p. 85, 88.
[348] Ascher, box 147 : confid. report of the advisory committee of experts, avril 1948, 67 p., p. 4 : « the task of creating Unesco would have been simplified in a less troubled period of history » ; « the morale both of men and organization is sapped by uncertainty and insecurity ».
[349] Ascher, box 148 : Mercury, juin 1948, n° 50, p. 2, editorial, p. 6.
[350] interview Lévi-Strauss.
[351] O. Felgine, op. cit., p. 386.
[352] Article nécrologique dans Le Monde, 14 fév. 1984, « La mort de l’écrivain Julio Cortazar. Un maître du conte fantastique », par Claude Couffon, p. 1 et 15. L’écrivain argentin naturalisé français Julio Cortazar a fait à partir de 1953 des travaux de traduction pour l’Unesco.
[353] Biogr. Soupault : PER/Rec.1/218 : Philippe Soupault a été employé plusieurs fois par l’Unesco entre 1947 et 1954 pour des missions de courte durée.
[354] Interview Lévi-Strauss.
[355] Alfred Métraux, Pierre Verger, Le pied à l’étrier, …, op. cit., p. 215-216 : lt. de Métraux à Verger, 7 sept. 1955 ; p. 239-241 : lt. de Métraux à Verger, 20 fév. 1957. L’Unesco représente surtout pour lui un moyen d’obtenir le financement de voyages lointains pour mener ses recherches ethnologiques.
[356] Contacts de civilisation en Martinique et Guadeloupe. Alfred Métraux, Pierre Verger, Le pied à l’étrier, correspondance, p. 185-186. Lettre de Métraux à Verger, 4 nov. 1953 : pour son anniversaire, Leiris a promis à Métraux de « terminer son pensum pour l’Unesco » ; Biogr. Leiris : Contrat entre Leiris et l’Unesco, du 16 fév. 1951 : en 1951, Leiris est payé 27 500 F pour un article de 1500 mots sur le thème du racisme.
[357] Journal Métraux, 8 juin 1954 : « Rédaction d’un pensum pour Koffler ».
[358] Interview Lévi-Strauss.
[359] Journal Métraux, 8 juin 1954. Alfred Métraux, Pierre Verger, Le pied à l’étrier, op. cit., p. 185-186. Lettre de Metraux à Verger, 4 nov. 1953. O. Felgine, op. cit., p. 380 : Caillois, « de son propre aveu, s’ennuie à l’Unesco » ; p. 386 : « Trouvant son travail de fonctionnaire trop fastidieux, et s’ennuyant ferme ».
[360] O. Felgine, op. cit., p. 387 : Felgine cite les paroles de Jean d’Ormesson : « Caillois s’est beaucoup investi dans Diogène. C’était sa revue, son affaire jusqu’à sa mort. Il lui consacrait beaucoup de temps, beaucoup de cœur, une activité importante. Il était payé par l’Unesco, moi par le CIPSH. Mais c’était à Diogène qu’il respirait. Il s’échappait dès qu’il le pouvait pour nous rejoindre. Ici, c’etait plus familial, moins bureaucratique, moins discipliné ».
[361] EU, box 2254 : memorandum to the secretary on the Unesco conference at Beirut, nov. 17-dec. 11 1948, par George V. Allen, président de la délégation américaine, p. 1 : « the intellectual aridity and low level of discussion, the absence of outstanding addresses, the inadequate character of many delegations ».
[362] Article 1.4 du statut et règlement du personnel.
[363] Journal Métraux, 12 fév. 1953 : sa réaction lorsqu’on lui annonce cela : « Je pique une crise de rage et, dans l’emportement, j’annonce à Koffler que je n’écrirai plus une ligne pour lui et à Steinhaus que je cesse toute collaboration avec ses services. Schneider finit par me calmer en m’assurant qu’une commission étudiera la question et que l’article sera soumis à la prochaine conférence générale » ; ibid., 19 fév. 1953 : cependant, ce règlement est en vigueur dans les administrations françaises.
[364] 5 A 54/51 Survey of the Main Trends ..., I : lt. d’Auger à Maheu, 28 oct. 1958.
[365] M. Prévost, op. cit., p. 161.
[366] Ascher, box 145 : lt. de Donald C. Stone, assistant director in charge of administrative management, à Huxley, 8 août 1946, 4 p. : « working under such very difficult time pressure ».
[367] Lien-Link n°82 : « Ma longue histoire d’amour avec l’Unesco », par Emile Delavenay.
[368] RU, ED 157/32, lettre de F.R. Cowell, 4 novembre 1955, à Sir Ben Bowen Thomas. « the tremendous pressure of work and sick leave of the staff over the last 6 weeks or more ».
[369] Interview P. Koffler.
[370] Alfred Métraux, Pierre Verger, Le pied à l’étrier,…, op. cit., p. 75 : lettre de Métraux à Verger, 24 juin 1947 ; p. 144-145 : lettre de Métraux à Verger, 15 juillet 1952 ; journal Métraux, passim.
[371] EU, box 1600 : télégramme confidentiel de Kenneth Holland au département d’état, 27 janvier 1950, 4 p. : « have been under such constant strain and working such long hours that their health is being seriously jeopardized » ; « more and more of the members of the secretariat are becoming ill and very tired ».
[372] EU, box 1601 : rapport hebdomadaire de K. Holland, 9 mars 1950 : « very discouraged over the condition of morale of the Secretariat and believes that some change must come about if the organization is to make any real progress ».
[373] EU, box 1601 : rapport hebdomadaire de K. Holland, 15 mars 1950.
[374] Collection du journal Mercury, docs. cités. Ex : juin 1948, n° 50, p. 40.
[375] Ascher, box 147 : confid. report of the advisory committee of experts, avril 1948, 67 p., p. 64 : « identify itself » ; « a sense of unity » ; « a sense of anonymity ».
[376] J. Torres Bodet, op. cit., p. 58 : « La Unesco tenia que trabajar con un personal que se sentia permanentemente frustrado ». « Beaucoup des fonctionnaires de l’Unesco […] avaient abandonné des tâches claires et perceptibles dans leurs pays d’origine pour entrer soudain dans un bureau où leur tâche habituelle consistait, la plupart du temps, à essayer que d’autres réalisent, à des milliards de kilomètres de distance, des choses que ceux-ci n’avaient pas envie de faire ». (« Muchos de los funcionarios […] habian abandonado tareas claras y perceptibles en su pais de origen, para entrar de pronto en una oficina en la que su deber habitual consistia, las mas de las veces, en procurar que otros realizasen, a millares de kilometros de distancia, lo que no tenian ganas de hacer »).
[377] E. Delavenay, op. cit., p. 338, 341. M. Prévost, op. cit., p. 143 : « J’ai connu au secteur des sciences de remarquables spécialistes, qui n’arrivaient pas à organiser leur travail dans le cadre administratif qui leur était offert ».
[378] E. Delavenay, op. cit., p. 403.
[379] J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 18 : « pesarosa incredulidad ».
[380] RU, FO 371/88915 : mémorandum de Paul Matthews au Foreign Office, 26 janv. 1950, p. 4. Et M. Prévost, op. cit., p. 8 : « Nous plaisantions gentiment l’organisation qui nous employait. L’Unesco, disait l’un, c’est un fromage dans un nuage. Et l’une de mes collègues du ‘Bureau des idées’ versifiait : « Unesco is an Island/ Where are living Uneskimos... » Elle ajoutait : « The trouble, with Unesco, is : it bubbles, but it does not fizz » » (l’ennui, avec l’Unesco, c’est qu’elle fait des bulles, mais ne pétille pas) » : critique de l’absence de résultats concrets. M. Prévost, op. cit., p. 31 : une rumeur circulait dans les couloirs, selon laquelle André Maurois projetterait d’écrire l’histoire de l’Unesco en trois volumes : « Ariel ou la vie de Huxley » ; « les discours du Dr. Torres Bodet » ; « les silences du Dr. Taylor » (parodie des titres des ouvrages d’A. Maurois).
[381] Ascher, box 147 : confid. report of the advisory committee of experts, avril 1948, 67 p., p. 64.
[382] J. Huxley, « Unesco: the first phase... », art. cit., 11 août 1950, p. 4-6 : « the strain and frequent frustration of those two difficult years in Paris, during which he occasionaly began wondering whether his work was being on any value » ; « the sense of frustration came from trying to achieve quick results with inadequate techniques ».
[383] Le pied à l’étrier, op. cit., p. 204-205 : lettre de Métraux à Verger, 12 fév. 1955 : « L’Unesco n’est pas propice à la rédaction. »
[384] Journal Métraux, 5 février 1955.
[385] Ibid., 13 septembre 1955.
[386] Journal Métraux, 5 fév. 1952, 5 mars 1952, 13 mars 1952, 27 sept. 1954 : « Longue conversation avec Destombes au sujet du pensum qui m’est infligé ». 30 sept. 1954 : « longue conversation avec Destombes au sujet du pensum qui me tombe sur le dos. Il ne sait absolument pas ce qu’il veut » ; 21 oct. 1952 : « cet affreux pensum ».
[387] SCHM 10 : Lettre de J. Thomas à Carneiro, 9 sept. 1952 ; SCHM 17 : lt. de Huxley à Carneiro, 27 nov. 1953.
[388] RU, ED 121/745 : lt. de Ritchie Calder à Miss Guiton, 4 nov. 1958. « frustrated » ; « The morale is appalling ».
[389] Lien-Link n° 82, « Luther H. Evans, ‘Librarian’ et Directeur général », par Gérard Bolla.
[390] M. Prévost, op. cit., p. 63.
[391] EU, box 820 : rapport de Wilbur Schramm, janv. 1960, 8 p., p. 4 : « in a hyper-stimulated state almost like intoxication ».
[392] Veronese, carton 32 : lettre manuscrite de Maheu à Veronese, 10 juin 1960.
[393] SCX/PRIV.6, 64 EX/PRIV/SR.1 (prov), 1er avril 1963, p. 3.
[394] EU, box 4247 : confidential, « Some miscellaneous observations on Unesco’s 65th executive board meeting », Paris, april 29th-may 17th, 1963, by William Benton, 14 p., p. 2-3 : « Chairman Beeby is afraid Maheu may breakdown ; he came close to it during the Board’s session, according to Beeby, one morning in his office ».
[395] Lien-Link n°80 : nécrologie de Jacques Havet par Nicolas Bodart et René Ochs.
[396] M. Prévost, op. cit., p. 141-142. « Je me trouvais bureaucrate, placé dans un appareil bureaucratique ».
[397] Lien-Link n°83 : « La deuxième génération de stagiaires », par Anne Willings Grinda. Elle est entrée à l’Unesco en 1963.
[398] Lien-Link n°83 : « De Bucarest à Abidjan : un itinéraire atypique », par E. R.
[399] Interview Grinda : « Dans les premières années, l’ambiance n’était pas du tout la même que dans les années 1970 : comme il y avait relativement peu d’Etats membres, tout le monde se connaissait bien. Il y avait un très grand idéalisme. Peu à peu, cet idéalisme s’est perdu ». Et interviews Batisse et Bolla.
[400] P. Lengyel, op. cit., p. 40-41. « Alpert was not happy in the Parisian bureaucracy ».
[401] Evaluation critique du PEMA, op. cit., p. 155-157.
[402] 3 A 31 : Equality of rights ... : « Activities and Procedures of Unesco », « Hearing before a subcommittee of the Committee on foreign relations United States Senate », 88e congrès, 1e session, 4 mars 1963, p. 25.
[403] Rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cit., p. 140-143 : analyse les différentes causes de la démoralisation qui affecte une importante partie du personnel : « l’autoritarisme » ; « l’esprit de clan » ; « le défaitisme » ; « la solitude » ; « la discrimination raciale » ; « le manque de respect de la personne » ; « la trop grande spécialisation des fonctions ».
[404] Liliane Sichler, « Vie moderne : le mal de vivre de l’Unesco », in L’Express, 20-26 juillet 1970, p. 32-33.
[405] Rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 17, 23, 61-63, 71, 139, 142-143. (« adhésion à la lettre plutôt qu’à l’esprit des règlements, encouragement à la flatterie des supérieurs »).
[406] Ibid., p. 141-143.
[407] Ibid., p. 141, cité dans Jean-Luc Mathieu, Les institutions spécialisées des Nations Unies, Paris, Masson, 1977, p. 218.
[408] Liliane Sichler, « Vie moderne : le mal de vivre de l’Unesco », in L’Express, 20-26 juillet 1970, p. 32-33.
[409] Ibid.
[410] EU, box 3225 : airgram de Blake, de l’ambassade américaine à Paris, au département d’état, au sujet de : « Malaise at Unesco : young staff leading revolt against DG’s leadership », 25 avril 1970, 3 p.
[411] RU, OD 24/144 : J.A. Burgess, 14 septembre 1971, à Smith: « The DG is always sick » ; « highly inconvenient indispositon » ; le personnel est « severely schocked by the deterioration in his physical condition ».
[412] « What price culture ? », émission de radio diffusée sur la BBC, nov. 1971, doc. cit.
[413] Biogr. Maheu : allocution de Maheu devant le personnel le 14 novembre 1974, à son départ : « J’ai été fier de vous aussi par le sens croissant que j’ai trouvé chez vous de vos responsabilités internationales. Quand nous avons commencé, il y a 28 ans, nous ne savions pas très bien ce qu’était le service international. Il a fallu que nous inventions cet esprit […]. Nous avons tous, les uns et les autres, une conscience plus claire, à la fois de nos devoirs et de notre dignité. Nous savons mieux ce que l’on attend de nous ».
[414] M. Prévost, op. cit., p. 325.
[415] J.-P. Lycops, op. cit., p. 193.
[416] M. Prévost, op. cit., p. 316-318. Lettre de démission adressée par Prévost au directeur général en septembre 1993.
[417] EU, box 827 : report of the US delegation to the Unesco meeting of experts on general secondary education in Arab states, Tunis, Tunisia, 23 août 1962-1er sept. 1962, soumis au secrétaire d’état par H. Emmett Brown, président de la délégation (et seul membre de cette délégation), 17 sept. 1962, 12 p., p. 2-3. « the Unesco personnel were sincere, hard working, and doing a job in whose importance they believe ».
[418] E. Delavenay, op. cit., p. 351.
[419] OHRO, interview Evans, p. 711.
[420] Esther Dartigue, op. cit., p. 225-227.
[421] Interview Batisse.
[422] Journal Métraux, 20 décembre 1954 : « Je reçois la visite de M. Palmer qui part pour Santa Cruz au titre de l’assistance technique. Brave type qui aime fumer la pipe, croit séduire les masses avec son piano et qui se réjouit d’être dans les tropiques. J’entretiens son optimisme ». Interviews Lévi-Strauss et Batisse : désillusion lors de leurs missions sur le terrain.
[423] Interview Rex et Elise Keating ; Benton, box 400 : lt. de Benton à R. Wade, 23 nov. 1964 : prône un tel roulement pour pallier au problème du moral du personnel sur le terrain.
[424] Alfred Métraux, Pierre Verger, Le pied à l’étrier, …, op. cit., p. 104-106, lettre du 3 avril 1949 ; p. 107: « les habitants mouraient lentement de faim ».
[425] Claude Auroi, « Métraux et les Andes », art. cit., p. 17-18.
[426] 375 (729.4) A 61, XVIII : lt. d’Opper à Bowers, 17 avril 1951 : « I admire your courage. Good luck ». « I hope that one day I shall again be able to become an Unescan ».
[427] 330.19 (8) A 01 IIHA, IV : rapport confid. de Corner à Auger, 15 oct. 1948, 4 p. ; il déplore les calomnies qui auraient été prononcées contre lui au Siège de l’Unesco, dans son dos.
[428] En oct. 1962, van der Haagen écrit à L. Christophe qu’il démissionne (069(62)N/Christophe : lettre personnelle de van der Haagen à Christophe, 19 oct. 1962). En 1963, Christophe est mécontent, aigri, parce qu’il n’est pas reconnu par ses collègues, parce que ceux-ci empiètent sur ses responsabilités (069(62)N/Christophe : lettres de Christophe, 1963) ; Nubie (375 (729.4) A 61, XVII : lt. de Bowers à Opper, 29 sept. 1950) ; IIHA (330.19 (8) A 01 IIHA, IV: lt. de Corner à Auger, 8 nov. 1948, confidentiel ; I : télégramme non daté de Corner : Corner envoie à l’Unesco un télégramme disant qu’il démissionne à cause de l’absence de sécurité du contrat proposé et de l’ingratitude de sa situation sur le terrain).
[429] C’est le cas par exemple des experts envoyés par l’Unesco sur le projet d’éducation de base à Dujaila en Irak en 1953 (ONU, RAG-2/330, box 107 : rapport de R. Habbab à T. Nasr, juill. 1953, p. 2. « the almost impossible circumstances in which they are working. [...] hopeless project » ; RU, FO 371/107191 : lt. de J.L. Nevinson à E.R. Warner, 30 juin 1953 : « extreme difficulties »).
[430] RU, FO 371/97165 : rapport confid. de C.F. Capper à R. Allen, 3 mai 1952.
[431] RU, FO 371/97165 : lt. confid. de Capper à Allen, 29 juill. 1952.
[432] RU, FO 371/97165 : lt. confid. de R. Allen à C.F. Capper, 28 juin 1952 ; lt. confid. de Capper à Allen, 29 juill. 1952.
[433] 375 (86) A 63 VP : ED/OCC/9 : A family living programme, Viani, Columbia : projet dirigé d’abord par Sanchez en 1948, puis par Miss Cappo en fév. 1950.
[434] 375 (666) TA /AMS : extrait d’un mémorandum confidentiel de B. Hollinstead, 6 mars 1957. « difficult. It takes an unusual personality to succeed there, so I am not surprised that some of our mission people have had great difficulty ».
[435] 330.19 (8) A 01 IIHA, I : lt. de Carneiro, délégué permanent du Brésil auprès de l’Unesco, à Huxley, 16 avril 1947 ; lt. de Corner à Purnell, 19 déc. 1947.
[436] 330.19 (8) A 01 IIHA, II : lt. de Corner à Malina, 9 fév. 1948 ; lt. de Corner à Malina, 18 fév. 1948 ; « we are plodding on ». Son assistante est dona Heloisa Torres.
[437] 330.19 (8) A 01 IIHA, II : lt. de Corner à Purnell, 19 déc. 1947 : « who would not be moody catapulted into these curious countries, alone » ; « confusion of thought » ; « I know that this project is terribly distant from the interest and appreciation of most persons in Unesco » ; IV : lt. de Corner à Auger, 2 oct. 1948.
[438] 330.19 (8) A 01 IIHA, IV : lt. de Corner à Auger, 15 oct. 1948, 4 p. ; « singular silence » ; « I am despondent of the likelihood of receiving any help in this direction from Unesco ».
[439] 330.19 (8) A 01 IIHA, IV : lt. de Corner à Auger, p. 1-2 : « has since deteriorated so completely that I have been practically without any news or documents from Unesco since june. I have never been so isolated, scientifically ».
[440] 330.19 (8) A 01 IIHA, IV : lt. de Corner au DG, 20 oct. 1948, 3 p.
[441] 330.19 (8) A 01 IIHA, IV : lt. de Corner à Auger, 23 oct. 1948 : « Ridicule » ; « the gigantic task of setting up an Interim Commission Secretariat ». « no one in Unesco House was prepared to help me, even if they had the time then to do so. »
[442] 330.19 (8) A 01 IIHA, IV : lettre confidentielle de Celia Neves au DG, 6 nov. 1948, p. 7.
[443] 330.19 (8) A 01 IIHA, IV: lt. confid. de Corner à Auger, 8 nov. 1948 : « I can get no help. The people who want to work for Unesco in Paris will never want to work in the Amazon region ». « I am too tired to take on this task, and the only way that I can show that there are limits to human endurance is to resign. Why should I lose my family life in order to work at a third-rate diplomat and acountant and clerk, when I could rejoin my family in England and continue my proper work at the University ? The Hylean Amazon project has changed so much since I was first asked to assist that I cannot recognize it. […] I am surprised that Unesco should not have realised that an International Secretariat cannot be set up and maintained in three langages by one senior officer, particularly in Manaus. But Unesco seems not to pay attention to practical matters. If you refers to my letters, especially to this year, you will see that I have been trying all the time to get these practical difficulties solved or realised. It is too late now, and I am going ».
[444] 330.19 (8) A 01 IIHA, IV : lt. confid. de Malina à Auger, 19 nov. 1948 : « stage of panic ». « do a great deal of harm to the prestige of Unesco in Brazil ». Peu après, Corner écrit à Auger qu’il est « extrêmement blessé » du ton des dernières lettres de lui et du DG. Il leur reproche leur manque de compréhension (330.19 (8) A 01 IIHA, IV : lt. de Corner à Auger, 27 nov. 1949 : « extremely grieved ») ; début decembre 1948, Neeves écrit à Auger que Corner a « perdu ses esprits », qu’il est « au bord d’une grave dépression nerveuse » ; elle estime que l’Unesco devrait le rappeler à Paris (lt. de Neeves à Auger, 1er déc. 1948 : « out of his mind » ; « I really believe Dr. Corner is on the verge of a very serious nervous breakdown »).
[445] M. Jeaume en 1952 (Journal Métraux, 25 août 1952, p. 382), M. Hartlig en 1953 (Journal Métraux, 23 mars 1953, p. 485) ; Monographie sur l’éducation de base n°4, p. 53 ; 375 (729.4) A 61, XVIII : télégramme du 23 fév. 1951 par Kadhim ; 375 (729.4) A 61, XVIII : New York HeraldTribune, 9 mars 1951, p. 4 : « Learning - by failing. Unesco project in Haiti fares poorly, but other areas may benefit from the experiment », par Peter Kihss ; Journal Métraux, 25 août 1952, p. 382 ; 23 mars 1953, p. 485.
[446] 375 (729.4) A 61, XIII : lt. de Bowers à ADG éducation, 19 sept. 1949 : rapport final de sa mission en Haïti du 19 août au 13 sept. 1949 ; VI : lt. de Rex à Bowers, 25 nov. 1948 ; 375 (729.4) A 61, VIII : lt. de Bowers à Beeby, 19 avril 1949.
[447] 375 (729.4) A 61, V : lt. de Bonhomme à Bowers, 26 août 1948 ; X : mémoire au secrétaire d’état de l’éducation nationale d’Haïti, 17 juin 1949, par A. Bonhomme ; X : lt. de Bonhomme à Bowers, 17 juin 1949 ; X : lt. de Bonhomme à Bowers, 22 juin 1949 ; X : lt. de Métraux à Bowers, 24 juin 1949 ; X : lt. de Métraux à Bowers, 24 juin 1949 ; X : 1er rapport de Ballesteros, 27 juin 1949 ; X : lt. de Bonhomme à Bowers, 27 juin 1949 ; X : lettre du malariologiste G. Desvarieux à Ballesteros, 28 juin 1949 ; XI : lt. de Ballesteros à Bowers, 6 juill. 1949 ; XI : rapport de Bonhomme, 7 juill. 1949 ; XI : lt. de Desroches à Ballesteros, 12 juill. 1949 ; XI : lt. de Ballesteros à A. Vieux, 7 p., 14 juill. 1949 ; XII : journal haitien Sud-Ouest, journal de Jacmel, 12 août 1949, p. 1 et 4 : article « Accroc à l’expérience » ; XII : lt. de Bonhomme à Bowers, 13 août 1949 ; XII : pétition adressée à Bowers, 23 août 1949 ; XI : lt. de G.L.Carnes à W.Farr, 29 juill. 1949 ; XII : Mission to Haïti, by M. Bowers, report of activities up to august 27, 1949 ; XII : pétition des habitants, 30 août 1949 ; XIII : lt. de Ballesteros à Bowers, 27 sept. 1949 ; XIII : lt. de Bowers à ADG éducation, 19 sept. 1949 ; XIII : rapport du 27 sept. 1949, 5 p. ; XVII : lt. de Grenoilleau à Bowers, 10 oct. 1949 ; XIII : lt. de Torres Bodet à Ballesteros, 18 oct. 1949 ; XIV : lt. de Ballesteros à Bowers, 7 nov. 1949.
[448] RU, FO 371/88915 : lt. de M. H. Dorman à Miss Salt, Foreign Office, 20 mars 1950 ; 375 (729.4) A 61, I a : article du journal haïtien Le Matin, 2 mars 1949 ; EU, box 1603 : lt. de W. Alan Laflin à William C. Brister, 9 fév. 1950 ; EU, box 1602 : rapport de John H. Burns, 23 mars 1950 ; 375 (729.4) A 61, XV : lt. de J. Torres Bodet à Raymond Doré, 22 nov. 1949 ; XVI : lt. de M. Grenoilleau au Dr. George Miller, 26 janv. 1950 ; EU, box 1600 : télégramme confid. de K. Holland au département d’état, 6 fév. 1950 ; 375 (729.4) A 61, XVII : lt. de Bowers à Opper, 29 sept. 1950.
[449] 375 (729.4) A 61, XVIII : telegramme de Kadhilm, 23 fév. 1951 ; New York Herald Tribune, 9 mars 1951, p. 4 : « Learning - By Failing. Unesco Project In Haiti Fares Poorly, But Other Areas May Benefit From the Experiment », par Peter Kihss ; XX : rapport de M. Akrawi au DG, 15 sept. 1952.
[450] 375 (729.4) A 61, XI : lt. de Ballesteros à Bowers, 7 juill. 1949 : au sujet de Métraux : « après son long séjour sous les tropiques, il est si fatigué qu’il ne se tient debout que grâce à son esprit indomptable et son enviable vitalité » ; Alfred Métraux, Pierre Verger, Le pied à l’étrier, …, op. cit., p. 104-106 : lettre de Métraux à Verger, 3 avril 1949 : « Ma vie ici s’est figée à un tel point que je n’ai plus la notion du temps. […] Le projet de Marbial végète et prend un caractère de plus en plus sordide ».
[451] Monographie sur l’éducation de base n°4, op. cit., p. 51 ; 375 (729.4) A 61, III : lt. de Métraux à Bowers, personnel et confidentiel, 7 mai 1948 : une experte occidentale a attrapé la malaria ; lettre de Marshall à Bowers, 11 mai 1948 ; IV : lt. de Métraux à Bowers, 5 juill. 1948 ; VII : lt. de Métraux à Bowers, 17 janv. 1949, 7 p.
[452] 372/8/MP 01, IV : mémo de Ruth Froyland-Nielsen à Dartigue, 20 juill. 1959 ; lt. confid. de Diez-Hochleitner, à Bureau of Member States, 14 août 1959 ; l’experte itinérante Luz Vieira Mendez, alors à Pamplona, évoque le caractère ingrat et austère de sa tâche, les énormes « difficultés d’adaptation qu’il y a à vaincre », « la vie monastique qu’on doit mener, le tact et la patience qu’il faut avoir devant le caractère des gens et le fonctionnement de la ville » (372(8) MP 01 A 63 (86), III : lettre confidentielle de L. Vieira Mendez à O. Vera, 22 août 1962) ; IV : lt. d’Applegate à Vera, 5 oct. 1962 ; 372/8/MP 01 A 136, II : lettre de l’expert itinérant Alejandro Covarrubias à José Blat Gimeno, 3 juin 1964.
[453] Marbial : l’ambassade américaine à Port-au-Prince observe que le médecin de l’OMS, Dr. Grenoilleau, et l’infirmière, ont passé plus de 90% de leur temps à Port-au-Prince depuis qu’ils sont arrivés il y a cinq mois (EU, box 1602 : rapport de John H. Burns, 23 mars 1950, 4 p.) ; Métraux lui-même pendant son séjour passe une grande partie de son temps à Port-au-Prince (Journal Métraux : du 5 avril au 14 avril, il est à Port-au-Prince ; du 15 au 23 avril il est à Jacmel et dans vallée Marbial ; du 23 avril au 11 mai, il est à Port-au-Prince ; du 11 au 15 mai, il est au Vénézuela ; du 15 mai au 2 juin, il est au Brésil. Le 4 juin il est à Port-au-Prince. Les 5-6 juin : il passe deux jours à Marbial et Jacmel. 7-9 juin : Port au prince. 13-20 juin : Jacmel et vallée Marbial. Ensuite il part à New York).
[454] Ex : sur le projet de Marbial (375 (729.4) A 61, X : lt. de Métraux à Bowers, 24 juin 1949 ; XII : Mission to Haïti, by M. Bowers, report of activities up to august 27, 1949 ; XIII : lt. de Bowers à ADG éducation, 19 sept. 1949 ; XVII : lt. de Grenoilleau à Bowers, 10 oct. 1949 ; rapport de L. Bernot, p. 103, cité dans 375 (729.4) A 61, XXI : lt. de Lestage à Elvin, 11 août 1954) ; sur le Crefal (375 A 031 CREFAL confidential : lettre confid. du sous directeur général pour l’administration au DG, 9 mai 1974). De la corruption et du détournement de fonds se produisent à l’institut Unesco de la jeunesse en RFA en 1956 (061 A 01 UNESCO (43-15), II : lt ; de C.M. Berkeley au DG, 1er fév. 1957 : rapport de mission à Bonn, 3 p. : « The outlook is for the moment gloomy. « Unesco Institute » means, to most deputies, a « Skandal » last spring, when the then Director of the Youth Institute and his assistant publicly indulged in fistiouffs, an incident widely reported in the German press ».)
[455] Lien-Link n°86 : « Comment et pourquoi je suis entré à l’Unesco », par Roger Bordage.
[456] RU, FO 371/152330 : rapport confidentiel de Chancery, British Embassy, Vientiane, au South East Asia Department, Foreign Office, Londres, 27 avril 1960 ; communiqué de presse de Vientiane, non daté ; rapport confid. de J.M. Addis, de l’ambassade britannique de Vientiane, 27 avril 1960.
[457] Lien-Link n°86 : « Comment et pourquoi je suis entré à l’Unesco », par Roger Bordage. Il fait une mission de neuf mois à Yelwal, pres de Bangalore (Mysore), nov. 1953-août 1954.
[458] Ibid.
[459] Lien-Link n°86 : « Ma première mission pour l’Unesco », par Pierre Maes. « La première difficulté est venue de l’homologue qu’on m’avait attribué. Vaguement diplômé de l’université de Khartoum, il refusait d’effectuer des travaux qui lui paraissaient indignes de lui, tels que vérifier les questionnaires revenus des écoles […]. J’ai dû demander au ministre un autre homologue et sa désignation a demandé plusieurs semaines » ; « le gouvernement soudanais contingentait l’importation de boissons alcoolisées pour le grand public, mais le personnel diplomatique n’etait pas soumis à cete restriction. Les autorités soudanaises savaient que B. [le résident représentant] importait beaucoup de whisky qu’il écoulait sur le marché noir local, mais elles ne voulaient pas créer de problèmes avec l’ONU. Tous les agents de l’ONU à Khartoum éaient au courant. […] B. a voulu controler à son profit les importations des diplomates. Il a fini par etre muté par l’ONU ».
[460] EU, box 1562 : lt. de Henry Dearborn, 1er secrétaire d’ambassade américain au Pérou, au département d’état, 2 oct. 1957.
[461] 307 ( 666.8) TA : lt. de Francis Bebey à Henry de Jong, 22 nov. 1962.
[462] Lien-Link n°76 : « Souvenirs toujours vivants de mes missions au Cambodge » par Mariella Tabellini.
[463] M. Prévost, op. cit., p. 175-190 et 198-199 : il consacre davantage de pages à détailler son train de vie luxueux (belle maison avec domestiques, contacts avec les autres Européens, promenades en pirogue, soirées mondaines, fêtes, parties de chasse au sanglier dans la jungle ...) que sa mission pour l’Unesco.
[464] 307 ( 666.8) TA : rapport confidentiel de Vignes à Navaux, 8 sept. 1962.
[465] 307 ( 666.8) TA : rapport confidentiel de H. Vignes à Navaux, 14 nov. 1962.
[466] 375 (729.4) A 61, III : lettre de Métraux à Bowers, 10 mai 1948.
[467] 375 (729.4) A 61, III : lt. de Métraux à Bowers, 9 juin 1948 ; IX : lt. de Métraux à Bowers, 27 mai 1949 ; V : lt. de Bowers à Bonhomme, 18 sept. 1948 : Bowers reconnaît avec lucidité : « il nous est très difficile de nous rendre compte par correspondance et à si longue distance» de la situation ; XVII : lt. de Bowers à Opper, 29 sept. 1950 : il lui dit être « conscient des frustrations » que celui-ci connaît en Haïti, notamment les gros retards dans le versement des fonds. Il défend le Siège des accusations d’« inertie » et d’« inefficacité », et proteste qu’au contraire le Siège fait tout ce qu’il peut, et il l’engage à « patienter encore un peu » (« inertia », « inefficiency ». « if you could be patient a very little longer »).
[468] Interview Lestage.
[469] 375 (86) A 63 VP : lt. de F. Porta, conseiller technique de l’Unesco en Colombie, à Hughes, 24 nov. 1951.
[470] Ex : 375 (94) A 63 MRPSP : lt. de Richard Attygalle à Cottrell-Dormer, 25 mars 1955 ; réponse de Cottrell-Dormer à Attygale, 12 juill. 1955.
[471] 375 (86) A 63 VP : correspondance fournie entre Sanchez et le siège.
[472] 375 (86) A 63 VP : lt. de Bowers à ADG éducation, 13 avril 1949 ; « excellent reports », « first class work in Viani ».
[473] ONU, RAG 2/76 box 7 : lt. de B. Leitgeber à V.J.G. Stavridi, 31 oct. 1952.
[474] 37 : 362 .92 (5-011) « -66 » : III a : lt. de Fernig à Labouisse, 20 nov. 1956.
[475] 372/8/MP 01, IV : lt. de Ruth Froyland-Nielsen à Dartigue, 20 juill 1959.
[476] Esther Dartigue, op. cit., p. 120-121.
[477] 371.67 (666.8) TA : réponse de Meyer à Cassirer, 8 sept. 1965.
[478] 371.67 (666.8) TA : lt. de Jean Meyer à Henry Cassirer, 21 juin 1965 ; lt. de Cassirer à Meyer, 19 août 1965.
[479] Esther Dartigue, op. cit., p. 150, 159-160.
[480] EU, box 1562 : rapport de Henry J. Kellermann au département d’état, 21 oct. 1957.
[481] 061 A 01 UNESCO (43-15), II : mémo de W.H. Loper, directeur du département de l’éducation, au conseiller juridique de l’Unesco, 9 avril 1959.
[482] Journal Métraux, 2 fév. 1954.
[483] 375 (666) TA /AMS : lt. de B. Rudramoorthy à Bowers, 23 janv. 1957 : « really depressing for me here , maybe because I was rather too much exposed to the discouraging comments of some of the foreigners working here ».
[484] EU, box 1556 : lt. de Richard L. Jones, de l’ambassade américaine de Monrovia, au département d’état, 2 avril 1956.
[485] 375 (666) TA /AMS : rapport de mission au Libéria d’André Lestage au DG, 1er avril 1957, 5 p., p. 2.
[486] Ex : sur le PETV (Interview Pauvert ; Lien-Link n°83 : « De Bucarest à Abidjan : un itinéraire atypique », par E. R).
[487] 3 A 54/53, IV : mémo de S. Friedman à Mahdi Elmandjra, 30 mai 1967 : « l’atmosphère de très grande franchise et de compréhension mutuelle » ; lt. de S. Friedman à A. Bertrand, 14 avril 1967 ; mémo de S. Friedman à A. Bertrand, 21 juill. 1967 : « un climat de très grande compréhension, de courtoisie et de coopération ».
[488] Journal Métraux, 25 août 1952 : « Frottements entre directeurs, etc. » (p. 382). Et : « the alarming personality clashes », (P. Jones, op. cit., p. 70) in W. Laves et Ch. Thomson, op. cit., p. 143-144 ; M. Marshall, op. cit., p. 146 ; J. Opocensky, The beginnings of Unesco, op. cit., chap. 5 ; Unesco, Monographie sur l’éducation de base n°4, op. cit., p. 50 ; 18 EX/9, 29 nov. 1949, p. 1-2. cité dans P. Jones, op. cit., p. 69 ; dissensions entre Métraux et Yvonne Oddon (Le pied à l’étrier, op. cit., p. 100-102, 21 oct. 1948) ; Journal Métraux, 8 juill. 1952 : Métraux observe la tension dans l’équipe : « Jeanne [Sylvain] est renfermée, peu communicative, presque agressive. Yvonne [Oddon] est plutôt menacante » ; 375 (729.4) A 61, XII : Mission to Haïti, by M. Bowers, report of activities up to august 27, 1949.
[489] 25 EX/41, annexe I, 17 janv. 1951, p. 3.
[490] Entre Carneiro et Turner, entre Turner et Morazé, entre Turner et Febvre, entre Carneiro et G. Métraux, entre Carneiro et Evans, entre G. Métraux et Ware, etc. (SCHM 9 : lt. d’Evans à Carneiro, 16 sept. 1955 ; SCHM 18 : échange de lettres et télégrammes entre Carneiro et Turner ; lt. de Turner à Métraux, 10 nov. 1952 : « I am definitely disturbed by what seems to me the lack of cooperation by Morazé and Febvre » ; lt. confid. de Morazé à Ralph Turner, 29 sept. 1953, 3 p., p. 1-2 ; SCHM 17 : lt. de G. Métraux à Carneiro,10 oct. 1967 ; lt. de G. Métraux à Carneiro, 15 juin 1960, etc.) ; sautes d’humeur de Turner (J. Huxley, Memories II, p. 69-70) ; en 1961, G. Métraux se plaint à Carneiro des mauvaises relations qu’il a avec Morazé, déplore que « la confiance n’existe pas » entre eux ; on l’accuse, on lui fait des reproches, on médit sur lui, on déforme ses paroles (SCHM 17 : lt. de G. Métraux à Carneiro, 9 mars 1961; SCHM 52 : lettre de G. Métraux à Carneiro, 31 oct. 1961).
[491] Peter Lengyel, op. cit., p. 21. « very partial, lacking any logical follow-up ».
[492] 069(62)N/Christophe : lettre de Christophe à van der Haagen, 18 mars 1961 ; lettre de van der Haagen à Christophe, 19 oct. 1962 ; lettres de Christophe, 1963.
[493] Ex : projet majeur d’Amérique latine (372 (8) MP01 A 63 (81), III : lt. de Stanley Applegate à Oscar Vera, 12 nov. 1960, p. 1 ; Esther Dartigue, op. cit., p. 122 ; 372/8/MP 01, VII : lt. de Blat à Betancur, 29 sept. 1964.
[494] Th. Postel, op. cit., p. 50-51 et 79.
[495] 375 (666) TA /AMS : rapport de mission d’André Lestage au DG, 1er avril 1957, 5 p., p. 2.
[496] 375 (729.4) A 61, XIX : communiqué de presse Unesco n°625, 16 janv. 1952 : « L’Unesco envoie à Haïti un professeur français ».
[497] 02 (540) A 61 Delhi, I : lt. de Petersen à P. Kirpal, 18 oct. 1950.
[498] 02 (540) A 61 Delhi, I : lt. de Petersen à E. Sydney, 12 déc. 1950.
[499] Cl. Auroi, « Métraux et les Andes », art. cit., p. 23.
[500] Henry Cassirer, Un siècle de combat …, op. cit., p. 136 ; Interview Cassirer.
[501] 307 ( 666.8) TA : exposé de H. Vignes, 18 juill. 1962.
[502] 372/8/MP 01, V : lt. De R. Diez Hochleitner à J. Guiton, 1er déc. 1960.
[503] Esther Dartigue, op. cit., p. 181-195.
[504] RU, OD 24/041 : lt. de L.C.J. Martin, à Mme M.E. Hedley-Miller, 31 déc. 1965.
[505] Rapport de Mary Smieton, juill. 1965, doc. cit., p. 1. « To visit the work going on in the field gives a very different impression of Unesco from that obtainable in Paris, particularly if one is unacquainted as I was, with the sort of conditions in which it is carried out » ; « favourably impressed with the quality of Unesco and other UN experts ; with their devotion to their job ; with the value of the work they were doing ; with their good relations with the government establishments where they worked and with the appreciation with which their work was regarded ». Mais quelque chose l’a frappée dans la manière dont ils travaillent : « they are and they feel themselves to be a very long way away from their headquarters and they cannot rely on getting support or quick answers or indeed any answers out of Unesco headquarters - often not even an acknowledgment » ; « by-passed » ; « it is not just a question of climate but of the frustrations of the work which occur every day. They have to live with inefficiency and corruption in administration on which they are completely dependent for getting the job done ; with a continuing difficult balance to maintain between their profesional integrity as Unesco experts and their duty to the government on whose behalf they are working » ; p. 6 : « there are very good people working in the field. They are working very hard and with devotion ».
[506] M. Prévost, op. cit., p. 119-120, 215 : « La secrétaire du CTA avait été prise la main dans le sac, à encaisser pour elle des chèques établis sur la caisse du projet » ; l’Unesco l’oblige à démissionner.
[507] Interview Roux. Mission à Brazzaville.
[508] 307 ( 666.8) TA : lettre de E. Andriantsilaniarivo au directeur du BMS, 1er mars 1963 ; rapport semestriel de H. Vignes, 24 juin 1962-63, 9 p.
[509] 307 ( 666.8) TA : lt. de H. Vignes à Navaux, 30 mars 1963.
[510] 307 ( 666.8) TA : lt. de E. Andriantsilaniarivo au directeur du BMS, 1er mars 1963.
[511] M. Prévost, op. cit., p. 181-182. Alors que selon lui « une période passée sur le terrain est indispensable pour devenir un bon fonctionnaire international ».
[512] M. Prévost, op. cit., p. 199. « démoralisés ».
[513] Rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 40.
[514] Biogr. Maheu : allocution de Maheu devant le personnel le 14 novembre 1974, à son départ, p. 3. Maheu assimile ses années à New York à une mission sur le terrain ; il se dit « très fier » de ces « deux ans et demi de dur service sur le terrain, dans la jungle de New York ».
[515] Lien-Link n°81 : « Projet Implementation Unit, Monrovia (Liberia - 1975) », par Pierre L. Cahen.
[516] Émission de radio diffusée sur la BBC, « What Price Culture ? », nov. 1971, doc. cit. « Experts sent out for too short a time, too little equipment, too little recognition of individual needs of a developing country ; too much importing of sophisticated knowhow straight from a developed country into areas only just emerging from traditional rural paterns […]. All this has contributed to the pessimistic view of Unesco, that it’s worthy but not effective enough ; that it’s grappling with the insoluble » ; « No other area of Unesco’s work, I think, illustrates the frustrating dichotomy between the ideal, the hopes, the dedicated work of the experts and the reality » ; « very very encouraging ».
[517] Hemptinne : dossier « science et technologie ».
[518] X 07.83 Maheu, VI : rapport de mission de R. Habachi au Liban, 29 déc. 1972, p. 3
[519] Evaluation critique du PEMA, op. cit., p. 158-159. A. Lestage, « Etude et questionnaire relatifs à l’orientation et au « briefing » des nouveaux membres des secrétariats et des experts engagés dans les projets d’enseignement et de formation », Unesco, 1974.
[520] Lien-Link n°81 : « Projet Implementation Unit (P.I.U.). Monrovia (Liberia - 1975) », par Pierre L. Cahen
[521] Evaluation critique du PEMA, op. cit., p. 158-159.
[522] RP, 28 mars 1969 : Times, 27 mars 1969, « Africa’s dilemma », par John Ardagh : « the Unesco staff are dedicated and hard working ».
[523] J.L. Le Moigne, Les systèmes de décision dans les organisations, PUF, Paris, 1974, 244 p. : p. 121-132 : les expériences de Elton Mayo dans les usines Hawthorne en 1924 ont montré le rôle de l’affectivité dans les relations interpersonnelles au sein des entreprises.
[524] Michel Crozier, A quoi sert la sociologie des organisations ? Tome 1 : Théorie, culture et société : « Les relations humaines au sein de la direction dans un système d’organisation bureaucratique », p. 66-107 ; et « De l’étude des relations humaines à l’étude des systèmes de pouvoir », p. 108-114.
[525] OHRO, interview de Charles Ascher, 1969-71, p. 327-328.
[526] Lien-Link n°81 : « How I entered Unesco », par F. H. Potter : « We were all great friends ».
[527] Interview Foecke.
[528] Lien-Link n°84 : Nino Chiappano, « Le fonctionnaire international et ses dilemmes ».
[529] Lien-Link n°73 : nécrologie de Milan Babic par son fils Dejean Babic.
[530] Lien-Link n°83 : courrier des lecteurs : lettre de Denise A. Percevaut.
[531] Interview P. Koffler.
[532] Lien-Link n°73 : nécrologie de Guy Métraux, par Witold Zyss.
[533] Journal Métraux, 1er juin 1954 : « Déjeuner chez les Lévi-Strauss. Longue conversation avec Sandy Koffler » ; 2 juin 1954 : « Déjeuner chez Mme Myrdal. Invités : les Szcerba, Louise Miller et M. X, du département de l’information ».
[534] Esther Dartigue, op. cit., p. 119 et 183.
[535] Lien-Link n°81 : « Le projet majeur d’éducation primaire en Amérique latine », par Miguel Soler Roca.
[536] Lien-Link, n°40 : « En souvenir de Victor Kovda », par Michel Batisse.
[537] Interview Lestage.
[538] William H. Whyte, The Organization Man, op. cit. : il étudie le sentiment d’appartenance (« belongingness »), p. 32-45.
[539] Lien-Link, n°81 : « Projet Implementation Unit, Monrovia (Liberia - 1975) », par Pierre L. Cahen : « le sentiment que j'appartenais à une élite ».
[540] OHRO, interview d’Evans, p. 585 : « camaraderie », « stiff formality ».
[541] E. Delavenay, op. cit., p. 392.
[542] M. Prévost, op. cit., p. 49-50.
[543] FR, NUOI 1946-1959, carton n°333 : note confidentielle de la direction des relations culturelles, au sujet de la 37e session du conseil exécutif, programme ‘rénové’.
[544] Lien-Link n°75 : « Mes débuts à l'Unesco » par Krystyna Chlebowska.
[545] Ascher, box 148 : Mercure, juin 1948, n° 50, p. 2 : éditorial. Elle est dirigée successivement par Helling Raunholt, Pierre Lebar, et Michel Prévost (Lien-Link n°75 : nécrologie de Pierre Lebar, par Pierre Henquet. M. Prévost, op. cit., p. 49 : Prévost témoigne que dans les années 1950 et 1960 « l’Association du personnel se montrait dynamique, et pouvait se targuer d’un fort soutien parmi les membres du personnel ». Mais ce témoignage, venu de l’ancien directeur de cette association, doit être considéré avec prudence.)
[546] M. Prévost, op. cit., p. 49-50. Il affirme que dans les années 1960 le climat était « encore très convivial », et évoque sa dégradation par la suite.
[547] Interview P. Koffler.
[548] Lien-Link n°83 : « Exercice d’admiration filiale. Le dialogue posthume de deux écrivains combattants, Jean et Michel Prévost, père et fils », par E.R.
[549] Interview P. Koffler : quelques jours avant son suicide, Alfred Métraux avait confié son projet de mettre fin à ses jours à Koffler, lui expliquant qu’il ne pouvait pas supporter l’idée de prendre sa retraite. Mais selon A.M. d’Ans (Itinéraires I, introduction), ce suicide s’explique bien plus par la dépression chronique de Métraux que par son départ la retraite. A. Métraux, « La vie finit elle à soixante ans ? », Courrier de l’Unesco, avril 1963, p. 20-23.
[550] Interview P. Koffler.
[551] Ex. : Hemptinne, Keating, Batisse.
[552] Interview P. Koffler.
[553] Biogr. Maheu, Allocution de R. Maheu devant le personnel, 14 novembre 1974, lors de son départ, p. 4 : « Il faut que cette maison continue dans le même esprit, dans le même rassemblement chaleureux » ; « je veux vous remercier de toute cette longue, chaleureuse, mouvementée parfois mais d’autant plus vivante collaboration » ; « je me suis toujours senti un des vôtres, un parmi tous ceux qui servent l’Organisation. […] je voudrais vous dire combien pendant tout ce temps j’ai été fier de vous. Je ne vous l’ai pas souvent dit, c’est peut-être même la première fois, mais dites-vous bien que chaque fois que je me suis montré exigeant à votre égard, c’était l’estime que je vous portais, tout autant que la haute conception que j’ai du service international, qui m’amenaient à vous demander un effort supplémentaire, voire parfois à vous juger sévèrement ».
[554] Nombreuses références à la « Maison » dans les ouvrages de Prévost et Delavenay (notamment E. Delavenay, op. cit., p. 341, 345), et dans le rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 62. Et Emile Delavenay, « Mes souvenirs de J. Thomas : tradition normalienne … », art. cit ; Lien-Link, n°87, p. 14-15 ; Acher Deleon, « Paul Lengrand et l’éducation des adultes » ; Lien-Link n°83 : « Exercice d’admiration filiale. Le dialogue posthume de deux écrivains combattants, Jean et Michel Prévost, père et fils », par E.R : « la vieille maison ». Lien-Link n°84, Nino Chiappano, « Le fonctionnaire international et ses dilemmes » : « la Maison ». Interview Tocatlian : « maison ». Toutefois, ce terme de « Maison » est utilisé dès l’époque de Torres Bodet. Et il perdure encore dans les années 1990 (Jean-Charles Clorennec, op. cit., p. 73-74 et 76).
[555] L’Express, 20-26 juillet 1970, p. 32-33 : « Vie moderne : le mal de vivre de l’Unesco », par Liliane Sichler.
[556] M. Prévost, op. cit., p. 102.
[557] M. Prévost, op. cit., p. 243.
[558] International Herald Tribune, 16 juin 1970 (cité dans Le Monde, 4 juillet 1970, p. 10, article de B. Girod de l’Ain intitulé « Le malaise de l’Unesco. Un groupe organise une campagne contre moi, déclare M. René Maheu »).
[559] ONU, series 273, box 14, file 6 : « René Maheu, retirement Unesco ».
[560] Cf. l’ensemble des témoignages d’anciens fonctionnaires contenus dans les brochures sur Maheu publiées par l’AAFU. Il faut cependant considérer avec prudence ces textes, qui correspondent à un exercice codifié d’hommage.
[561] René Maheu. Portrait-souvenir par ses collaborateurs, op. cit., p. 30. Ce prix est décerné tous les deux ans depuis 1995.
[562] E. Chniti, op. cit., p. 215.
[563] J. Huxley, Memories, II, p. 67 : « too shy to be popular with the staff ».
[564] Emile Delavenay, op. cit., p. 341.
[565] M. Prévost, op. cit., p. 61.
[566] Emile Delavenay, op. cit., p. 373
[567] Journal Métraux, 9 février 1955.
[568] M. Prévost, op. cit., p. 70.
[569] EU, box 1566 : lt. confid. de Robert McBride à F.W. Jandrey, 21 octobre 1958 : au sujet : « reasons why the US should support Dr. Vittorino Veronese for DG of Unesco » ; « a competent administrator ».
[570] Veronese, carton 32 : lettre manuscrite de Maheu à Veronese, 10 juin 1960 : « D’une manière générale et sans vouloir rien dramatiser, il m’a paru qu’il existe un certain malaise à l’échelon des directeurs et chefs de services et de leurs adjoints en ce qui concerne leurs rapports (ou à ce qu’ils disent, absence de rapports) avec vous. J’entends les rapports administratifs. […] Je crois que vous devrez, dès votre retour, vous attacher à dissiper cet état d’esprit, car il serait très inopportun qu’il se cristallise à quelques mois de la conférence générale ».
[571] « a strong-willed, stubborn, even dictatorial figure ; few liked him personally, but never is there expressed doubt that his leadership was of unique substance, vigour and determination » ; « a de Gaulle like egoism » ; « his attitudes were of a ‘l’état c’est moi’ quality ». P. Jones, op. cit., p. 102. Il cite, comme exemple représentatif de cette attitude de Maheu, son discours du 14 nov. 1974 à la 18e session de la conférence générale, à l’occasion de l’achèvement de son second mandat. (18 C/INF.16 , 22 nov. 1974).
[572] 408.1 : mémo de Maheu à Guiton, 13 septembre 1951 : « J’estime que ce document ne répond nullement à ce que l’on attend. » « Je regrette très vivement de me monter si critique et si négatif, mais une consultation préablable aurait, je crois, été utile ». Et 061 A 01 Unesco (43-15), III : lettre de Maheu à Betancur, 25 mars 1964 : « tout-à-fait inadmissible ».
[573] Journal Métraux, 16 octobre 1953 : « J’ai été convoqué chez Maheu qui se montre assez désagréable et déclare qu’il s’opposera à ce que je m’éloigne trop de mon bureau », p. 531.
[574] Interview Grinda.
[575] J.L. Le Moigne, Les systèmes de décision dans les organisations, Paris, PUF, 1974, 244 p., p. 121-132.
[576] 37 : 362 .92 (5-011) « -66 » : IV : lt. confid. de Maheu à McCune, directeur du département de l’éducation, 24 juill. 1961 ; lt. de Maheu à McCune, 26 juill. 1961.
[577] 37 : 362 .92 (5-011) « -66 » : III a : lettre confid. de Maheu à Chevalier, 10 juin 1959.
[578] 372(8) MP 01 A 198, I : 28-12-61 : lt. de Maheu à Guiton, 4 juin 1963.
[579] 069(62)N/A 02 (100), II : réponse de S. Okacha à l’Unesco, 13 août 1961.
[580] 069(62)N/A 02 (100), II : lettre de Maheu à S. Okacha, 4 août 1961.
[581] 069(62)N/A 02 (100), II : lt. de Maheu à M. Asabuki, 12 juin 1961.
[582] 069(62) Nubie/Abu Simbel, II : lettre de van der Haagen à Maheu, 20 juin 1961.
[583] René Maheu. Portrait-souvenir …, op. cit., article de Michel Doo-Kingué : « Un brillant humaniste, un grand leader, un véritable homme d’Etat », p. 77-85. Ibid., article de Chikh Bekri, p. 42 : « personnalité fascinante de ce grand intellectuel de culture universelle qui savait être parfois d’une ironie cinglante ». Ibid., article de Sybil Claude, p. 54 : personnalité « brillante, souvent séduisante ». Article de Francesco di Castri, « René Maheu : la rigueur », p. 71-72 : « autorité intellectuelle ». M. Prévost, op. cit., p. 243 : « fasciné ».
[584] René Maheu. Portrait-souvenir …, op. cit., article de Gérard Bolla, « Croire en l’Unesco », p. 47-50, p. 47 : « Craint, mais admiré et respecté de son secrétariat, il était la terreur de tous ceux qui avaient cru ou espéré trouver avenue Kléber ou place de Fontenoy une douce sinécure parisienne ». Ibid., Till Bravery, article « La vocation », p. 51 : « ses célèbres colères ». Ibid., article d’Emile Delavenay, p. 62 : « ses moments d’irritation » ; « parfois impatient devant de petites défaillances des services ». Ibid., article de J.B. de Weck, p. 69 : « le redoutable prestige d’un homme au caractère d’acier, capable certes de grands élans de générosité, mais aussi d’humeur imprévisible » ; p. 70 : « la patience n’était certes pas sa première vertu ». Ibid., article de Michel Doo-Kingué : « ses colères aussi orageuses que passagères ». Ibid., article de S. Dumitrescu, p. 89 : « René Maheu avait la réputation d’être assez autoritaire ». Ibid., article de Francesco di Castri, « René Maheu : la rigueur », p. 71-72 : « une attitude d’intransigeance, de manque de chaleur humaine, de mépris pour les médiocres et les opportunistes ».
[585] Encyclopedia Universalis, 1976, p. 503-504 : « René Maheu » par Jean Thomas.
[586] Ibid.
[587] M. Prévost, op. cit., p. 100, 101, 243.
[588] Lien-Link n°85 : « Paris, avril 1968 », par Jacques L. Boisson.
[589] Interview Tocatlian.
[590] P. Lengyel, op. cit., p. 51. « the Maheu reign » ; « Mr. Unesco ».
[591] interview Foecke.
[592] M. Prévost, op. cit., p. 163.
[593] M. Prévost, op. cit., p. 180 : « J’avais espéré être envoyé en Afrique [...]. Rien en Afrique n’était alors disponible, sauf la Tanzanie, mais cette mission était réservée par le DG à Nasseem Beg [Pakistanais], qui avait encouru son ire, et qu’il souhaitait exiler aussi loin que possible du Siège et du Pakistan. On m’avait donc offert la Malaisie ».
[594] M. Prévost, op. cit., p. 102-105 : « le snobisme l’a souvent égaré. Les titres nobiliaires, les grands noms impressionnaient trop souvent ce fils d’instituteur devenu l’égal d’un chef d’Etat ».
[595] EU, box 4247 : confidential, « Some miscellaneous observations on Unesco’s 65th executive board meeting », Paris, april 29th-may 17th 1963, by William Benton, 14 p. plus annexes, p. 2-3. « a complex French intellectual, brilliant, hard working and able ». « By his experience and greater intellectual virtuosity, he completely dominates and even bullies his staff. His role is practically dictatorial ».
[596] RU, PREM 11/5185 : record of meeting with Prime Minister, 10 april 1964 : note confidentielle intitulée « R. Maheu ». « as head of the Secretariat he is not without critics - he drives his subordinates hard and is intolerant of anyone whom he suspects of incompetence ».
[597] EU, box 3225 : airgram de Blake, de l’ambassade américaine de Paris, au département d’état, au sujet : « Malaise at Unesco : young staff leading revolt against DG’s leadership », 25 avril 1970, 3 p. « self-criticism of Unesco, its program and its procedures ». « the revolt is designed to change the allegedly dictatorial operational methods of the DG and to breathe fresh, young ideas into the Organization’s program » ; « the DG’s notorious French temperament and temper often flare up in scathing and sometimes even scurrilous attacks on the intelligence and capacity of his senior staff and all those under him ».
[598] EU, box 3225 : airgram de Blake, de l’ambassade américaine à Paris, au département d’état, au sujet « Malaise at Unesco : young staff leading revolt agaisnt DG’s leadership », 25 avril 1970, 3 p. « a procedure which oldtimers at Unesco always note brings about a low morale in the Organization since it results in ego-deflating elimination of pet projects and plans, and shows that in the final analysis the only opinion that really counts in Unesco is the DG’s ».
[599] Le Monde, 15 nov. 1974, p. 38 : « Unesco. Après douze ans de mandat, M. René Maheu quitte la direction générale de l’organisation », par Jean-Pierre Clerc : sous-titre « un intellectuel aux avant-postes de l’histoire ».
[600] Le Monde, 21-22 déc. 1975, p. 1 et 21 : « M. René Maheu est mort » ; et « Un homme d’action et de conviction » par Jean-Pierre Clerc.
[601] Le Figaro, 20-21 déc. 1975 : « René Maheu ou la passion de l’universel. L’ancien directeur de l’Unesco est mort à 70 ans ».
[602] M. Prévost, op. cit., p. 50.
[603] Veronese, carton 32 : lettre de Maheu à Veronese, 10 juin 1960.
[604] Emile Delavenay, « Mes souvenirs de J. Thomas : tradition normalienne… », art. cit., p. 56-62.
[605] EU, box 3224 : rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 31. Ibid., p. 23 : « Le plus souvent, les supérieurs hiérarchiques retournent « chez eux » lorsqu’apparaissent les premiers résultats désastreux de leurs décisions, ce qui laisse les fonctionnaires responsables dans une position critique vis-à-vis de la Direction générale ou de leurs prochains supérieurs hiérarchiques. Et le jeu recommence. »
[606] Rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 140.
[607] Interviews Deleon, Tocatlian, Dumitrescu, Foecke.
[608] E. Delavenay, op. cit., p. 345.
[609] Peter Lengyel, op. cit., p. 17. Le travail au sein du Secrétariat « engendrait inévitablement des conflits de personnes, parfois résultant de malentendus culturels » (« engendered inevitable interpersonal conflicts, sometimes as a result of cultural misunderstandings ») ; M. Prévost, op. cit., p. 145 : « comment employer dans le même appareil des hommes et des femmes de cultures et de formations diverses, dont les compétences s’appliquent à des domaines très variés […] ? »
[610] Esther Dartigue, op. cit., p. 239. Selon Esther Dartigue, veuve du fonctionnaire haïtien Maurice Dartigue, l’ascension de son mari au sein de l’Unesco aurait été freinée par sa couleur ; rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 142-143.
[611] M. Prévost, op. cit., p. 50 et 145.
[612] Journal Métraux, 26 février 1953 : « Ils sont singulièrement corrompus par le « rôle » social qu’ils jouent, ou croient jouer ».
[613] M. Prévost, op. cit., p. 50, 76-78.
[614] Journal Métraux, passim.
[615] Interview Dumitrescu.
[616] Esther Dartigue, op. cit., p. 170-172.
[617] M. Prévost, op. cit., p. 85-86.
[618] O. Felgine, op. cit., p. 366.
[619] Journal Métraux, 29 janv. 1952, p. 352.
[620] Journal Métraux : « Prise de bec avec Jean Guiton, que je trouve malveillant, stupide et borné », 21 avril 1952, p. 371.
[621] Journal Métraux, 2 fév. 1955.
[622] Interview Lévi-Strauss ; Journal Métraux, 10 mars 1955 : « Je lis avec effroi l’article de Lévi-Strauss contre Caillois » ; Ibid., 23 nov. 1955 : « grande réconciliation entre Caillois et Lévi-Strauss ».
[623] Souvenir de Jean Thomas, op. cit., p. 37-43 : Etiemble : « Sur un cri de Jean Thomas ».
[624] Journal Métraux, 27 oct. 1955.
[625] Interview Batisse.
[626] Lien-Link n°84, « être roumain à l’Unesco dans les années 60 et 70 », par Sorin Dumitrescu.
[627] Lien-Link n°87, « Quelques semaines avant et après mon entrée à l’Unesco », par Sorin Dumitrescu.
[628] Lien-Link n°83, « De Bucarest à Abidjan : un itinéraire atypique », par E. R.
[629] Ibid.
[630] Interview P. Koffler.
[631] Lien-Link n°79 : « Mes débuts à l'Unesco. Juin 1961 » par Raymond Johnson.
[632] EU, box 3224 : rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 38
[633] J. Torres Bodet, Memorias III, p. 352-253, cité par G. Archibald, op. cit., p. 163.
[634] Journal Métraux, 28 février 1955.
[635] Veronese, carton 33 : lt. de Maheu à Veronese, 7 mars 1957 : il est vexé qu’Evans ne l’ait pas invité à venir à Paris pour assister à la prochaine session privée du conseil exécutif, il en veut à Evans, et pousse Veronese à l’inviter, sinon il le ressentira comme « un désaveu de [s]a mission ».
[636] M. Prévost, op. cit., p. 198-199. E. Delavenay, op. cit., p. 389.
[637] Veronese carton 32 : Journal belge La Relève, 20 déc. 1958, p. 14-15 : article de Reginald Hemeleers : « Un catholique à la tête de l’Unesco ».
[638] OHRO, interview d’Evans p. 701-702 : « Asiseshiah and Maheu have never liked one another, [...] Both of them were power-thirsty. They fought constantly under my administration. But I was strong enough, if I may say so, to keep open warfare from breaking out. I held each one in his place. I made them work together. [...] I found myself more on Adiseshiah’s side than I did on Maheu’s. It trusted him more than I trusted Maheu. So I transferred Maheu against his will to New York to be the representative of Unesco with an office in the UN building ».
[639] OHRO, interview d’Evans, p. 703 : le fait d’envoyer Maheu à New York a été un « punishment for what I regarded as a certain amount of disloyalty » puisqu’il prônait d’autres orientations que lui sur le programme. « He did a good job in New York ».
[640] EU, box 825 : confidential report of the US delegation to the meeting of ministers of education of Asian members states, Tokyo, par Charles B. Fahs, 12 avril 1962, 5 p., p. 2 : tout un paragraphe est consacré à la « rivalry » entre Maheu et Adiseshiah. M. Prévost, p. 99-100. « Equivalents en culture, en capacité d’administration et en talent diplomatique, trop proches dans le travail quotidien pour ne pas s’estimer mutuellement, tout en se jalousant ». EU, box 824 : lettre de G. Shuster à Dean Rusk, 15 décembre 1961, 5 p., p. 2 : l’ambassadeur d’Inde à Paris a réussi une « rather startling performance » en faisant nommer par le conseil exécutif, contre les vœux de Maheu, Adiseshiah comme DDG ; « rivalry at the top will increase until a new DG is appointed ».
[641] EU, box 4247 : confidential, « Some miscellaneous observations on Unesco’s 65th executive board meeting », april 29th-may 17th 1963, by William Benton, 14 p., p. 5-6.
[642] J. Torres Bodet, Memorias III, p. 59 : « Unos, porque el sueldo que recibian en Francia era probablemente mayor que el que hubiesen cobrado en sus paises. Otros, porque les gustaba vivir en Paris. Otros, porque el hecho de figurar en la planta de una institucion international les infundia tal vez orgullo ».
[643] Edward H. Buehrig, « The Tribulations of Unesco », in International Organization, automne 1976, vol. 30, n°4, p. 684.
[644] E. Delavenay, op. cit., p. 355 : « Roger Caillois très peu fonctinnaire, difficile à joindre le matin dans son bureau » ; p. 354 : Delavenay, s’étonnant du très faible rendement de la section de la traduction espagnole, se voit expliquer par le chef de cette section, le républicain espagnol Quiroga Pla, que cela est dû « aux arrivées tardives et aux absences non autorisées de Semprun, qui passe ses nuits dans les cafés littéraires de Saint-Germain des Prés ». Delavenay renvoie alors Semprun. « Le malheureux Quiroga sera expulsé du PC espagnol pour avoir ainsi permis le renvoi de Semprun » ; Delavenay a eu « bien du mal à obtenir un travail suivi de [Carrera Andrade], ce poète aux habitudes peu compatibles avec la présence au bureau à heures fixes ». Interview Jean d’Ormesson : il travaillait à ses romans dans son bureau de l’Unesco.
[645] O. Felgine, op. cit., p. 372.
[646] Lien-Link n°82 : « Ma longue histoire d’amour avec l’Unesco », par E. Delavenay.
[647] Albert Cohen, Belle du Seigneur, Gallimard, Folio, 1968, 1100 p. (personnage d’Adrien Deume).
[648] A. Métraux, op. cit., 18 février 1952 : « déjeuner avec Flornoy […] Ce que Flornoy veut, en somme, c’est le patronnage de l’Unesco ; ses amabilités n’ont probablement pas eu d’autre fin ». 20 octobre 1952 : « visite de ce docteur du Togo, M. Ohin, qui, en fin de compte, veut mon appui pour aller aux Etats-Unis. Visite de Dorcely, qui voudrait que je l’aide à prolonger sa bourse ». 11 septembre 1953 : « Visite du jeune Canals Frau, qui étudie l’optique à Paris. Il vient accompagné d’une étudiante argentine. Ni l’un ni l’autre ne veulent rentrer en Argentine, et cette visite est quelque peu intéressée. Il s’agit de savoir si l’Unesco peut la tirer d’affaire » ; « Helena Paz […] m’amène une fort belle péruvienne, Blanca Varela de Saysalo, qui est écrivain, poète, etc. Naturellement, elle voudrait bien trouver quelque emploi à l’Unesco ». 23 septembre 1953 : « longue visite d’Eric Williams, de la Caribbean Commission. […] En fait, il veut un job ». 29 septembre 1953 : « Lerner […] vient me voir dans l’espoir sans doute que je lui trouverai de l’argent pour rester à Paris ». 12 septembre 1955 : visite de deux jeunes Suisses, « peintres et psychologues amateurs, qui s’obstinent à croire que l’Unesco peut leur donner de l’argent pour appliquer en Afrique le test des couleurs inventé par le Dr. Max Luscher ».
[649] Interview Lévi-Strauss.
[650] OHRO, interview Evans, p. 570-572.
[651] Veronese, carton 22 : lt. de Jean Larnaud à Veronese, non datée, au lendemain de son élection au poste de directeur général.
[652] Lien-Link n°83 : « De Bucarest à Abidjan : un itinéraire atypique », par E. R.
[653] Interviews J. et E. de Hemptinne. Yvan de Hemptinne, très dévoué, idéaliste, était toujours en colère contre les nombreux arrivistes et paresseux.
[654] Lien-Link n°79 : « Mes débuts à l'Unesco, juin 1961 » par Raymond Johnson.
[655] E. Delavenay, op. cit., p. 354 : Torres Bodet fait nommer comme éditeur espagnol « un de ses amis, diplomate écuadorien », Carrera Andrade. Ibid., p. 387 : « Evans après un voyage aux antipodes a ramené une jeune Australienne, S.W., à qui il confie dans son cabinet des fonctions auxquelles rien ne semble la préparer » ; cet épisode « n’a fait aucun bien à la réputation d’Evans ». M. Prévost, op. cit., p. 173 : le « népotisme » récurrent dans le secrétariat tout au long des années, a « affaibli le Secrétariat, moralement, et du point de vue des compétences ».
[656] Lien-Link n°82 : « Entrer à l’Unesco comme entrer en religion ? » par Zacharie Zachariev. Entré à l’Unesco dans les années 1960. « Avez-vous déjà remarqué le rôle joué dans la vie de plusieurs de mes anciens collègues par l’amie ou les amies en ce qui concerne l’entrée à l’Unesco ? » C’est son cas notamment.
[657] M. Prévost, op. cit., p. 119 et 126 : « Une longue fréquentation des commissions administratives du conseil exécutif et de la conférence générale ne m’avait que trop bien appris qu’en dépit de leurs déclarations les Etats membres se moquent éperdument de la compétence du Secrétariat ».
[658] Alain Pellet, David Ruzié, Les fonctionnaires internationaux, op. cit., p. 31-33. M. Prévost, op. cit., p. 40.
[659] Interview P. Koffler.
[660] Interview Dumitrescu.
[661] EU, box 3224 : rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cité, p. 17. Alain Pellet, David Ruzié, Les fonctionnaires internationaux, op. cit., p. 31-33.
[662] Interviews Tocatlian et Foecke.
[663] Interview P. Koffler. M’Bow ne l’a pas nommée à cause du fait qu’elle était une femme.
[664] M’Bow s’efforce de se défendre dans la presse : Jeune Afrique n°1206, 15 février 1984, p. 33, interview de M’Bow : « Qu’est-ce que je réponds aux calomniateurs ? Visitez l’Unesco, assistez aux réunions, fouillez les archives, épluchez la documentation, passez au crible la gestion ». (cité dans Elvira Garcia Cambeiro, Blue CV. Anatomie d’un recrutement. 1977-1982, 1987, p. 5)
[665] Interview Elise Keating.
[666] Elvira Garcia Cambeiro, Blue CV…, op. cit. : c’est une critique du recrutement à l’Unesco et dans les organisations internationales. Et Le Monde 9 novembre 1982, p. 5.
[667] Journal Métraux : il visite le jardin botanique avec Mr. Lord, directeur du department of lands and mines (p. 184). etc. Il va souvent dans les musées (p. 195) ; « visite aux différents consulats » (p. 195) ; il rencontre des Européens, des intellectuels. Mondanités, repas et soirées dans des palaces. Ex : « déjeuner au Gloria avec Carneiro, qui nous conduit au palais d’Hamarati », le 27 juin (p. 207). Le 3 juillet, il reçoit Huxley et déjeune avec lui au Copacabana Palace ; déjeuner chez Carneiro le 11 juillet (p. 210).
[668] Film n° 590, 1948.
[669] Ascher, box 1 : lettre d’Ascher à Juliette Huxley, 17 fév. 1975 : « I shall never again enjoy such cultural tourism as in my travels, with the Unesco excutive board, meeting heads of state, ministers of culture, being shown museums and historic monuments on terms not open to the general tourist ».
[670] Journal Métraux, p. 182 : mission dans les Andes : « sieste », « promenade après dîner ».
[671] Interview Lévi-Strauss.
[672] RU, ED 157/32 : « Criticisms of Unesco », nov. 1955. 1 million de francs sont dérobés à la conférence générale de 1946 par un comptable malhonnête.
[673] Interview Tocatlian.
[674] M. Prévost, op. cit., p. 56-57. et p. 98.
[675] M. Prévost, op. cit., p. 56-57. « Veronese se montra un excellent médiateur ».
[676] M. Prévost, op. cit., p. 98-99. « Même parmi mes amis communistes, plusieurs n’avaient jamais participé à un mouvement de grève ; en revanche, le personnel des ateliers d’entretien et de l’imprimerie comptait nombre d’anciens syndiqués, du Livre en particulier, qui nous aidèrent de leurs conseils. Et dès le lendemain matin [25 juillet 1962], un piquet de grève prit position devant les ascenseurs et l’escalier qui commandaient l'accès aux étages. [...] Peu nombreux [parmi nos collègues] furent ceux qui franchirent le barrage ».
[677] M. Prévost, op. cit., p. 99.
[678] M. Prévost, op. cit., p. 125-131. La grève est votée pour le le 17 novembre 1964 ; elle n’a finalement pas lieu.
[679] Acher Deleon, « Paul Lengrand et l’éducation des adultes », Lien-Link n°87, p. 14-15.
[680] M. Prévost, op. cit., p. 200-201.
[681] Le Monde, 4 juillet 1970, p. 10, article de B. Girod de l’Ain, « Le malaise de l’Unesco. Un groupe organise une campagne contre moi, déclare M. René Maheu ».
[682] Archives Unesco, carton non numéroté : pétition du personnel, 9 juin 1970.
[683] La démocratisation dans les enseignements secondaire et supérieur, par Michel Huberman, 35 p., rapport rédigé conformément au projet de programme ; ce rapport est approuvé par ses supérieurs, puis par le sous-directeur chargé de l’éducation, M. Flexa Ribeiro ; (Le Monde, 4 juillet 1970, article cité). Maheu donne un blâme écrit à Huberman (L’Express, 20-26 juillet 1970, article cité).
[684] M. Fleixa Ribeiro dit : « J’estime que la direction générale et certains de ses bureaux confèrent à l’ensemble de ces problèmes un caractère que j’ai le regret de qualifier de factieux, de persécution policière, de basse police, et de provocations de même qualité morale. Je considère que cette façon d’agir ne préserve pas l’indispensable niveau de dignité humaine dans les relations de travail à l’intérieur de l’organisation et qu’elle est franchement contraire aux principes et aux idéaux de l’Unesco ». (Le Monde, 4 juillet 1970, article cité).
[685] EU, box 3225 : John L. Hess, « Internal Unrest Stirs UN System. Complaints on Bureaucracy Widespread in Agencies », in New York Times, 25 avril 1970.
[686] EU, box 3225 : airgram de Blake, 25 avril 1970, doc. cité. « This year, however, instead of taking the DG’s Napoleonic dictacts lying down, a spirit of revolt flared up and resulted in a challenge to the DG’s entire method of operating and managing Unesco and its program [...]. The revolt is designed to change the allegedly dictatorial operational methods of the DG and to breathe fresh, young ideas into the Organization’s program ».
[687] Lien-Link n°75 : « Mes débuts à l'Unesco », par Krystyna Chlebowska.
[688] Biogr. Maheu : « L’Unesco procède d’un dessein humaniste », par S. Tanguiane, 25 août 2000, 7 p.
[689] EU, box 3224 : ODG/DG/Memo 30.344, 13 avril 1970.
[690] Communiqué de presse, 17 juin 1970 : certains journaux ayant avancé que c’est le personnel qui l’a contraint à convoquer la table-ronde, Maheu diffuse un communiqué de presse affirmant : « Devant des déformations évidentes et grossières, le conseil exécutif […] tient à préciser que, à aucun moment, il n’a appelé le DG à s’expliquer devant lui. C’est M. René Maheu […] qui a pris l’initative de fournir au conseil exécutif, de la manière la plus franche, l’information la plus complète dont il disposait sur certains problèmes concernant le Secrétariat ». Lien-Link n°75 : « Mes débuts à l'Unesco » par Krystyna Chlebowska. La table ronde est chargée de terminer son travail d’ici le 15 septembre 1970.
[691] EU, box 3225 : airgram de Blake, 25 avril 1970, doc. cité : « The DG once again has shown his uncanny ability to join movements to follow directions with which he can live » ; « some of the hotheads are thinking of a general strike throughout the Secretariat to force the DG’s resignation. At this stage, the possibility of a resignation appears rather remote ». L’Express, 20-26 juillet 1970, article cité : « le DG a proposé au personnel une table ronde à la condition de ne pas aborder le sujet tabou : la politique générale de l’Organisation. Trois départements sur six ont d’abord repoussé cette main qui donne et qui retient. Mais ils ont renoncé à leur boycottage sur la promesse que le compte-rendu des débats serait publié ».
[692] EU, box 3225 : airgram de Blake, 25 avril 70, doc. cité : « Malaise à l’Unesco: révolte du jeune personnel contre la direction du DG » (« Malaise at Unesco : young staff leading revolt against DG’s leadership ») ; « Unesco, like the universities of the world, is now facing a grass roots rebellion against « the establishment », traditional procedures and entrenched leadership ».
[693] EU, box 3225 : John L. Hess, « Internal Unrest Stirs UN System. Complaints on Bureaucracy Widespread in Agencies », in New York Times, 25 avril 1970 : « a deep current od unrest over bureaucracy is surfacing within the UN system ». Stephen Broening, « UNESCO Bans Staff Study Attacking Education Plans », in International Herald Tribune, Paris, 13 juin 1970. Stephen Broening, « UNESCO Aide Charges Chief With ‘Police Persecution’ », in International Herald Tribune, 16 juin 1970. « Unesco Director Endorsed As Staff Unit Cites ‘Malaise’ », in International Herald Tribune, 19 juin 1970.
[694] International Herald Tribune, 16 juin 1970, article cité.
[695] RP, 22 octobre 1970 : Times, 14 octobre 1970.
[696] L’Express, 20-26 juillet 1970, article cité.
[697] Notamment Le Monde, 4 juillet 1970, article cité.
[698] RP, 22 octobre 1970 : Le Monde, 14 octobre 1970 : « La 16e conférence générale de l’Unesco sera-t-elle celle du renouveau des objectifs et des méthodes ? » ; Le Monde, 15 octobre 1970, p. 10 : « Unesco : A la 16e conférence générale, le rapport de la ‘table ronde’ » : « Les ‘maladies’ des grandes entreprises sont analysées avec beaucoup de franchise et de lucidité dans ce document […]. C’est la première fois qu’une organisation internationale se livre à une telle « auto-évaluation » de son efficacité, ce qui est à l’honneur de l’Unesco ». Et article « M. Maheu veut améliorer le fonctionnement de l’organisation », par Bruno Frappat. [annexe 32].
[699] Le Monde, 4 juillet 1970, art. cit.
[700] L’Express, 20-26 juillet 1970, p. 32-33 : « Vie moderne : le mal de vivre de l’Unesco », par Liliane Sichler.
[701] Rapport de la table ronde du personnel, 30 avril 1970, doc. cit. Il est significatif d’observer que c’est seulement dans les archives diplomatiques américaines qu’on a pu trouver ce rapport, qui n’est mentionné nulle part dans les archives de l’Unesco.
[702] M. Prévost, op. cit., p. 200-201.
[703] Interview Larnaud.
[704] interview Deleon.
[705] interview Deleon.
[706] Interview Elise Keating.
[707] Interview Elise Keating.
[708] Rapport de la table ronde du personnel, doc. cit., p. 48.
[709] Chikh Bekri, op. cit., p. 74 et 112.
[710] Y. Scavenius, op. cit., p. 130. Cette conception est partagée par d’anciens fonctionnaires de l’Unesco, comme Michel Prévost. M. Prévost, op. cit., p. 325.
[710] Chikh Bekri, op. cit., p. 74 et 112.